Coline Serreau, une musicienne formidable !

Si on vous dit Coline Serreau, vous pensez aussitôt trois hommes et un couffin, ce  chouette film vieux comme mes couches qui a étonnamment bien vieilli, dans le sens pas pris une ride sur le cul du bébé et qu’on peut regarder en famille recomposée sans se prendre un bide velu avec des ados aussi enclins à l’urbanité qu’un ministre de l’intérieur à la tolérance. Coline, c’est plein d’autres films d’une fraîcheur sauvage et poétique, d’un engagement joyeusement féministe et résolument écologiste. Le dernier, c’est un superbe documentaire gai, pédagogique et positif sur l’avenir de l’agriculture si chacun le désire  (solutions locales pour désordre global : à voir absolument).
Mais Coline, c’est aussi une formation musicale béton pointue, des compositions de musiques de film, de la mise en scène d’opéras, et plus précisément en ce moment, sa chorale du Delta — qu’elle anime tous les dimanches rue du Delta à Paris avec rigueur, humour et créativité —  qu’elle vient balader chaque été dans les magnifiques villages de la Drôme provençale et ses  environs de plus en plus lointains vu son succès qui y fait tache d’huile (d’olive).
Bien que composée  de choristes amateurs, cette chorale sonne très très pro. Coline mène sa quinze-vingtaine de chanteurs/teuses avec poigne et enthousiasme, racontant pour chaque courte pièce une anecdote sur son compositeur ou le sens de la chanson. La représentation est gratuite mais on peut mettre dans un chapeau ou acheter le CD de la chorale. « Mais il n’est pas terrible, nous rassure-t-elle, ce n’est pas vraiment une affaire. Sauf la fin : la fin est très belle ».
Puis on passe au sympathique buffet offert par les vignerons locaux et les généreux bénévoles et, sur fond de coucher de soleil sur les reliefs arrondis flanqués de quelques éoliennes, nous pouvons papoter avec cette femme simple, chaleureuse, joyeuse avant qu’elle retourne avec ses talentueux choristes sur les hauteurs de Dieulefit, dans sa tour de Babel en vieilles pierres où elle  les couve, les nourrit, les affine, les dorlote…
Si vous êtes dans le coin, ne vous privez pas de ce plaisir, c’est là : dates, et c’est jusque début août.

Texte © dominique cozette.

Et le bousier, dans tout ça ?

La plus belle femme du monde me fixait d’un oeil torve alors que je lui racontais ce qui me préoccupait le plus sur cette planète : la disparition de la biodiversité, tandis que le maître d’hôtel découpait l’os de la côte sur une épaisse planche en citronnier.
– Le bousier, par exemple. Ah, le bousier ! T’en as jamais vu ? Impressionnant, cette petite bestiole qui pousse, tel Sisyphe, une énorme boule de bouse. Mais il a disparu des pampas australiennes parce qu’en remplaçant le vermifuge naturel qu’on donnait au bétail par des produits chimiques, on a intoxiqué les bouses et tué les bousiers.
– C’est gracieux, tout ça ! Qu’est-ce qu’on en a à foutre des bousiers ?
– Eh bien figure-toi que le bousier est le seul être qui déconstruise la bouse…
– Franchement, c’est passionnant !
– Alors la bouse reste intacte et empoisonne le sol. Et on y voit pousser des refus, des herbes énormes et âcres que les animaux ne veulent pas manger. Et alors la prairie se dégrade et
– Et alors ? Et alors ???
– Et les bactéries du sol disparaissent. Donc plus de sol, plus de bétail, tu vois le topo !
– C’est chiant, ton truc, ta bouse, tout ça, on s’en tape !!! (dit-elle en enfournant un gros morceau de viande)
– Eh bien le gouvernement australien vient de voter un crédit de 15 milliards de dollars
– QUINZE MILLIARDS  DE DOLLARS ????? (Elle s’étouffe, tousse, devient rouge, se ridiculise, je ne l’aime plus, ça y est, je la trouve moche)
– … pour réintroduire le bousier. Tu vois la connerie du monde dans lequel on vit, finis-je vivement en sortant ma pince à billets et en ajoutant bien fort :  Garçon, l’addition, s’il vous plaît !
Et je quittais la table, la laissant perplexe devant cette histoire agro-écologique dont elle n’avait rien à foutre car rien ne l’intéressait hors la marque de ses chaussures, le prix de son sac et le nombre d’étoiles de l’hôtel où quelqu’un de plus con que moi l’aurait invitée à passer la nuit. Merde !

Dessin et texte © dominiquecozette d’après un texte de Philippe Desbrosses, agriculteur, docteur en sciences de l’environnement, université Paris-VII, directeur du centre-pilote de la Ferme de Sainte Marthe et président d’Intelligence verte (association pour la promotion de la biodiversité). In Solutions locales pour un désordre global, le livre de Coline Serreau chez Actes Sud

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