Il y a cent un ans disparaissait Raymond Radiguet, victime de la typhoïde, à l’âge de vingt ans. Quand on lit tout ce qu’il a fait entre ses quinze et vingt ans, on est sidéré. Et éberlué aussi de ce qu’il aurait fait s’il avait vécu. Chloé Radiguet, sa nièce (qui ne l’a connu que par ce que son père, le frère de Raymond lui en a dit), et Julien Cendres ont réalisé un travail de fourmi pour mettre à jour tout ce qu’il faut savoir sur ce frêle jeune homme et le foisonnement de sa courte vie dans le livre intitulé Raymond Radiguet. Un jeune homme sérieux dans les années folles.
Raymond voulait réussir et comme il étaiy futé, il a su, dès son adolescence, frapper aux bonnes portes et se faire immédiatement accepter par le tout Paris des années folles, principalement par Cocteau qui se prit d’intense amitié toute platonique pour le jeune garçon si mature et si talentueux. De là s’ensuivirent cinq années de folie, de fêtes, de relations, de voyages, d’amitiés et d’amours vécues en même temps qu’un désir immense de percer dans le monde littéraire. Entre artistes, sculpteurs, musiciens, égéries et écrivains, Raymond a trouvé une belle place, accueilli partout avec empressement et bienveillance. C’est Bernard Grasset qui décida de le lancer de façon tonitruante, comme un produit de consommation : il eut droit, pour Le diable au corps, à une campagne publicitaire hors normes et inédite dans le domaine si sérieux des lettres. A cause de cela, il fut surnommé le bébé Cadum de la littérature et son roman, qui provoqua un énorme scandale, fut vite en rupture de stock et devint (il l’est resté) un livre internationalement admiré.
Avant cela, il a écrit bien des choses, très souvent en collaboration non seulement avec des gens de plume mais aussi avec des compositeurs, des gens de théâtre et d’autres artistes. Poèmes, petites pièces, saynètes, articles, pièces musicales… il ne refusait jamais de mettre son talent au service d’un des arts. Il dessinait aussi et peignait.
Il a enchaîné très vite, entre autres activités variées, l’écriture du Bal du comte d’Orgel, toujours sous l’égide de Bernard Grasset (qui racheta d’autres contrats que Raymond avait passés avec des éditions mineures) et c’est lorsque celui-ci lui remit les épreuves du Bal à corriger que Radiguet tomba malade. Il ne connut pas la sortie de ce roman qui obtint un grand succès.
Tout Paris, toutes les personnalités possibles assistèrent à ses obsèques car Radiguet était devenu un auteur incontournable. Ces personnalités sont citées dans cet ouvrage, comme la plupart de ses faits et gestes au jour le jour, ses états d’âmes, ses petits arrangements, ses déplacement, ses délires lors de fêtes mémorables, ses coups de cœur. Des années de compilation de lettres et de témoignages car Raymond ne tenait pas de journal ! Sa courte vie est passionnante à découvrir, on ne s’ennuie pas avec un compagnon aussi fertile en événements divers.
Pour info, la photo de couverture est signée Man Ray. Forcément (Picasso et d’autres grands artistes ont aussi réalisé son portrait).
Raymond Radiguet. Un jeune homme sérieux dans les années folles par Chloé Radiguet et Julien Cendres, 2023 aux éditions Robert Laffont. 306 pages, 24 €.
Texte © dominique cozette