Mistral perdu… pas pour tout le monde !

Mistral perdu ou les événements : super titre quand on apprend, dans ce livre d’Isabelle Monnin, l’attachement que sa sœur et elle ont pour Renaud. Ça commence bien, gentiment. C’est la vie d’une fille qui naît dans les 70’s, puis de sa petite sœur et dès lors, de leur fusionnelle relation faite d’éclats de rires, principalement. Un récit bourré de références à l’époque — comme on a pu revivre notre propre vie lors des rétrospectives sur Johnny — du très personnel dans le très universel. Un petit village français, une famille de gauche, dans l’enseignement, bon esprit donc, un environnement bienveillant et cet énorme amour que génère la complicité avec une sœur, un pitre, une drôlesse, un déversoir, une confidente… On voit bien. Puis l’énorme coup de foudre un soir pour le chanteur au bandana aperçu à la télé et depuis, c’est lui qui règle le calendrier, les souvenirs. Il y en a plein d’autres, ce livre est un name-dropping à lui tout seul, les ministres, les modes, les films… c’est toute l’époque qui défile, formidable.
Un jour le bac, le départ à Paris pour la fac sans la sœur, le mec rencontré plus tôt, qui sera le mari puis le père des enfants mais on n’en est pas là car brusquement, brutalement, violemment, tout s’écroule. La sœur aimée, le double, le bouclier, l’indispensable, meurt d’un arrêt cardiaque. Catastrophe ultime pour Isabelle qui sait que rien de grave ne pourra désormais plus arriver. (Elle se trompe, hélas).
De gentillet, le livre était devenu grave, on sentait que quelque chose allait se produire, ne serait-ce que par le titre. Puis, après la mort, le livre atteint des sommets de profondeur (!), mais la vie continue, il y a un petit gars qui naît, puis un second…. et toujours un cortège de rappels de l’époque, les Twin Towers, la Syrie, le vote utile. Et Renaud alcoolisé qui tremblote en chantant les bobos. Puis encore et encore… jusqu’à ce qu’il embrasse un flic.
C’est un récit tendre et poignant, chaque paquet de paragraphe commence par « nous sommes deux », c’est à dire une entité indissociable. C’est en même temps plaisant car ça remène des souvenirs, c’est très dur aussi, cette vie qui nous prend ceux qu’on aime, qui nous sidère devant les haines montantes mais qui nous donne encore des rires et des super moments d’amour.

Mistral perdu ou les événements d’Isabelle Monnin, 2017 chez JCLattès. 204 p. 17 *

NB : la couverture nous montre des enfants qui, je trouve, ne correspondent pas à l’histoire. Quand j’avais la chance de faire paraître mes bouquins, j’ai eu souvent maille à partir (expression macronienne) avec les éditeurs à ce sujet. Pour l’un d’eux, j’ai même fait des recherches perso pour dénicher la meilleure illustration à mon histoire… Les éditeurs vs les publicitaires !

Quête de la mère de Sophie Daull

Le dernier de Sophie Daull me rappelle énormément les gens dans l’enveloppe (que j’avais bien aimé, voir ici) d’Isabelle Monnin où, après avoir acheté un stock de photos aux puces, elle avait décidé d’en retrouver les vraies personnes.
Le livre de Sophie Daull part d’une démarche plus intime : la recherche de sa mère. L’an dernier, Sophie avait écrit un livre très remarqué sur la mort toute récente de sa fille de 16 ans, suite à une maladie foudroyante (Camille, mon envolée) que je ne ai pas lu. En cette rentrée, on parle de La suture, son nouvel opus. Si elle a perdu sa fille de 16 ans, elle a aussi perdu sa mère à 19 ans. Les deux n’ont pas pu se connaître. Elle-même sait très peu de choses sur sa mère qui ne lui racontait rien, gardant le secret de son enfance et de son adolescence peu joyeuses, près d’un père, violent poivrot, (ce n’était pas son vrai père, tout le monde le savait), une mère peu attentive et une aînée indifférente voire méprisante envers cette bâtarde. Tout ce petit monde dans un bistro bas de gamme, dans une bourgade miteuse.
Donc sa mère, qui a été assassinée à la quarantaine sans que ce meurtre ait été élucidé, n’a laissé que quelques traces, quelques photos, des fiches de paie, peu de choses, qui tiennent dans une boîte à chaussures. Armée de ces maigres indices, Sophie part à la rencontre de son ascendance. Beaucoup des ami(e)s de classe de sa mère sont morts ou gâteux, le café a été vendu plusieurs fois, personne ne connaît plus les anciens du village. Elle réussit malgré tout à sauver quelques pièces du puzzle à partir desquelles elle entreprend de fictionner ce qui lui manque d’après les décors et ambiances qu’elle a découverts. On suit sa quête avec intérêt, en espérant retrouver le plus mystérieux de tous : le père biologique, dont elle connaît le nom, mais il restera comme le grand secret de sa vie. Quant à l’assassin de sa mère…

La suture par Sophie Daull aux éditions Philippe Rey, 2016.208 pages, 17 €. Vidéo où l’auteure nous parle de son livre.

 

Les gens dans l'enveloppe : belle idée

Isabelle Monnin, écrivaine et journaliste, achète un jour des photos sur ebay, des photos de famille banales. Un jour, elle décide de donner vie à ces personnages dont elle ignore tout car rien n’est écrit au dos des clichés. Il faut leur trouver une parenté, leur inventer une identité, un nom, un prénom, un surnom et les accompagner vers ce destin fictionnel. Les gens dans l’enveloppe — titre de l’ouvrage — prennent vie dans un roman assez triste, poignant même, c’est vrai que les photos ne sont pas follement joyeuses dans ce décor de petit bled inconnu où demeure un homme qui semble plaqué brutalement par une femme qui veut vivre, vivre ! Elle en laisse même sa fillette, sa famille et ne donnera plus signe de vie. Plus tard, la jeune fille enquêtera sur sa mère et ira jusqu’en Argentine. La retrouvera-t-elle ?
Quand elle a fini l’histoire, Isabelle Monnin pense qu’il serait légitime de retrouver ces personnes, de les informer de ce projet et de voir qui ils sont dans la réalité. L’enquête révèle vite le nom du bled grâce au petit clocher original derrière la maisonnette. Chance : c’est la région dans laquelle vit Isabelle.
Petit à petit, avec l’aide de certains habitants, elle renoue les fils entre ces gens et rencontre les principaux survivants. Non sans la mauvaise conscience de se voir critiquer cette irruption dans leur vie privée. Le père, un taiseux, sensible à cet événement, accepte de dérouler son histoire d’homme rejeté, mal aimé. Et ses secrets. La mère, qui était partie aussi, comme dans le roman, se raconte sans problème.  L’ultime rencontre, la fillette, devenue une femme du même âge que l’auteure, s’appelle comme dans la fiction. Mais ne correspond en rien au personnage fictif. Et une amitié se trame avec tout ce petit monde simple et sympathique.
Au milieu du livre se trouvent les photos et à la fin, un CD d’Alex Beaupain inspiré par toute cette histoire. Les principaux héros de l’histoire ont accepté d’y poser leur voix à côté de celles de Clotilde Hesme et de Camilia Jordana. Je ne l’ai pas encore écouté mais le livre m’a emballée. Il est extrêmement émouvant et attachant. En plus d’être très original et arty : ça frôle le Sophie Calle.

Les gens dans l’enveloppe d’Isabelle Monnin aux éditions JC Lattès. 2015. 382 pages + un CD. 22 €.

« Second tour », oui, c’est fait, mais le roman éponyme est formidable !

Il s’appelle en réalité « Second tour ou les bons sentiments » et narre les retrouvailles d’une bande de cops pour les 50 ans de l’un d’eux. C’est d’abord une histoire sentimentale. Deux d’entre eux se sont loupés dans leur jeunesse, l’une était en pré-mariage avec un homme stricte et entier, l’autre ne l’a pas convaincue de rester avec lui et s’est engagé comme photographe grand reporter de guerre. Se passera-t-il un événement suffisamment fort pour qu’elle fasse fi de sa vie conjugale et vive enfin cet amour ?
Et puis il y a tous les autres, hommes plus ou moins chauves et ventripotents qui se tortillent gentiment sur la musique des Clash ou de Téléphone, femmes qui se racontent, autres qui se bourrent la gueule,  bref qui se marrent.
Et puis il y a le traitre, sorte de Besson passé à l’autre camp attiré par le pouvoir et ses avantages, qu’on invite poliment en sachant qu’il ne viendra pas. Mais si, il vient, puant d’arrogance avec ses gardes du corps et sa suffisance. Et cette impression de saleté qu’il donne à ressentir à ses anciens amis. Vont-ils faire comme si de rien n’était ou lui crier casse-toi pauv’ con ?
La scène se passe le samedi 5 mai dans la nuit. Le 6, tout va peut-être changer. Ou pas. L’auteure, Isabelle Monnin, n’est pas une pythie mais on ne peut  s’empêcher de penser que ça ne pouvait pas être autrement.

Second tour ou les bons sentiments d’Isabelle Monnin chez JC Lattès 220 pages. Imprimé développement durable en Mayenne.

Texte et dessin © dominique cozette

Ne coupez pas !

Horreur malheur !
Horreur malheur !

Un séminaire pour cadres en 2006 : « On allait nous expliquer comment mettre sous tension nos collaborateurs. On a commencé par nous mettre sous les yeux la pyramide des âges, auteur des 50 ans. L’animateur a dit : « Vous voyez où est le problème ? Le problème, c’est vous ». La centaine de cadres réunis ce jour-là en a le souffle coupé. Les plus zélés s’en sortiront peut-être. A condition de suivre la méthode : « Vous devez travailler au corps vos équipes pour en faire partir le plus possible. Suggérez-leur des reconversions, par exemple ouvrir une chambre d’hôte ou un club de plongée. N’hésitez pas à les coincer sur les horaires ou à surveiller les mails et les communications téléphoniques pour les prendre en faute ». Cette histoire ne se passe pas dans un pays totalitaire, émergent ou lointain. Un pays sans lois sociales. Ça se passe en France, chez France Télécom précisément et c’est rapporté par un cad sup, ingénieur, 25 ans d’ancienneté, dans un article du Nouvel Obs du 17 septembre. Allo ? Y a quelqu’un qui cause ?

Texte Isabelle Monnin (Nouvel Obs)
Dessin bidouillé © dominiquecozette

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