Moche ?

(coll. privée)
Pour sûr ma brav' dame !

« Il n’existe pas, dans tout l’univers, de camelote plus infecte et de travail plus bâclé que le corps humain. A elles seules les oreilles, collées au crâne n’importe comment, suffiraient à le disqualifier. Les pieds sont ridicules, les tripes répugnantes. Réduites à l’état de squelette, toutes les têtes ont un rictus parfaitement déplacé. Les êtres humains n’en sont pas entièrement responsables. La vérité, c’est qu’ils n’ont pas eu de chance avec l’évolution. »

Eduardo Mendoza (Sans nouvelles de Gurb. 1990)

Peinture sur métal © dominiquecozette

Non aux retouches !

Naturellement belle
Naturellement belle

Maria Ninguem, Carioca installée à Sedan, le crie haut et fort : Non aux retouches ! C’est à cause de ça qu’elle a quitté Rio. Toutes ses copines étaient refaites et bien refaites, et elle, naturellement belle et gaulée, ne présentait pas plus d’intérêt qu’une paire de bas pour un tamanoir. Elle s’est dit comme ça : allons en France, les Françaises ne sont plus si belles que leur réputation ne le laisse accroire (en fait elle s’est dit que dans ce pays de radasses qu’est la France, elle avait sa chance). Et puis c’est la longue histoire des aléas de chacune de nos vies, elle se retrouve à Sedan chargée d’accueil dans une boîte d’allumeuses (fabrique de lingerie fine) et accessoirement mannequin cabine pour les gros cochons du cru qui prétendent avoir de superbes cadeaux à faire à leur chérie alors qu’en fait ils vont se masturber fébrilement dans les slips et les soutifs qu’elle aura exhibés devant eux. Bref, elle s’est un peu loupée, notre Maria Niguem de Rio. Mais pas ses employeurs.  Quand ils ont besoin de refaire leur catalogue, ils sont contents qu’elle « sorte » parfaitement au poil sans aucune retouche. D’abord, ça coûte moins cher, et puis ils n’ont pas à apposer cet infâmant macaron « photo retouchée » qui jure tellement  avec l’éclaté fluo des promos, le prix barré et la loupe de grossissement de l’étoffe. Croyez-le ou non, Maria Niguem a la nostalgie de son beau pays. La saudade, en brésilien.

Texte et dessin © dominiquecozette

Présences

Immobilisme
Immobilisme

La scène se passe dans un ravissant village haut perché de l’Ardèche méridionale, à Banne, sous le cagnard. Il fait tellement chaud que tout mouvement est interdit sous peine de se dissoudre dans une cascade de sueur. Pourtant, l’immobilité des chalands nous inquiète et leur silence itou. C’est alors que nous constatons qu’il s’agit de personnages en papier mâché, saisissants de réalisme. Si la photo en montre quatre, sachez qu’une vraie bande de ces héros sympathiques s’active, façon de parler, dans tout le village. Un mécano se gratte l’occiput devant le moteur d’une vraie bagnole, trois vieilles sur un banc regardent passer les couillons  que nous sommes, un peintre, une nana perchée sur un mur nous leurrent à un point tel que nous finissons par regarder de vraies personnes sous le nez pour nous repaître de leur perfection. L’artiste accoucheur de ces « présences » comme il les appelle, est sétois, il s’appelle Joel Bast et click ! vous arrivez chez lui. Il fait aussi de l’événementiel pour mes amis pubeurs que ça intéresse. Un petit déplacement à Sète pour un casting, c’est pas désagréable, non ?

Sculptures : Joël Bast
Texte et photo © dominiquecozette

Filles des villes et gars des champs

Bon bah ciao !

Voilà un garçon de la campagne américaine, disons un red-neck tiens, je le verrais bien ressembler à Ricky Nelson avec un rictus sur la lèvre et un Stetson délavé. Le mec qui peut plaire mais, ah flûte, il a pas de blé. Enfin si, il le cultive même, ce qui ne suffit pas à faire de la thune. Alors qu’est-ce qu’il veut ce garçon ? A quoi il rêve ? Aux filles de la ville, ces filles formid qui couchent, ah ça, pour coucher, elles couchent ! Mais au petit matin, pfffuitt !, tap-tap sur l’oreiller déserté, plus personne, elles se sont barrées. C’est qu’il voudrait tant la retenir, celle-ci là,  qu’il a levée au diner hier soir,  elle est si bonne ! Ce qui est ballot, c’est qu’il ne puisse lui offrir ni diamant ni truc sublime ! Ah, une idée :  il va chanter pour elle en espérant qu’elle restera. Sacrée fille de la ville ! (A mon avis, mais c’est très personnel, elle est mal barrée, cette affaire).

Texte d’après City Girls de J.J.Cale (music & lyrics J.J.Cale)
Dessin © dominiquecozette

Le bref mariage de Cunégonde Lingus.

La belle Cunny

Cunégonde Lingus, que sa mère a toujours surnommée Cunny, arrive en France à l’âge de 18 ans. Elle parle un français de cuisine qui lui permet de se faire des amies. Très vite elle comprend que de se décliner sous l’appellation de Cunny Lingus a quelque chose d’explosif. Elle s’en ouvre à sa mère qui, ne connaissant pas la pratique en question, lui raccroche au nez. Puis, s’étant elle-même renseignée sur son Internet local (les nanas de son village qui piapiatent au troquet), elle la rappelle pour lui conseiller de se marier au plus vite. Hé bien figurez-vous que c’est ce qu’elle a fait : elle a trouvé dans le RER un grand gars d’Ozoir-la-Ferrière qui s’appelle Baptiste Moudu. Elle s’appellera donc Cunny Moudu, ce qui est presque tout à fait acceptable. Et bien que Baptiste Moudu ait clamsé lors de la fête du mariage car son témoin, voulant jouer à Guillaume Tell (voire à William Burroughs mais ce nom ne lui aurait rien dit)  lui a explosé la tête. Cunny, vierge et veuve, ne fera pas annuler son mariage et pourra mener la vie normale d’une jeune fille d’aujourd’hui sans qu’on pense à mal lorsqu’elle déclinera son nom. A moins qu’on ait l’esprit vraiment mal tourné.

Texte et dessin © dominiquecozette

Ne coupez pas !

Horreur malheur !
Horreur malheur !

Un séminaire pour cadres en 2006 : « On allait nous expliquer comment mettre sous tension nos collaborateurs. On a commencé par nous mettre sous les yeux la pyramide des âges, auteur des 50 ans. L’animateur a dit : « Vous voyez où est le problème ? Le problème, c’est vous ». La centaine de cadres réunis ce jour-là en a le souffle coupé. Les plus zélés s’en sortiront peut-être. A condition de suivre la méthode : « Vous devez travailler au corps vos équipes pour en faire partir le plus possible. Suggérez-leur des reconversions, par exemple ouvrir une chambre d’hôte ou un club de plongée. N’hésitez pas à les coincer sur les horaires ou à surveiller les mails et les communications téléphoniques pour les prendre en faute ». Cette histoire ne se passe pas dans un pays totalitaire, émergent ou lointain. Un pays sans lois sociales. Ça se passe en France, chez France Télécom précisément et c’est rapporté par un cad sup, ingénieur, 25 ans d’ancienneté, dans un article du Nouvel Obs du 17 septembre. Allo ? Y a quelqu’un qui cause ?

Texte Isabelle Monnin (Nouvel Obs)
Dessin bidouillé © dominiquecozette

Pride ac’

Rêve d'homme

Vous vous voyez là-dedans, vous, amis de mes amis ? J’sais pas mais c’est un peu gratiné, comme look. Des milliers d’heures de broderie à la main, au fil d’or, une queue de pie (la pie vole, la pie rit, la pie caquète bref la pie culture), des poignets du même bois, le bedon bien dégagé, pas intérêt à exhiber son cal de comptoir ! Voyez aussi ces deux médailles en chocolat, qui, sans vouloir critiquer, jurent, non pas fidélité, mais inesthétiquement avec l’ensemble des motifs. Je vous fais grâce du chapeau, de l’épée et tout ça. Pour obtenir ça, on se bat, on ourdit, on trame, on trahit, on abuse, on berne, on dupe, on filoute, on roule, on bluffe, on suborne, on déjoue, on spécule, on combine, on flatte, on intrigue, on conspire, on manigance. J’imagine que le paquet de bonbons qu’on reçoit en récompense doit valoir le jus. Moi, personnellement et je parle juste en mon nom, je trouve ça ridicule, ces vieux messieurs (il y a des dames aussi) qui jouent encore avec des panoplies, pour consoler le petit garçon qui est en eux et qui se faisait niquer dans la cour de récré. Remarquez, pendant ce temps-là, avec ce beau costume, ils font pas de bêtises.

Texte et photo (de qualité moyenne, j’en conviens) © dominiquecozette

De la gueule !

« Après avoir déposé mes bagages à l’hôtel de Suède rue Vanneau, j’ai marché jusqu’au Bon Marché pour acheter de l’époisses et un mont-d’or, un robuste gigondas et un châteauneuf-du-pape Vieux Télégraphes…L’odeur familière des fromages envahit ma chambre, une odeur qui, aux Etats-Unis, eût immédiatement mis en alerte nos services de sécurité… Le soir, je goûtais à la vigoureuse cuisine de mon ami Lulu, dans son restaurant l’Assiette, rue du Château ou dégustais les solides plats du Sud-Ouest chez Thoumieux, rue Saint-Dominique. Je dégustais un ferme poulet à la Rôtisserie du Beaujolais. Je m’asseyais au Sélect pour lire et écrire de médiocres poèmes, boire du Brouilly et observer à la dérobée les jolies femmes qui ne me regardent pas parce que je suis vieux. Je passais à la Taverne Basque, rue du Cherche-midi, pour vérifier que ma garbure préférée figurait toujours au menu…(Ensuite ses amis de virées gastronomiques arrivent et ils partent dans le midi et la Bourgogne à leurs adresses de prédilection). J’ai gardé pour la fin mes deux refuges favoris en France. Le Domaine Tempier à Bandol chez mon ami Lulu Peyraud, et le manoir de Gérard Oberlé et de Gilles Brezol… Ce jour-là, Gérard a offert un déjeuner privé à quatorze de ses amis dans le restaurant de Marc Meneau, l’Espérance. Nous sommes restés à table onze heures durant, pendant lesquels nous avons dégusté trente-sept plats et une douzaine de vins fins. Quarante huit heures plus tard, me voilà de nouveau chez moi, dans le Montana, où des loups ont, il y a quelques jours, égorgé la plupart des moutons de mon voisin…

Jim Harrison dans une chronique publiée par le Nouvel Obs du 8 janvier 2004.
Peinture sur tôle © dominiquecozette

Incompétence

Monsieur Asap
Monsieur Asap

« Un chef doit sauver sa place ou prendre celle d’un autre. Il passe donc la moitié de son temps à magouiller. L’autre moitié, il ne fait pas grand-chose. Au total, on peut considérer qu’Alexandre ne fait rien. Il lui faut donc un adjoint. Par ailleurs, avoir un adjoint est signe de puissance. On l’emmène dans les réunions importantes. De ce qui précède, on déduit aisément que la fonction d’adjoint présente un avantage incontestable : comme vous renoncez à prendre la place de votre chef, votre chef ferme les yeux sur votre nonchalance ou votre incompétence, lesquelles ne sont que le reflet des siennes. A vous deux finalement, vous fournissez le travail d’un salarié. Ce n’est pas si mal. …/…
Toute nouvelle activité économique attire une bande d’aventuriers, généralement sans diplômes. C’est le Nouveau Monde. Chacun y va tenter sa chance. Il y a une effervescence assez bohême. Le profit est presque secondaire. Puis, la logique du marché reprend ses droits. On engage des diplômés performants. On licencie. »

Pierre Mérot (Mammifères). (En 4ème de couv : « Pierre Mérot est né à Paris il y a une quarantaine d’années. Mammifères raconte la vie d’un type né à Paris il y a une quarantaine d’années. »). (Ce premier bouquin était top. J’ai moins aimé le suivant). (Si ça vous intéresse, naturellement).
Peinture  © dominiquecozette

(Asap signifiant as soon as possible, mot d’ordre accompagnant toute tâche à effectuer)

Réveil des dents de Nicolas Baker

« J’ai le nez très bouché maintenant, et quand je dors mes dents se dessèchent parce que je respire par la bouche, alors mes lèvres se collent à mes dents comme à des ardoises restées au soleil, et ce rictus figé me réveille, et puis vient ce moment délicieux où l’on tend les lèvres pour les décoller de sorte que les dents se ré-humidifient. Elles commencent par résister, et puis leur glissant revient d’un seul coup, et on peut alors s’arroser les dents comme un rôti et remettre la langue, qui a elle aussi souffert d’une heure de privations asséchantes, en action. »

Nicolas Baker* (Une boîte d’allumettes)
photo © dominiquecozette

* Auteur qui se situerait (le conditionnel car de quoi me mêlè-je ?) entre Delerm (en mieux, bien sûr) et Perec (en moins bien, idem) pour sa description des choses de tous les jours qui n’intéressent en fait que les gens qui sont intéressés par l’écriture (cette phrase est d’une finesse). Disons, comme Queneau, qu’il s’agit là,  d’un exercice de style, genre la plume qui fait les pointes aux quatre coins de la page. Là, c’est pire que tout, veuillez m’excuser…

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