De la gueule !

« Après avoir déposé mes bagages à l’hôtel de Suède rue Vanneau, j’ai marché jusqu’au Bon Marché pour acheter de l’époisses et un mont-d’or, un robuste gigondas et un châteauneuf-du-pape Vieux Télégraphes…L’odeur familière des fromages envahit ma chambre, une odeur qui, aux Etats-Unis, eût immédiatement mis en alerte nos services de sécurité… Le soir, je goûtais à la vigoureuse cuisine de mon ami Lulu, dans son restaurant l’Assiette, rue du Château ou dégustais les solides plats du Sud-Ouest chez Thoumieux, rue Saint-Dominique. Je dégustais un ferme poulet à la Rôtisserie du Beaujolais. Je m’asseyais au Sélect pour lire et écrire de médiocres poèmes, boire du Brouilly et observer à la dérobée les jolies femmes qui ne me regardent pas parce que je suis vieux. Je passais à la Taverne Basque, rue du Cherche-midi, pour vérifier que ma garbure préférée figurait toujours au menu…(Ensuite ses amis de virées gastronomiques arrivent et ils partent dans le midi et la Bourgogne à leurs adresses de prédilection). J’ai gardé pour la fin mes deux refuges favoris en France. Le Domaine Tempier à Bandol chez mon ami Lulu Peyraud, et le manoir de Gérard Oberlé et de Gilles Brezol… Ce jour-là, Gérard a offert un déjeuner privé à quatorze de ses amis dans le restaurant de Marc Meneau, l’Espérance. Nous sommes restés à table onze heures durant, pendant lesquels nous avons dégusté trente-sept plats et une douzaine de vins fins. Quarante huit heures plus tard, me voilà de nouveau chez moi, dans le Montana, où des loups ont, il y a quelques jours, égorgé la plupart des moutons de mon voisin…

Jim Harrison dans une chronique publiée par le Nouvel Obs du 8 janvier 2004.
Peinture sur tôle © dominiquecozette

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