Irrésistible braqueur

Sulak, le livre pas très nouveau de Philippe Jaenada, est passionnant. Il retrace l’itinéraire d’un homme irrésistible, bourré de charme, gentil, serviable, cultivé et beau, en plus, recherché par toutes les polices de France dans les années 80. C’est pas qu’il voulait entrer dans la carrière des braqueurs, c’est juste qu’un jour, alors qu’il s’était engagé dans la Légion par amour de l’action, du sport et des poussées d’adrénaline, il a carrément oublié de rentrer à l’heure mais hélas, c’est le jour où tous ses collègues étaient en opération à Kolwezi, en 78. La seule solution qu’il a trouvée pour expier sa honte fut de déserter.
A partir de là, plus de vie « normale » envisageable, il lui fallait trouver de l’argent pour vivre. Et comme ses premiers braquages de supermarchés se sont super bien passés (sa philo : pas de violence, pas de tuerie mais beaucoup de galanterie, un vrai gentleman cambrioleur) il s’associe à son beau-frère et à deux, ils dévalisent sans problème tout ce qu’ils veulent.
Un jour, il rencontre une jeune femme qui prend la décision de le suivre : c’est un amour à vie. De même, il fait évader tous les amis qui se sont fait prendre. Lui-même est connu pour être le roi de l’évasion, rien ne lui résiste, c’est hallucinant de le voir « quitter » ses cellules puis, malgré sa notoriété, mener grande vie dans les endroits les plus in de Paris ou d’ailleurs, boîtes, grands restos… Il a tellement de culot qu’il fait ce qu’il veut, il part même à l’étranger pour passer du bon temps.
Et de fil en aiguille, pour mettre plus de piment dans sa vie, il cambriole les plus grands joailleries de Paris, Monaco, Cannes, toujours sans violence. Extraordinaire.
Jaenada a reconstruit toute son histoire, ses amours, ses amitiés, ses liens familiaux, et même le lien qu’il a créé avec un grand ponte de la police. C’est un livre très détaillé, très dense et toujours plein d’humour et de digressions jamais malvenues. Palpitant jusqu’au bout. Du pur Jaenada.

Sulak de Philippe Jaenada, chez Julliard en 2015. Chez Points. 500 pages, 7,70 €

Texte © dominique cozette

Un polar en vrai

C’est une vraie flic story, cette immersion de l’autrice, Pauline Guéna, dans la police judiciaire de Versailles. 18.3. c’est le numéro de l’arrêté qui définit les compétences de la PJ. Donc 18.3 Une année à la P.J c’est un documentaire extrêmement utile pour savoir ce qu’il se passe exactement à la police, comment ça se passe, qui fait quoi et décide de quoi.
Les flics en questions sont des mecs ordinaires avec leurs tics, leurs phobies, leurs défauts et aussi leur patience et leur courage, des flics qu’on voit à l’œuvre quand il faut planquer dans le froid ou sous la canicule, quand il faut affronter l’horreur des faits divers auxquels ils sont confrontés journellement. On y voit leur dénuement dans ce service public sans moyens, avec des voitures pourries à se partager entre collègues plus ou moins arrangeants, leur surcharge de travail par manque d’effectifs, les tâches administratives ultra-répétitives, leur démotivation souvent, l’émiettement de leur vie de famille etc…
C’est un univers désespérant, désolant dans lequel ces mecs et quelques nanas évoluent, réussissant parfois à résoudre certaines affaires mais parfois non, les bavures, les décisions incompréhensibles de la hiérarchie, bref rien de très joyeux et pourtant ! Ils sont tellement attachants tous ces protagonistes qui s’efforcent de faire au mieux, qui gardent en mémoire une sale histoire qui les a marqués en plein cœur et puis tous les plantages familiaux qu’ils infligent à leurs familles pour cause d’urgence : anniversaire d’un enfant, accouchement de la femme, fête importante etc.
Un livre passionnant, dense, fourmillant d’anecdotes, qui nous entraîne dans les catacombes des mauvais penchants des hommes dont il faut réparer les horreurs.

18.3 Une année à la P.J de Pauline Guéna, 2019. Folio, 492 pages, 9,50€

Texte © dominique cozette

Les Fessebouqueries #697

Si vous avez bien suivi, la semaine dernière on avait trois nanas en vedettes dans notre actu, et cette semaine ce sont des hommes, et pas les plus valeureux. On a les prédateurs sexuels, protégés qui par le Vatican qui par le simple patriarcat dont un premier ministre actuel. Ce sont aussi les mecs au pouvoir (c’est un peu pareil) dont toujours un premier ministre à la ramasse qui fustige encore et toujours les petits, les sans grades, les gens de peu que nous sommes et qui va bientôt sortir sa cravache — un décret, un 49,3, un projet de loi, une suppression d’aides, que sais-je ? On a aussi un mec qui se croit (et qui est) le roi du monde et qui continue sa destruction massive de tout et même des océans, il n’est pas à ça près. Et puis un petit bonhomme, fils d’un ex-président condamné, qui va prendre la relève de son petit papa lui aussi à la ramasse. Heureusement qu’on a une super nana qui n’hésite pas à faire un tour dans l’espace moyennant une charge hallucinante de CO2 qu’on économise gramme par gramme en pissant dans notre douche. Bref, tout va pour le mieux, les œufs ont été pondus pour le bonheur de nos tout-petits. Alors tchin-tchin dear friends…

  • OR : On peut penser ce qu’on veut du comportement d’Harvey Weinstein mais je constate qu’aucune des femmes agressées par l’Abbé Pierre n’a eu de rôle dans un film.
  • NMB : Le mec ment depuis des mois sur Bétharram mais s’affiche avec le slogan « la vérité permet d’agir », et après on s’étonne que je sois de mauvaise humeur.
  • EF : Des matières fécales dans votre Perrier ? Vous savez maintenant d’où vient l’expression « Perrier Rondelle ».
  • SG : Ce Bayrou qui trouve qu’on ne travaille pas assez, c’est bien le type qui n’en foutait pas une quand il était Haut-commissaire au Plan ? Le chef d’un parti qui passera bientôt au tribunal en appel pour les emplois fictifs dans son parti ? Ah, ok. Faut oser !
  • OR : Okay, l’Église savait depuis les années 1950 pour l’Abbé Pierre, mais il faut aimer son prochain et vous n’aviez qu’à ne pas être le prochain.
  • US : L’homme qui a occupé un poste quasi-fictif de Haut-Commissaire au Plan pendant trois ans et n’a plus occupé d’emploi dans le monde réel depuis 1982 vient nous demander si on ne serait pas un peu des feignasses. Fais-toi vite censurer stp !
  • LG : Et sinon au Mont Saint-Michel, l’omelette au lard de la mère Poulard coûte 43 euros. Avec des champignons et du foie gras, c’est 75 euros. A ce prix, il paraît que c’est la Mère Poulard elle-même qui pond les œufs.
  • NMB : Donc là on a Katy Perry qui vient de prendre conscience qu’il faut protéger notre planète du haut de sa capsule de fusée qui vient d’émettre 75 tonnes de CO2 pour 10 minutes de vol et vous, votre journée ?
  • DI : Avec 15 tonnes de CO2, le vol spatial de onze minutes de Katy Perry équivaut à huit ans d’émission de CO2 d’un citoyen moyen. Mais après, ça vient vous cassez les couilles parce que vous mettez le chauffage à 22 en hiver ou que vous roulez en Clio 2 dans Paris.
  • MN : Louis Sarkozy, le fils de Nicolas Sarkozy, vise la mairie de Menton pour les élections de 2026. Avec pour slogan « Nous Menton de père en fils ».
  • DA : Aujourd’hui, on apprend donc que l’Abbé Pierre, figure préférée des Français durant des décennies, était un obsédé sexuel, pétainiste, antisémite, opaque sur la gestion des fonds d’Emmaüs, que le Vatican savait depuis 1955 et que l’Église de France n’a rien fait. Eh ben…
  • DP : Ce matin notre ministre des transports considère qu’un cheminot qui gagne 2000 ou 2500€ par mois n’a pas à se plaindre. Quand on sait qu’il était assistant de sa sœur à 100 000 euros par an d’argent public, ça peut énerver certains.
  • NP : Trump est passé de « Je vais arrêter la guerre en Ukraine » avant même d’être en poste à « Si c’est trop compliqué, j’arrête et vous réglez ça entre vous. »
  • RR : Tout plaquer et écrire dix saisons de la série « La fille qui voulait annuler son abonnement Netflix et qui mourut avant d’y arriver  »…

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RAPPEL : Je collecte au long de la semaine les posts FB et les twitts d’actu qui m’ont fait rire. Les initiales sont celles des auteurs, ou les premières lettres de leur pseudo. Illustration ou montage d’après photo web © dominique cozette. On peut liker, on peut partager, on peut s’abonner, on peut commenter, on peut faire un tour sur mon site, mon blog, mon Insta. Merci d’avance.

Respect

Respect n’est pas le énième récit anecdotique de violences et agressions machistes qu’Anouk Grimberg aura subies dès l’enfance. C’est ça aussi, comme illustration de sa réflexion, mais c’est d’abord une tentative (tellement réussie) d’expliquer la façon dont elle aura été fornatée pour devenir soumise, aimante, indifférente, et l’évocation des émotions qui auront fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui, lui faisant comprendre tout ce que les mots ne peuvent nous apporter spontanément pour faire exister ces horreurs. Et elle en a subi, de l’inceste à la culpabilité, du silence des témoins aux humiliations pardonnées aux grands artistes parce que ce sont de grands artistes, du chemin à gravir pour avoir le courage de démonter le mécanisme mis en marche depuis ses sept ans et qui l’ont cassée, jusqu’à la décision de le briser, quitte à rompre avec sa famille malgré l’amour qui demeure…
Un récit puissant, une analyse très personnelle, une forme très étonnante de par sa poésie mêlée de franchise très cash, une cascade de pensées d’une force inouïe et d’un retentissement extraordinaire tels qu’ils restent longtemps dans la tête après avoir refermé ce livre. Sur la quatrième de couverture, elle a juste écrit : « ça dure quelques minutes pour l’homme et une vie entière pour la femme ». Tout est dit.
Un livre étonnamment lumineux puisque le bonheur de vivre y a trouvé place grâce à la rencontre de son actuel compagnon, un homme qui a la générosité de comprendre pourquoi elle est parfois si fermée, qui accepte les traces qui continuent de suinter de ses plaies mais qui ne lâche rien, lui faisant faire d’autres rencontres, trouver d’autres plaisirs, artistiques ou intellectuels, bien plus forts que ses horribles blessures. Ce livre est revigorant, exceptionnel, d’une densité et d’un travail littéraire somptueux.
NB : si vous en avez le loisir, regardez les peintures d’Anouk, c’est magnifique. En voici une, pour l’exemple :

Respect par Anouk Grimberg, 2025 aux Editions Julliard. 140 pages, 18,50 €

Texre © dominique cozette

L’inventaire des rêves

Le nom de cette autrice est d’un compliqué ! Elle s’appelle Chimanda Ngozie Adichie et c’est elle qui a écrit le formidable Americanah il y a dix ans. Dans ce nouveau livre, L’inventaire des rêves, elle nous conte donc les rêves, réalistes ou pas, de quatre femmes issues d’Afrique, toutes d’un milieu aisé sauf une qui est domestique mais dont l’amitié avec l’une des autres, et son histoire connue du monde entier, font d’elle une héroïne.
Chiamaka est une rebelle qui n’obéit pas à sa famille qui la voyait mariée richement avec des enfants et qui préfère tailler sa route, faire des études et choisir le chemin de l’écriture. Zikora rêve du beau mariage avec enfant et après quelques déconvenues sentimentales, rencontre le prince charmant qui hélas, ne comprend rien à ce qui fait une femme puis une mère, quel bêta ! Omelogor est la cousine de Chia, je ne la trouve pas vraiment sympathique, c’est une femme d’affaires brillante qui plaque tout pour aller vivre aux Etats-Unis, en principe pour défendre les femmes. Quant à Kadiatou, partie elle aussi aux Etats-Unis pour travailler dans un très grand hôtel, c’est un décalque de Nafissatou Diallo et son sort raconte pratiquement à l’identique le viol qu’elle subit pas Strauss Kahn, mais de son côté à elle, les doutes puis accusations dont elle est victime, maltraitances diverses, bref tout ce à quoi beaucoup de victimes de violences sexistes doivent faire face, comme une double peine.
Un peu difficile de suivre l’histoire d’Omelogor qui voyage énormément, comme ses consoeurs d’ailleurs, c’est parfois d’un snobisme achevé, les endroits à voir, les choses à ne pas faire etc… d’autant plus qu’on y parle des petites peuplades dont elle sont issues, les bien et les pas bien. Mais les trois autres sont passionnantes dans ce milieu que nous, les Blanches, on ne connaît pas vraiment. Et tellement bien écrit (traduit) ! Et tellement documenté sur les recettes qui donnent bien envie d’y goûter. C’est très très dense en fait.

L’inventaire des rêves de Chimanda Ngozie Adichie, 2025 traduit par Blandine Longre, chez Gallimard. 654 pages, 26 €

Texte © dominique cozette


Un monde à refaire

Un monde à refaire est le premier roman de Claire Deya, et quel roman !, inspiré de l’histoire de son grand-père, médecin pendant la guerre, prisonnier des camps, évadé et rattrapé plusieurs fois.
Nous sommes sur le Côte d’Azur en 1945, cette partie de la France est en principe libre. Le gros problème dont on a très peu parlé, c’est que toutes les côtes, les plages, les bords de mer sont pourris par des millions, oui des millions de mines laissées par les Allemands pour empêcher un débarquement. Et des mines de toutes sortes, de toutes tailles, de toutes technologies. Il faut du monde pour déblayer tout ça et ça va prendre du temps. Et des vies.
Les démineurs, qui ne sont pas des pros, ne sont pas légion. Le héros principal est Vincent qui recherche comme un fou Ariane, la femme de sa vie, disparue corps et bien, et qu’il fera tout pour retrouver. Tout. Il y a aussi Fabien, le leader qui lui aussi est en deuil de sa femme dont il ne sait pas ce qu’elle est devenue. Ils côtoient Saskia, une très belle jeune femme juive rescapée des camps où sa famille a été assassinée mais on ne peut pas en parler, à cette époque, Saskia qui retrouve sa maison, mais hélas, celle-ci lui a été volée, habitée par des profiteurs. Elle est perdue, comme tous les autres, ceux qui étaient dans le maquis, mais aussi, pour ce travail ingrat et très risqué, des prisonniers allemands en haillons, sous-alimentés, misérables, qui espèrent jouir d’une libération à la suite de ces manœuvres où ils risquent tous leur vie.
C’est un roman exceptionnel, très documenté sur les mines, comment les détecter, les manipuler, les neutraliser ou les faire sauter. Tous les protagonistes de cette histoire ont un secret qui les a poussés à faire ce travail, tous se soupçonnent, ne se font pas confiance, s’observent. Vincent lui-même attrape quelques minuscules bribes de la vie d’Ariane avant qu’elle disparaisse, morte ou suicidée ou violée et tuée dans le QG des Allemands où elle était obligée de servir les produits de la ferme. On apprend par une de ses amies qu’elle a demandé à ce qu’on ne la recherche jamais.
Claire Deya restitue merveilleusement la vie des gens à la fin de cette guerre harassante auprès d’une mer aux plages inaccessibles, on se croirait dans un film. Le printemps est là, il fait beau, les femmes sont belles avec leurs robes légères et leur envie de vivre. Et les imbroglio créés par les relations entre les différents personnages rendent l’action palpitante. Très belle histoire.

Un monde à refaire par Claire Deya, 2024. Au Livre de Poche, 454 pages, 9,70 €

Texte © dominique cozette

Les secrets de la femme de ménage

Voici une nouvelle histoire de Millie, femme de ménage inventée par Freida McFadden, les secrets de la femme de ménage.
Ça commence tragiquement puisque notre héroïne sent qu’elle va mourir assassinée dans les minutes qui suivent. Elle se trouve dans une situation dramatique et on prie de toutes nos forces pour que l’histoire ne s’arrête pas là.
Donc Millie, dont vous avez peut-être lu le premier tome (mais ce n’est pas obligatoire) retrouve un boulot de femme de ménage, ce qui n’est pas facile car elle ne peut jouir d’aucune référence sérieuse et que d’autre part, elle a un passé qui va ressurgir si l’employeur tente des recherches sur elle.
Mais là, miracle, quelqu’un l’appelle pour s’occuper d’un super immense duplex sur Central Park, mais tellement propre qu’elle n’y a pas grand chose à faire, sauf trier du linge, faire quelques courses (ingrédients compliqués à trouver) et préparer le dîner pour un couple dont un mari milliardaire, charmant, et une femme malade qui s’enferme dans sa chambre et qu’il ne faut absolument pas déranger.
En même temps, Millie a une belle histoire avec un avocat beau garçon, bien éduqué, amoureux, qui la supplie de venir vivre chez lui. Mais impossible, elle préfère rester dans sa piaule pourrie du Bronx de peur qu’il découvre son passé pourri et le quitte. En plus, un voisin taré l’agresse et c’est lui qui devient la victime.
Peu à peu, chez l’employeur qui la paie très bien, l’ambiance devient louche. Elle entend parfois des cris de disputes provenant de la chambre de l’épouse, repère des taches de sang sur du linge et dans la salle de bain. Plus elle essaie de lui porter secours, plus la femme refuse son aide bien qu’un jour, son visage affreusement tuméfié montre ce qu’elle endure…
C’est très inquiétant tout ça et nous n’en sommes qu’au début !

les secrets de la femme de ménage de Freida McFadden, 2023. Traduit par Karine Forestier. Chez j’ai lu. 408 pages, 8,60 €

Texte © dominique cozette

Tuil toujours haletante

La guerre par d’autres moyens est le nouvel opus de l’excellente Karine Tuil qui nous embarque toujours dans des histoires qui questionnent et qui passionnent. Ici, à moins de vivre dans une caverne, on connaît les ressorts des siuations en cours, le pouvoir de l’homme alpha blanc cinquantenaire hétéro, la violence sur les femme, le milieu délétère du cinéma, l’attrait du fric et les addictions.
Le personnage principal est l’ancien président de la république, Dan Lehman, juif et de gauche, supplanté par une femme (qui n’apparaîtra pas) et se retrouve du jour au lendemain privé de ce pouvoir enivrant qui permet tout. Bien sûr, il n’a pas à se plaindre, il a ses privilèges, plus un superbe appartement, une très jeune et désirable femme pour laquelle il a planté celle d’avant, Marianne, qui lui a donné trois enfants, adultes aujourd’hui, pleine de qualités, cultivée, complice, idéale donc alors que la jeune, Hilda, est une actrice capricieuse avec qui il a eu une fillette handicapée qu’il adore. Il se trouve qu’Hilda est choisie pour un premier rôle sur les violences faites aux femmes, réalisé par un grand metteur en scène, intello pénible et dur. Mais surtout, le scenario est tiré du livre de sa première femme, Marianne donc, qui est déjà un succès de librairie.
Voilà ce pauvre Dan sans fonction importante, entre ses deux femmes qui montent qui montent alors que son livre à lui n’intéresse plus. Beaucoup de relations vont se nouer entre ces protagonistes dont l’acmé est le festival de Cannes, véritable panier de crabes où vont encore se dévoiler des choses pas très jolies comme autant de pièges pour les un.es et les autres. Le plus important étant l’alcool dans lequel a sombré Dan Lehman et qui entache sérieusement sa vie. La fin est carrément passionnante et inattendue.

La guerre par d’autres moyens par Karine Tuil, 2025, aux Editions Gallimard. 384 pages, 22€.

Texte © dominique cozette

Christine Angot chez Pinault

La nuit sur commande, dernier (petit) livre de Christine Angot est assez drôle. Evidemment, on ne se bidonne pas mais son point de vue sur le petite monde de l’art contemporain qu’elle a eu l’heur de fréquenter à ses débuts d’autrice est plutôt jouissif. Elle en garde un souvenir totalement désenchanté sur ce quant à soi dont elle n’a pas su ou voulu s’intégrer. Le fric c’était chic, voilà. Elle a été la meilleure toquade de Sophie Calle pendant un temps, qui l’a introduite un peu partout, ses dîners mondains, les sauteries et qui lui a fait connaître aussi des personnes qu’elle continue à apprécier.
Ce musée, la Fondation Pinault dans laquelle est est invitée à passr une nuit avec toutes les commodités mises à son service, lit de camp, nourriture, entrée au restau etc ne sera pas le sujet principal du livre. Elle y a amené sa fille qui travaille dans l’art, mais alors que Léonore l’y invite, elle ne visite aucune des salles, ne nous révèle rien sur les œuvres à part les pigeons de la rambarde (photo) et reste collée à son ordi, sa vie réelle. Il n’y a plus que ça qui l’intéresse : écrire, écrire.
Elle revient, lors de cette très courte nuit, sur sa vie, son père, l’inceste, le film sur la femme de son père qu’elle a fait après la mort de celui-ci, elle y parle aussi de ses visites, petite, au musée municipal de sa ville, Châteauroux, puis raconte quelques anecdotes navrantes avec des amants qui ne lui ont pas fait que du bien. Elle a profité du resto (chic) du musée puis, à une heure et quart, elle a décidé que ça suffisait et a demandé à partir. Sous l’œil très étonné du vigile.
C’est juste un petit récit de quelqu’un qui raconte bien, parfois avec une certaine acrimonie, quelques épisodes marquants de sa vie et c’est très distrayant.

La nuit sur commande de Christine Angot, 2025, aux Editions Stock. 166 pages, 19 €

Texte © dominique cozette

Quatre d’un coup, diantre !

En ce moment, j’ai une flemmingite aigüe, je lis, je lis et puis au moment de vous en parler, y a plus personne. Alors cette fois, j’en prends quatre à la fois, ce ne sont pas des livres qui m’ont attrapée par le cœur ou les tripes mais que j’ai eu plaisir à compulser. Et comme j’ai la mémoire courte, je ne m’appesantirai point sur les détails.
J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop.

Toilettes pour femmes de Marilyn French est un livre culte féministe paru en 1977, qui fit scandale car pour une fois, la charmante épouse américaine bien coiffée et laquée Elnett Satin attendant son mari bienfaiteur sur le pas de sa cuisine, les enfants couchés et le glaçon prêt à tomber dans le verre a whisky va se transformer sous nos yeux ébahis non seulement en épouse trompée mais en femme libérée d’icelui, décidée à vivre pour elle-même, comme ses nouvelles copines conquérantes rencontrées sur le campus de l’université où elle reprend ses études et découvre… l’orgasme ! Passionnant comme une série malgré les pages du début un peu chiantes…
700 pages écrites petit pour 13,50 € en poche, c’est donné !

L’accident de Jean-Paul Kauffmann est sorti en février 2025, c’est dire s’il est frais ! Une chroniqueuse d’Inter nous en touche un mot : enfin un livre sur une enfance heureuse. Bon, je veux bien, je trouve que c’est une enfance chez les cathos, ça grouille de souvenirs de curés et d’églises et de son tout petit village. Il y parle principalement d’un accident de car advenu durant son enfance, qui provoqua la mort d’une jeune équipe de foot du village et mit tout le monde en deuil. Il évoque aussi by the way son enlèvement au Liban lorsqu’il était journaliste et explique comment ces souvenirs reconstitués à grand peine lors de ses trois ans de captivité l’ont sauvé. On peut dire que c’est bien écrit, joliment brodé, opiniâtrement narré bien que rien sur sa fratrie, beaucoup sur son père taiseux et sa mère « poker face » (c’est moi qui dis ça). Ça ne m’a pas réellement passionnée mais ça peut plaire.
340 pages chez Equateur, 22 €

Ces réflexions sur le procès Pélicot ouvre sur le fait que la philosophe Manon Garcia, avec son Vivre avec les hommes, a du mal à se dire que les mecs sont des mecs bien. Il ouvre sur la phrase bien connue de Marguerite Duras « Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer. Sans cela, ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter« . Puis elle écrit « c’est procès qui montre que les procès ne suffiront jamais : si un homme seul dans une bourgade comme Mazan parvient à faire venir chez lui au moins soixante-dix hommes habitant dans un rayon de moins de cinquante kilomètres de chez lui [•••] combien y a t-il d’hommes en France prêts à violer une femme inconsciente si l’occasion se présente ? » (p.17). Et p. 60 : « Comment comprendre le mal dont il est question dans ce procès si ces hommes pensent n’avoir rien à se reprocher, si leurs compagnes restent à leurs côtés, si leurs avocats plaident si bien l’absence d’intention criminelle ? » Les réponses sont multiformes et argumentées côté philo et je n’y pige pas grand chose. Trop fort pour moi. Dommage, car en interview, je comprends bien. (La vieillesse, mes ami.e.s)
2025 chez Climats, 230 pages, 21 €.

Trouvé en soldes ce vieil Echenoz, Envoyée spéciale, datant de 2016. Aussi farfelu dès le début que le dernier dont j’ai récemment vanté le talent, Bristol. Celui-ci est plus long, plus fourni, tout aussi intrigant. Mais arrivée vers le troisième tiers où je subodorais un dénouement explicatif, je suis abasourdie par le trajet que l’imagination de l’écrivain me fait prendre, d’une absurdité encore plus folle que dans Bristol et qui m’entraîne dans des histoires géopolitico-saugrenues démarrant dans le splendide pays de Kim Jong Un, pour ne pas dire en Corée du Nord, début d’un périple auquel mes pénates ne m’avaient pas préparées. Donc oui, si vous aimez ce type complètement largué d’une histoire excessive. Moi moins, mais une écriture toujours plaisante.
2016 chez Minuit, 240 pages. Peut-être en poche ?

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