L'ahurissante histoire des algues vertes

Attention : intérêt grandiose pour ce document qui vient de sortir : tout comprendre de la machine à broyer (les petits) que sont nos dirigeants.
Inès Léraud, l’autrice de Algues vertes l’histoire Interdite, un docu-BD ( dessiné par Pierre van Hove) s’est formée à la Femis et à l’école Louis Lumière et réalise depuis 2008 de nombreux documentaires axés sur les enjeux écologiques. Pour ce problème des algues vertes, elle quitte Paris pour s’installer trois ans en Bretagne et commence son reportage par un journal diffusé sur France Culture de 2016 à 2018. Une première parution a eu lieu dans la Revue Dessinée.
Cette BD est beaucoup plus complète et, pour expliciter comment on en est arrivé là (déni total des différents gouvernements), elle fait remonter l’histoire à l’après-guerre, au plan Marshall qui n’a pas eu que du bon. Notamment, le remembrement, c’est à dire la destructions des petites parcelles agricoles, des haies.., pour aboutir à de grandes surfaces industrialisées, rentables. Elle montre comment on a supprimé le travail des paysans pour les envoyer contre leur gré dans des usine. Puis comment (je résume) on en arrive à ces énormes fabriques à viande de porcs (et poulets) qu’on engraisse, sans se soucier du lisier que ces pratiques produisent. Jusqu’à ce que les algues vertes commencent à tuer. Un récoltant, d’abord, puis un cheval, des joggers, des sangliers, des chiens. Le déni d’état est toujours là. Les défenseurs de l’environnement se heurtent aux lobbies, aux grosses firmes très nombreuses, aux préfets qui s’arrangent pour que rien ne sorte, aux activités touristiques etc…
On verra dans ce livre précis, très référencé et précieux, comment tous ces responsables se tiennent le bras (et le portefeuille) pour anéantir la révolte, ou au moins, la reconnaissance de ce tueur en série qu’est l’hydrogène sulfuré. Des plages entières sont interdites, des baies sont transformées en déserts sans aucune faune ou flore, et des scientifiques marrons, des politiciens véreux, des patrons d’industrie iniques continuent à empêcher la vérité (connue de tous) de sortir. C’est écœurant. Quand on lit ça, on comprend l’imbrication de tous les pouvoirs entre eux, ministres de l’agriculture en tête, et le maintien des subventions pour continuer l’aberrante croissance de cette industrie enrichissante pour ce petit monde, destructrice pour l’environnement, ultra-dangereuse pour les vivants. Et encore, il n’y est même pas question de condition animale.
Une seule et maigre victoire : la mort d’un homme (les pouvoirs ont « convaincu » la veuve de façon abjecte de ne pas demander d’autopsie) qui été enfin reconnue comme accident de travail, après exhumation et neuf ans de lutte.
Quand on referme le livre, on voit comment les puissants (des préfets mouillés jusqu’au cou) sont armés pour écraser toute forme de rébellion, et ce, on suppose, dans tous les secteurs d’activité. Un bulldozer qui ne cesse de grandir contre une armée de fourmis que sont les assos de défense, les scientifiques honnêtes, les populations flouées et menacées et tous ceux qui, conscients de la menace, tentent de faire jaillir la vérité afin que ces pratiques cessent.
Un document exceptionnel !

Algues vertes l’histoire Interdite, de Inès Léraud et Pierre van Hove, 2019 aux éditions Revue Dessinée/Delcourt. 160 pages, 20 €.

Texte © dominique cozette

Algues vertes, OGM & autres saloperies

Le mec en 4X4 noire vitres noires qui m’avait prise en stop dans cette plaine de Nullepart où ne paissait rien mais poussait du maïs arrosé, entreprit de me faire la conversation tout en continuant à téter un énorme cigare étronique et à visionner un porno d’un pénis distrait :
« Autrefois, le lisier —  les excréments des animaux — précisa-t-il  à la blondasse que j’étais, était mélangé à la paille, et cela donnait l’or noir des étables. Mais, comme on a divisé, cloisonné et délocalisé les productions, on a la paille et les céréales en Beauce (il fit un large geste du bras droit en direction du plat pays) et l’élevage en Bretagne. Et on en peut même pas restituer la paille en Beauce, parce que le sol n’a plus les bactéries nécessaires pour la digérer, elle se retrouve intacte dans les sols, trois ou quatre ans après. Donc on la brûle. En, ce faisant, on déminéralise encore plus le sol, on détruit encore plus sa faune. Pendant ce temps, en Bretagne, le lisier part dans les rivières et sur le littoral, provoque les marées vertes au printemps. »
Il se tourna vers moi et éclata de rire ! « Pauvres vacanciers ! ».  Puis poursuivit:
« Les OGM, voyez-vous, génèrent l’affrontement entre deux droits de propriétés. Si je cultive mes espèces normales mais que mon champ est contaminé par des OGM, je ne suis plus propriétaire de ma récolte. PLUS PROPRIÉTAIRE DE MA RÉCOLTE ! martela-t-il. Celle-ci appartient au propriétaire du brevet des OGM. C’est comme ça que des paysans américains et canadiens ont été ruinés ces dernières années par Monsanto. Vous connaissez forcément Monsanto. Imaginez si Lavoisier avait déposé un brevet sur l’azote et sur la carbone et que plus aucun scientifique n’ait pu travailler dessus ! Où en serait-on ? »
Il éclata de nouveau d’un rire obscène au moment où le comédien déchargeait un tube de lait Nestlé sur le ventre de la nana.
 » Moi, je vous raconte ça mais je m’en tape ! J’ai pas de gosses, la planète de toute façon elle continuera sans nous, alors les OGM, les pesticides et tout ça, moi, c’est la thune qui m’intéresse, pas vrai ? »
Intérieurement, je m’en voulais de m’être encore trompée d’histoire d’amour. Enfin, je n’avais qu’à monter dans le véhicule précédent, une vieille bétaillère conduite par un vieux bonhomme sans dents.

Texte d’après Philippe Desbrosses, agriculteur, docteur en sciences de l’environnement, université Paris-VII, directeur du centre-pilote de la Ferme de Sainte Marthe et président d’Intelligence verte (association pour la promotion de la biodiversité). In Solutions locales pour un désordre global, le livre de Coline Serreau chez Actes Sud.
Dessin poussif © dominiquecozette

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