Après son magnifique premier livre sur le Consentement, quand très jeune fille, elle était la proie d’un écrivain célèbre, Gabriel Matzneff avec l’accord de sa mère et la bienveillance de la petite sphère germanopratine, Vanessa Springore nous livre un autre pan de sa vie, celle qui concerne son père, le grand absent, puis son grand-père, si gentil avec elle quand elle était petite, si bonhomme.
Six jours après la parution du Consentement, elle reçoit un coup de fil lui annonçant que son père est mort. Elle pense immédiatement à un suicide dû probablement à ce livre. En fait non. Il a été retrouvé mort dans un petit appartement de 35 m2 dont il n’occupait qu’une pièce, l’autre étant la chambre intouchée de sa mère décédée depuis plusieurs années. Vanessa ne le fréquente plus. C’est pourquoi elle est sidérée de voir dans quel dénuement et saleté il vit. C’était quelqu’un de doué qui a flingué sa vie. Comment est-ce possible ? Comment pouvait-il se complaire dans cette crasse, ce laisser aller, dans cet endroit qu’il avait volé à sa propre mère, l’obligeant à vivre lses dernières années cloîtrée dans sa chambre ?
En triant le fatras qu’il a laissé, quelle ne fut la mauviase surprise de Vanessa en découvrant deux photos de son grand-père chéri, mort depuis longtemps, portant des insignes nazies.
Alors commence une quête effrénée pour tenter de comprendre cette partie de sa famille venue de Tchécoslovaquie, le changement de leur nom de Springer en Springora et les différents mystères de leur histoire. Et ça vient de loin. Il faut se souvenir les changements de frontières, de régimes, de noms etc… de ces pays d’Europe centrale, entre totalitarisme et communisme.
Springora est une acharnée, elle fouille tout, partout, remonte toutes les pistes, émet des hypothèses crédibles puis non, finit par rencontrer des cousines lointaines qui ne parlent pas les mêmes langues, fait intervenir des édiles de ces pays… Le problème, c’est que c’est très compliqué, très emmêlé, très contradictoire. Beaucoup d’archives ont été détruites. Et puis toutes ces histoires de Sudètes auxquelles je ne comprenais rien au lycée, j’étais nulle en histoire, j’avoue que j’ai trouvé ça trop complexe. D’autant plus qu’il y avait beaucoup de coups d’épées dans l’eau, il fallait revenir à la base. Alors bien sûr, il y a des anecdotes très prenantes dans ce méli-mélo documenté, mais cette partie du livre m’a un peu dépassée.
Tout ça pour dire que la première partie du livre qui concerne son père est formidable. C’est carrément sidérant, incroyable même. Ça vaut le coup de lire le récit pour cette partie. Ensuite, je suppose que beaucoup de lecteurs amateurs de la grande Histoire y trouvent leur compte, ce qui n’est pas mon cas. N’empêche, j’ai fini le livre qui conclue sur un très beau chapitre où elle s’adresse à son père. Elle a compris comment, avec une histoire familiale pareille, il est devenu ingérable et malade et qu’il n’a eu comme solution que de se laisser plisser, de s’échapper dans le néant. C’est comme si elle pardonnait à la vie de malmener autant ses ressortissants et en résumé, on sent l’amour affleurer dans son adieu.
Patronyme de Vanessa Springora, 2025 aux éditions Grasset. 364 pages, 22 €
Texte © dominique cozette