Le couteau est le premier livre de Salman Rushdie que je lis. Le sous-titre est à l’intérieur du livre : Réflexions suite à une tentative d’assassinat. C’est cela qui m’a tentée. Les réflexions. Le livre en est truffé, il se pose d’infinies questions, notre survivant mais pas forcément sur la religion. Il revient sur des épisodes passés, il nous présente sa nouvelle femme (j’ai regardé sur Google : une bombe ! Comme d’ailleurs la première) qu’il venait juste d’épouser. Il nous renseigne très vaguement sur l’assassin raté, un jeune type qui n’a lu que trois pages des Versets Sataniques, donc pas du tout au courant de la raison pour laquelle Rushdie avait cette fatwa sur la tête.
Et puis il nous décrit avec une précision chirurgicale, c’est le cas de le dire, les interventions, les souffrances, les tortures que son corps a subies, le travail des soignants, les ruses pour échapper ensuite aux paparazzi. Les énormes inconvénients d’être loin de chez lui, blessé, borgne surtout. L’histoire de sa main qui a bien morflé. Il n’oublie pas les morts pour la liberté d’expression dont les victimes de Charlie sur lesquelles il revient souvent.
Et puis il évoque aussi le vie insouciante qu’il avait fini par mener, pensant la menace éteinte, depuis tout ce temps. Comble de l’ironie : cette attaque s’est produite alors qu’il se trouvait dans un endroit extrêmement protégé, créé pour les artistes menacés justement. Comme quoi.
Tout le livre est assez palpitant même si l’on sait que Rushdie a échappé au pire. Le seul long passage assez ennuyeux : le chapitre où il imagine un dialogue entre lui et son agresseur emprisonné. Comme il ne veut pas le rencontrer en vrai et que d’ailleurs celui-ci ne parle pas, il créé cette rencontre qui manque énormément d’intérêt. Evidemment qu’il peut facilement lui claquer le beignet à ce pauvre mec, pas la peine d’en rajouter. Bon, je pense que ça lui a fait du bien de l’affronter, même pour de faux.
Le Couteau se lit comme une puissante réflexion porteuse d’espoir sur la vie, parfois intime, où il déroule une ode à l’amour, à la création artistique comme espace de liberté absolue.
Le couteau de Salman Rushdie, 2024 aux Editions Gallimard. Traduit par Gérard Meudal. 270 pages, 23 €.
Texte © dominique cozette