Encore une belle idée avortée !

Abortion #6
Abortion #6

C’est une grande gaillarde costaude et décidée. Elle a trouvé, dès l’âge de 15 ans, un procédé infaillible pour mettre fin à toutes les guerres et tous les conflits armés. Elle y a travaillé jusqu’à ce qu’il soit définitivement au point, pour ses 25 ans. C’était formidable, enfin un monde sans guerres ! Bien sûr, les marchands d’armes ne lui disaient pas merci.
Mais cette belle utopie est tombée à l’eau car le jour où cette grande gaillarde aurait dû être conçue, un mardi après le judo sur le banc du vestiaire filles, la mère de la jeune ovulante se fit renverser par un quad, accident bénin mais suffisant pour consigner la jeune fille à la maison. Son copain pensa qu’elle lui avait posé un lapin et de dépit, forniqua avec une pauvre ceinture jaune nommée Rose-Marie Magrotta et la mit en cloque séance tenante. Il en naquit un bébé qui devint petit chef de rayon (principalement poisson et viande) du Mégamarché de la Région. Et qui se passionnait pour les jeux vidéos les plus violents. Comme quoi…

Texte et photo © dominiquecozette

Petit homme

Que peut-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien.
Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France,
de l’Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n’en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène :
il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. L’homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l’insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde, d’un homme médiocre échappé « .

Victor HUGO, dans  » Napoléon, le petit  »
Réédité chez Actes Sud
Dessin © dominiquecozette

(Entendu Besson ce matin, horreur, je l’avais espéré englouti dans un bug New year ! Pouah !

Fin de partie

Putain ce qu’on a pu se marrer dans cette boîte où je passais mes vacances ! On  buvait du bourbon-coca gratos à volonté, les nanas en mini-jupes aux jolies jambes, et quand on était pafs, on dansait comme des tarées sur une estrade d’où les voyeurs pouvaient voir … pas grand’chose car les strings n’existaient pas et on portait culotte. Parfois, monsieur Eddie Barclay débarquait avec sa clique et il offrait le champ à tout le monde. Nous, il nous ramenait chez lui et nous faisait danser au bord de sa piscine tandis que ses invités connus se poussaient à la baille les uns après les autres et gueulaient parce que leurs montres prenaient l’eau. Y z’avaient pas encore de montres étanches, eux non plus d’ailleurs l’étaient pas, parce qu’on les emmenait souvent aux urgences pour les vider. Y avait Sacha qui prenait sa guitare sur le coup de l’aube et il croonait. Quelques couples faisaient l’amour dans les fleurs et moi je m’endormais de toute façon dans la balancelle. Dès que je fumais un joint, toc, dodo. Voilà.
Aujourd’hui le lieu est devenu une permanence pour des sans foyer, c’est pas la même ambiance. Mais à Noël et au premier de l’an, il y avait des rires qui fusaient et des bouchons de champagne qui pétaient. Y en un qui est sorti tout éméché, de blanc vêtu, je vous jure, on aurait dit Eddie Barclay. Sauf qu’il était avec une vieille. Là, je me suis dit : non, c’est pas lui !

Texte et photo © dominiquecozette

Vive la galette !

C’est tout bête, mais les hommes sont bêtes. Ils étaient une petite bande de potes, tranquille, et y en a un qui dit : Tiens, si on tirait les reines ? Et ils ont commencé à broder autour de ce thème récurrent de l’épiphanie et ils en sont venus à se demander si untel ne tirerait pas la reine d’untel et coetera. Et des choses ont fusé du genre ça me ferait mal aux c… de la tirer , c’est un thon. Ou au contraire, tu parles ! Y a longtemps que tout le monde la tire, ta reine ! Vous voyez l’ambiance. Alors ils ont commencé à se foutre dessus grave et ça a dégénéré en baston et puis toute la bande élargie s’y est mise, les quartiers, tout ça, ça a sorti des lames, des feux et puis y a une balle qu’ a été tirée. Et puis Y a Momo qu’est tombé. Momo qui passait par là pour aller acheter une petite galette à sa mère et à ses soeurs. Et tous ces cons se sont barrés. Y en a un qui a même dit : c’est Momo qui a eu la fêve. Mais ça a fait rire personne. Voilà cette triste histoire.

Texte et dessin © dominiquecozette (d’après une sculpture au Musée d’Orsay).

Merci qui ?

Faisons tous comme Philippe Katerine en cette saison d’agapes, remercions chacun des animaux sacrifiés à notre gourmandise.

Poulet N°728 120
Poulet de Vendée
Elevé en plein air
89 jours et 90 nuits

Parmi 380 autres poulets
Alimenté avec 75% de céréales
Le 3 décembre 1998
A l’abattoir de St Fuljean
Electroculté, Vidé, déplumé, lavé, conditionné, labellisé le poulet

Le 11 décembre 1998
je l’ai acheté 52 francs 55
Chez le boucher chauve,
Rue de la bastille.
Je l’ai mangé chaud le midi,
Froid le soir, avec une bouteille de vin rouge.
Je l’ai adoré le poulet

Poulet N°728120
Je t’aime, je pense à toi.

Chanson © Philippe Katerine / dessin © dominiquecozette

Tenue de réveillon

J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! Ouais ben j’irai pas à leur réveillon ! Y se passeront de moi. J’ai pas envie de passer pour une nase. Merde, qui c’est qui m’appelle encore ? Allo ? Ah, c’est toi ? Oui… oui… oui… non pas du tout j’étais en train de bouquiner… un vieux livre … attends, je regarde … les illusions d’optique, c’est marrant comme tout … oui … bien sûr et toi ? Oh, super, tu t’habilles en pingouin et tout ça ? Une robe longue ? Evidemment que j’ai une robe longue mais je l’ai déjà mise l’an dernier et un connard m’a vomi dessus, ça te rappelle rien, peut-être ! Ouais, ciao et bonne bourre ! Cling ! (façon de bruiter le téléphone qu’elle raccroche brutalement.) Connard, ce mec ! Et puis quoi ? M’inviter au dernier moment !
Putain, J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre !
Allo, Iris ? Tu fais quoi ce soir ? Ouais pour le réveillon, pardi ! Rien ? Et si on se bourrait vite fait une petite valise, qu’on se pointe à Roissy et qu’on prenne le premier… ah, pas envie, c’était marrant pourtant l’autre fois ! Bon, bah… Bon bah OK, je viens comme ça, hein, tu me jures que tu me refais pas le gag des invités surprises ? … Quoi, des chaussons ? Un plan bourrage de tronche en chaussons ?  C’est trop ouf ! Bon, OK, je saute dans mes charantaises et j’arrive, à tout’ ! Cling (façon de bruiter le téléphone qu’elle raccroche dubitativement )… Merde !!! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’ai pas de chaussons ! Ce que c’est chiant, ces réveillons !!!

Texte et dessin © dominiquecozette

Moi, nue, sur FB

Cette photo de moi qui a fait le tour du monde en 2018 a été prise lorsque j’avais 12 ans. C’est ma mère qui, très fière « de la belle jeune fille » que j’étais en train de devenir, l’a postée sur Face Book pour se vanter auprès des copines et des copains. Je ne vous raconte pas  les commentaires croustillants que ça a généré. Ce n’était pas pour me nuire, elle était juste ravie de m’exhiber, ainsi que mon petit frère avec sa zigounette au vent … de nous immortaliser. C’est le mot, car depuis que je suis connue, ces photos ornent les magazines dès qu’il est question de moi, comme vous le savez. Alors tant pis, j’ai attaqué ma mère et figurez-vous que j’ai gagné : n’ayant pas respecté mon droit à l’image lorsque j’étais mineure, elle a été condamnée à me verser des dommages et intérêts. N’ayez crainte,  les droits d’auteur de ma mère suffiront largement à couvrir cette somme, vu ce que ses best-sellers lui rapportent depuis que je suis en pleine lumière. Nous ne sommes pas brouillées, je voudrais simplement qu’elle arrête de raconter ma vie et qu’elle se mette enfin à vivre la sienne. C’est trop demander que ma mère de 45 ans se fasse cloner comme tout le monde et  s’occupe du rejeton avec amour et égoïsme ? Qu’elle me lâche une bonne fois, en un mot ?

Texte et dessin © dominiquecozette

Très gros voeux

Cher journal intime,

merci de m’avoir amenée à bon port à Saint-Domingue sur cette magnifique plage de sable blanc jonchée de beaux nordiques. Tu sais que mon voeu le plus cher est de rencontrer un très beau jeune homme pauvre qui me demanderait de l’épouser. Il me suffit de rester sur cette plage où beaucoup de jeunes hommes tropicaux (sic car je ne trouve pas le bon mot) passent. L’un d’eux vient de m’accoster et j’ai cru comprendre qu’il m’a donné ses tarifs pour une nuit avec lui. J’avoue que je n’avais pas pensé à cet aspect des choses : il me semblait plutôt que c’était moi le cadeau pour lui. Il faut que je réfléchisse à ça,  je ne vais quand même pas repartir d’ici sans avoir profité un peu ! J’ai encore six jours, j’ai le temps.
Mon deuxième voeu, cher journal, c’est de repartir, du moins fiancée, en tout cas très belle et très bronzée afin de faire la nique à toutes celles qui s’imaginent que ma vie n’est pas intéressante. Et toc, je voudrais bien voir leur gueule !
Mon troisième voeu, et non des moindres, est que mon avion de retour ne s’abîme pas en mer, premièrement, et que mes bagages ne soient pas partis sur un autre vol, avec les paréos que je viens d’acheter sur la plage à un très beau jeune homme qui va revenir cet après-midi avec des bracelets.
A suivre donc… et à la baille !

Texte et dessin photoshoppé © dominiquecozette

Salvayre : deux siècles d’aveuglement

« Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront sans maison et sans toit sur la terre que leurs parents ont conquise.
Devine qui l’écrit ? Thomas Jefferson, président des Etats-Unis. Devine quand ? En 1802, tu entends : 1802 ! Deux siècles d’aveuglement volontaire ! LA PASSION D’IGNORER. LA PASSION D’IGNORER. LA PASSION D’IGNORER. »

Texte de Lydie Salvayre.  (BW. Ed. Fiction & Cie 2009)
Photo © dominiquecozette

Dans ce bouquin, Lydie Salvayre prend la plume pour raconter l’histoire de son compagnon éditeur, BW, qui devient aveugle. Il évoque particulièrement une enfance humiliante car ils étaient pauvres et il ne pouvait pas le cacher, d’abord parce qu’il était le seul boursier. Sa mère lui fabriqua un blouson en skaï bleu, immettable, qu’il planquait avant d’arriver à l’école, mais il devait quand même garder le pull tricoté main marron à rayures vertes, car il n’avait rien en dessous,  et faire comme si c’était délibéré. Il avait des pantalons aux ourlets rallongés. Son père, hors une camionnette de service, n’avait qu’une mobylette avec un chariot dans lequel il emmenait parfois son fils, la honte totale. Je vous raconte tout ça parce que c’est un sentiment que j’ai pu aussi frôler, jeune, plus parce que mes parents n’avaient pas le souci du paraître et qu’ils étaient très occupés par leur boulot que par leur niveau de vie qui était convenable. A côté d’autres enfants toujours très bien « tenus », il y avait toujours un truc qui clochait. Mais j’aime bien avoir eu ça.

Risky business

Abortion #5
Abortion #5 ratée = naissance réussie

Il y a les conducteurs qui n’ont pas vu le stop
Il y a les conducteurs furieux après leur patron / femme / mari /autre (préciser)
Il y a les conducteurs victime d’une crise cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral
Il y a les conducteurs suicidaires
Il y a les conducteurs qui doublent sans visibilité
Il y a les conducteurs fous de vitesse et que leur importe de mourir…
Il y a les conducteurs bourrés, défoncés ou les deux
Il y a les conducteurs dont l’enfant fait coucou en lui mettant les mains sur les yeux dans un virage en épingle à cheveux
Il y a les conducteurs poursuivis par les flics
Il y a les conducteurs flics qui poursuivent une voiture louche
Il y a les conducteurs qui roulent sur une plaque de verglas ou une tache d’huile
Il y a les conducteurs absorbés par leur discussion téléphonique
Il y a les conducteurs qui regardent le match sur la télé de bord
Il y a les conducteurs sujets aux crises d’épilepsie suite à l’alternance ombre/lumière des platanes bordant la route
Il y a les conducteurs victimes d’une pulsion mortifère qu’ils sont incapables d’expliquer ensuite
Il y a les conducteurs qui se la jouent rallye de Monte-Carlo ou circuit d’Indianapolis
Il y a les conducteurs qui se font faire une douceur par la personne accompagnée
Il y a les conducteurs qui perdent le contrôle de leur véhicule
Il y a les conducteurs trop âgés pour avoir eu le bon réflexe
Il y a les conducteurs juste énervés parce que la voiture devant eux  n’avance pas
Il y a les conducteurs qui font la course entre eux ou avec le train
Il y a les conducteurs qui prennent les routes à contresens
Il y a les conducteurs qui n’ont pas une seconde à perdre pour une urgence
On peut mettre ces conducteurs au féminin, bien sûr.
Et il y a tous les impondérables trop longs à énumérer (chute de pierres, sanglier au milieu de la route…)
Et puis il y a nous qui – pour l’instant et jusqu’à quand – ne nous sommes pas trouvés sur leur chemin.
Sans parler des maladies, accidents divers, malformations fortuites, catastrophes naturelles, intempéries récurrentes, maléfices de putes.
Sans compter aussi la probabilité sur des milliards d’avoir été conçus puis d’être nés.
Alors oui, pourquoi ne pas tenter un petit loto, ne pas croire aux miracles, ne pas être fataliste. Et ne pas faire des voeux irréalisables ?
Tous mes voeux donc, et s’ils ne se réalisent pas, tant mieux, il en restera pour l’année prochaine !

Texte et photo © dominiquecozette

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