Quête de la mère de Sophie Daull

Le dernier de Sophie Daull me rappelle énormément les gens dans l’enveloppe (que j’avais bien aimé, voir ici) d’Isabelle Monnin où, après avoir acheté un stock de photos aux puces, elle avait décidé d’en retrouver les vraies personnes.
Le livre de Sophie Daull part d’une démarche plus intime : la recherche de sa mère. L’an dernier, Sophie avait écrit un livre très remarqué sur la mort toute récente de sa fille de 16 ans, suite à une maladie foudroyante (Camille, mon envolée) que je ne ai pas lu. En cette rentrée, on parle de La suture, son nouvel opus. Si elle a perdu sa fille de 16 ans, elle a aussi perdu sa mère à 19 ans. Les deux n’ont pas pu se connaître. Elle-même sait très peu de choses sur sa mère qui ne lui racontait rien, gardant le secret de son enfance et de son adolescence peu joyeuses, près d’un père, violent poivrot, (ce n’était pas son vrai père, tout le monde le savait), une mère peu attentive et une aînée indifférente voire méprisante envers cette bâtarde. Tout ce petit monde dans un bistro bas de gamme, dans une bourgade miteuse.
Donc sa mère, qui a été assassinée à la quarantaine sans que ce meurtre ait été élucidé, n’a laissé que quelques traces, quelques photos, des fiches de paie, peu de choses, qui tiennent dans une boîte à chaussures. Armée de ces maigres indices, Sophie part à la rencontre de son ascendance. Beaucoup des ami(e)s de classe de sa mère sont morts ou gâteux, le café a été vendu plusieurs fois, personne ne connaît plus les anciens du village. Elle réussit malgré tout à sauver quelques pièces du puzzle à partir desquelles elle entreprend de fictionner ce qui lui manque d’après les décors et ambiances qu’elle a découverts. On suit sa quête avec intérêt, en espérant retrouver le plus mystérieux de tous : le père biologique, dont elle connaît le nom, mais il restera comme le grand secret de sa vie. Quant à l’assassin de sa mère…

La suture par Sophie Daull aux éditions Philippe Rey, 2016.208 pages, 17 €. Vidéo où l’auteure nous parle de son livre.

 

Les gens dans l'enveloppe : belle idée

Isabelle Monnin, écrivaine et journaliste, achète un jour des photos sur ebay, des photos de famille banales. Un jour, elle décide de donner vie à ces personnages dont elle ignore tout car rien n’est écrit au dos des clichés. Il faut leur trouver une parenté, leur inventer une identité, un nom, un prénom, un surnom et les accompagner vers ce destin fictionnel. Les gens dans l’enveloppe — titre de l’ouvrage — prennent vie dans un roman assez triste, poignant même, c’est vrai que les photos ne sont pas follement joyeuses dans ce décor de petit bled inconnu où demeure un homme qui semble plaqué brutalement par une femme qui veut vivre, vivre ! Elle en laisse même sa fillette, sa famille et ne donnera plus signe de vie. Plus tard, la jeune fille enquêtera sur sa mère et ira jusqu’en Argentine. La retrouvera-t-elle ?
Quand elle a fini l’histoire, Isabelle Monnin pense qu’il serait légitime de retrouver ces personnes, de les informer de ce projet et de voir qui ils sont dans la réalité. L’enquête révèle vite le nom du bled grâce au petit clocher original derrière la maisonnette. Chance : c’est la région dans laquelle vit Isabelle.
Petit à petit, avec l’aide de certains habitants, elle renoue les fils entre ces gens et rencontre les principaux survivants. Non sans la mauvaise conscience de se voir critiquer cette irruption dans leur vie privée. Le père, un taiseux, sensible à cet événement, accepte de dérouler son histoire d’homme rejeté, mal aimé. Et ses secrets. La mère, qui était partie aussi, comme dans le roman, se raconte sans problème.  L’ultime rencontre, la fillette, devenue une femme du même âge que l’auteure, s’appelle comme dans la fiction. Mais ne correspond en rien au personnage fictif. Et une amitié se trame avec tout ce petit monde simple et sympathique.
Au milieu du livre se trouvent les photos et à la fin, un CD d’Alex Beaupain inspiré par toute cette histoire. Les principaux héros de l’histoire ont accepté d’y poser leur voix à côté de celles de Clotilde Hesme et de Camilia Jordana. Je ne l’ai pas encore écouté mais le livre m’a emballée. Il est extrêmement émouvant et attachant. En plus d’être très original et arty : ça frôle le Sophie Calle.

Les gens dans l’enveloppe d’Isabelle Monnin aux éditions JC Lattès. 2015. 382 pages + un CD. 22 €.

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