Le dernier opus de Pierric Bailly, La Foudre, est beaucoup plus épais que les précédents. Etoffé. C’est qu’il y en a à raconter. D’abord, et toujours chez cet auteur, la nature jurassienne dans toute sa beauté, ou sa dureté, ou sa variété. Le héros a pris le nom de son taiseux de grand-père, John, l’homme qui lui a tout appris sans mot. Il est mort mais toujours là, dans le cœur de John, le jeune. Pour l’instant, il est berger pendant plusieurs mois, il garde les brebis d’Anna-Marie qui ne veut plus monter. Il vit de peu, dans son abri sans grand confort, avec ses deux chiens adorés plus les deux patous qui protègent le troupeau des bêtes sauvages. Pour allumer son feu, il dispose d’une pile de vieux journeaux qu’il parcourt distraitement. Il n’a pas de Wifi, ni de portable. Il est vraiment coupé du monde. Il a cependant une amoureuse depuis quelques années qui a formé un beau projet pour eux deux : aller vivre à la Réunion et y faire un bébé. Elle est enseignante et n’aura aucun mal à trouver du boulot. Elle ira dès la rentrée des classes pour y trouver le lieu et la maison et lui la rejoindra une fois les brebis redescendues.
Mais soudain, bim, à la une d’un vieux journal, il apprend qu’Alex, un ami d’internat, vient de tuer un chasseur. Alex est un non-violent, certes il n’est pas très chasse, vegan plutôt et il sauve tous les animaux abîmés depuis qu’il est petit. Alex, c’était un sacré personnage, un charme fou, un charisme tel que John a copié son grand rire et l’a pris longtemps pour modèle dans sa tête. En plus, il sortait avec Nadia dont John était très épris.
Pour en savoir plus sur ce mystère qui le touche de près, il réussira à joindre Nadia avant de partir. Mais elle vit dans un tel désarroi avec ses deux petits mômes et son mec en prison, pas encore jugé alors qu’il s’agit vraiment d’un accident, que John fait tout ce qu’il peut pour la soutenir, l’aider, lui permettre enfin de libérer sa parole car son mari, le meurtrier, est devenu tabou auprès des autres, donc elle aussi. John n’a aucune arrière pensée en agissant ainsi. Dt impossible de ne pas assister au procès, il veut aller jusqu’au bout, et pour cela, il recule son arrivée à la Réunion.
Le roman va devenir tendu, on se doute qu’il ne va pas échapper à ce bon vieux dilemme : Héloïse ou Nadia, tout en sachant qu’Alex n’est pas mort, qu’il va peut-être revenir bientôt, libre, aimer sa femme, s’occuper de ses marmots.
Entre temps, on se promène dans ces paysages magnifiques où l’auteur ne se prive pas de citer plantes et animaux qu’il aime tellement, odeurs et bruissements.
Un très beau livre, sentimental parfois, c’est la spécialité de l’auteur qui a taxé son dernier opus, le Roman de Jim, de mélodrame. Il le fait très bien.
La Foudre de Pierric Bailly, 2023 chez P.O.L. 460 pages, 24 €.
Texte © dominique cozette