Tuil toujours haletante

La guerre par d’autres moyens est le nouvel opus de l’excellente Karine Tuil qui nous embarque toujours dans des histoires qui questionnent et qui passionnent. Ici, à moins de vivre dans une caverne, on connaît les ressorts des siuations en cours, le pouvoir de l’homme alpha blanc cinquantenaire hétéro, la violence sur les femme, le milieu délétère du cinéma, l’attrait du fric et les addictions.
Le personnage principal est l’ancien président de la république, Dan Lehman, juif et de gauche, supplanté par une femme (qui n’apparaîtra pas) et se retrouve du jour au lendemain privé de ce pouvoir enivrant qui permet tout. Bien sûr, il n’a pas à se plaindre, il a ses privilèges, plus un superbe appartement, une très jeune et désirable femme pour laquelle il a planté celle d’avant, Marianne, qui lui a donné trois enfants, adultes aujourd’hui, pleine de qualités, cultivée, complice, idéale donc alors que la jeune, Hilda, est une actrice capricieuse avec qui il a eu une fillette handicapée qu’il adore. Il se trouve qu’Hilda est choisie pour un premier rôle sur les violences faites aux femmes, réalisé par un grand metteur en scène, intello pénible et dur. Mais surtout, le scenario est tiré du livre de sa première femme, Marianne donc, qui est déjà un succès de librairie.
Voilà ce pauvre Dan sans fonction importante, entre ses deux femmes qui montent qui montent alors que son livre à lui n’intéresse plus. Beaucoup de relations vont se nouer entre ces protagonistes dont l’acmé est le festival de Cannes, véritable panier de crabes où vont encore se dévoiler des choses pas très jolies comme autant de pièges pour les un.es et les autres. Le plus important étant l’alcool dans lequel a sombré Dan Lehman et qui entache sérieusement sa vie. La fin est carrément passionnante et inattendue.

La guerre par d’autres moyens par Karine Tuil, 2025, aux Editions Gallimard. 384 pages, 22€.

Texte © dominique cozette

Christine Angot chez Pinault

La nuit sur commande, dernier (petit) livre de Christine Angot est assez drôle. Evidemment, on ne se bidonne pas mais son point de vue sur le petite monde de l’art contemporain qu’elle a eu l’heur de fréquenter à ses débuts d’autrice est plutôt jouissif. Elle en garde un souvenir totalement désenchanté sur ce quant à soi dont elle n’a pas su ou voulu s’intégrer. Le fric c’était chic, voilà. Elle a été la meilleure toquade de Sophie Calle pendant un temps, qui l’a introduite un peu partout, ses dîners mondains, les sauteries et qui lui a fait connaître aussi des personnes qu’elle continue à apprécier.
Ce musée, la Fondation Pinault dans laquelle est est invitée à passr une nuit avec toutes les commodités mises à son service, lit de camp, nourriture, entrée au restau etc ne sera pas le sujet principal du livre. Elle y a amené sa fille qui travaille dans l’art, mais alors que Léonore l’y invite, elle ne visite aucune des salles, ne nous révèle rien sur les œuvres à part les pigeons de la rambarde (photo) et reste collée à son ordi, sa vie réelle. Il n’y a plus que ça qui l’intéresse : écrire, écrire.
Elle revient, lors de cette très courte nuit, sur sa vie, son père, l’inceste, le film sur la femme de son père qu’elle a fait après la mort de celui-ci, elle y parle aussi de ses visites, petite, au musée municipal de sa ville, Châteauroux, puis raconte quelques anecdotes navrantes avec des amants qui ne lui ont pas fait que du bien. Elle a profité du resto (chic) du musée puis, à une heure et quart, elle a décidé que ça suffisait et a demandé à partir. Sous l’œil très étonné du vigile.
C’est juste un petit récit de quelqu’un qui raconte bien, parfois avec une certaine acrimonie, quelques épisodes marquants de sa vie et c’est très distrayant.

La nuit sur commande de Christine Angot, 2025, aux Editions Stock. 166 pages, 19 €

Texte © dominique cozette

Quatre d’un coup, diantre !

En ce moment, j’ai une flemmingite aigüe, je lis, je lis et puis au moment de vous en parler, y a plus personne. Alors cette fois, j’en prends quatre à la fois, ce ne sont pas des livres qui m’ont attrapée par le cœur ou les tripes mais que j’ai eu plaisir à compulser. Et comme j’ai la mémoire courte, je ne m’appesantirai point sur les détails.
J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop.

Toilettes pour femmes de Marilyn French est un livre culte féministe paru en 1977, qui fit scandale car pour une fois, la charmante épouse américaine bien coiffée et laquée Elnett Satin attendant son mari bienfaiteur sur le pas de sa cuisine, les enfants couchés et le glaçon prêt à tomber dans le verre a whisky va se transformer sous nos yeux ébahis non seulement en épouse trompée mais en femme libérée d’icelui, décidée à vivre pour elle-même, comme ses nouvelles copines conquérantes rencontrées sur le campus de l’université où elle reprend ses études et découvre… l’orgasme ! Passionnant comme une série malgré les pages du début un peu chiantes…
700 pages écrites petit pour 13,50 € en poche, c’est donné !

L’accident de Jean-Paul Kauffmann est sorti en février 2025, c’est dire s’il est frais ! Une chroniqueuse d’Inter nous en touche un mot : enfin un livre sur une enfance heureuse. Bon, je veux bien, je trouve que c’est une enfance chez les cathos, ça grouille de souvenirs de curés et d’églises et de son tout petit village. Il y parle principalement d’un accident de car advenu durant son enfance, qui provoqua la mort d’une jeune équipe de foot du village et mit tout le monde en deuil. Il évoque aussi by the way son enlèvement au Liban lorsqu’il était journaliste et explique comment ces souvenirs reconstitués à grand peine lors de ses trois ans de captivité l’ont sauvé. On peut dire que c’est bien écrit, joliment brodé, opiniâtrement narré bien que rien sur sa fratrie, beaucoup sur son père taiseux et sa mère « poker face » (c’est moi qui dis ça). Ça ne m’a pas réellement passionnée mais ça peut plaire.
340 pages chez Equateur, 22 €

Ces réflexions sur le procès Pélicot ouvre sur le fait que la philosophe Manon Garcia, avec son Vivre avec les hommes, a du mal à se dire que les mecs sont des mecs bien. Il ouvre sur la phrase bien connue de Marguerite Duras « Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer. Sans cela, ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter« . Puis elle écrit « c’est procès qui montre que les procès ne suffiront jamais : si un homme seul dans une bourgade comme Mazan parvient à faire venir chez lui au moins soixante-dix hommes habitant dans un rayon de moins de cinquante kilomètres de chez lui [•••] combien y a t-il d’hommes en France prêts à violer une femme inconsciente si l’occasion se présente ? » (p.17). Et p. 60 : « Comment comprendre le mal dont il est question dans ce procès si ces hommes pensent n’avoir rien à se reprocher, si leurs compagnes restent à leurs côtés, si leurs avocats plaident si bien l’absence d’intention criminelle ? » Les réponses sont multiformes et argumentées côté philo et je n’y pige pas grand chose. Trop fort pour moi. Dommage, car en interview, je comprends bien. (La vieillesse, mes ami.e.s)
2025 chez Climats, 230 pages, 21 €.

Trouvé en soldes ce vieil Echenoz, Envoyée spéciale, datant de 2016. Aussi farfelu dès le début que le dernier dont j’ai récemment vanté le talent, Bristol. Celui-ci est plus long, plus fourni, tout aussi intrigant. Mais arrivée vers le troisième tiers où je subodorais un dénouement explicatif, je suis abasourdie par le trajet que l’imagination de l’écrivain me fait prendre, d’une absurdité encore plus folle que dans Bristol et qui m’entraîne dans des histoires géopolitico-saugrenues démarrant dans le splendide pays de Kim Jong Un, pour ne pas dire en Corée du Nord, début d’un périple auquel mes pénates ne m’avaient pas préparées. Donc oui, si vous aimez ce type complètement largué d’une histoire excessive. Moi moins, mais une écriture toujours plaisante.
2016 chez Minuit, 240 pages. Peut-être en poche ?

Dors de ton sommeil de brute

Dors de ton sommeil de brute est un livre très étrange. Moi qui n’aime pas trop les histoires paranormales, je suis servie, cependant celle-ci m’a passionnée. C’est le cinquième roman de Carole Martinez.
Eva ne voulait pas d’enfant. Mais son mari, à force de persuasion et de chantage, réussit à la faire changer d’avis. La maternité est une révélation pour cette femme. Mais le mari, se sentant délaissé, devient violent. Alors Eva le fuit en ne laissant aucun indice derrière elle, et avec sa fille Lucie, s’installe dans une masure paumée des étangs camarguais, sans réseaux, sans voisinage. Ah si, une espèce de géant qui sauve une oie sauvage blessée et auquel va s’attacher immédiatement la fillette. Ce n’est pas du goût de sa mère mais Lucie est têtue et volontaire, rien ne peut se faire si elle ne l’a pas décidé.
Dans cet environnement où la nature foisonnante se pare de tous ses attraits, la vie pourrait se poursuivre sereinement si une curieuse épidémie ne venait bouleverser toute la surface du globe : les enfants sont pris du même rêve, au fur et à mesure de la rotation de la terre, un rêve dévastateur qu’on ne peut expliquer. Sauf quand on s’y connaît un peu en mythologie comme le géant voisin. Car très vite, d’autres rêves d’enfants vont venir balayer violemment la surface de la terre et peu à peu, on va comprendre ce qu’il se passe. Une intrigue pleine de suspense.

Dors de ton sommeil de brute de Carole Martinez, 2024, aux Editions Gallimard. 400 pages, 22 €

Texte © dominique cozette

J’emporterai le feu

J’emporterai le feu est le troisième tome de l’admirable trilogie Le pays des autres de Leïla Slimani. On peut n’avoir pas lu des deux premiers pour suivre celui-ci qui concerne la troisième génération de la famille mais ce serait dommage de s’en priver.
Slimani a un talent fou pour nous embarquer à chaque chapitre dans une nouvelle aventure de ses personnages qui vont de la première génération, une Alsacienne, Mathilde, ayant épousé un Marocain, Amine, venu avec son bataillon en France pendant la guerre. Puis à leurs enfants, tous élevés au Maroc puisque Mathilde y a suivi son époux, et enfin aux deux filles du héros de ce livre, Mehdi, aussi dissemblables que possible, Mia et Inès.
La réussite improbable de Mehdi dans le domaine bancaire puis sa chute inexplicable, aléas des régimes autocratiques où n’importe qui peut vous envoyer en prison sans un bonne raison, rythme la vie de la famille. L’épouse Mehdi a elle aussi bien réussi puisqu’elle est médecin gynécologue et que c’est elle qui fait bouillir la marmite quand il le faut, ce qui ne l’empêche pas de rester très attachée à son homme même quand celui-ci, dans ses traversées du désert, passe son temps à fumer dans son canapé en regardant la télé et en ne participant en rien à leur vie.
On s’attache particulièrement aux filles, Mia d’abord, très intelligente et mature qui déteste l’assignation au genre féminin, donc vrai garçon manqué et lesbienne, que son père destine à lui succéder à la banque, elle fera mieux que ça. Pas de demi-mesure avec elle, elle est maladivement jalouse de la petite Inès, une beauté, allant jusqu’à une tentative de meurtre sur elle. Les gamines sont douées, ne semblent poser aucune problème bien que le sexe les travaille et que le pays où elle vivent ne les y autorise pas vraiment. La jeune Inès aura d’ailleurs une aventure interdite avec un de ses professeurs.
Comme beaucoup de jeunes, elles finiront par quitter le nid et aller à la rencontre d’autres cultures, l’une à Londres, l’autre à Paris.
Roman très riche, plein de rebondissements et surtout d’enseignements, fluide et de lecture très agréable (oui, bon, je ne sais pas dire mieux)

J’emporterai le feu de Leïla Slimani, tome 3 de la trilogie Le pays des autres, 2025 aux Editions Gallimard, 430 pages, 22,90 €

Texte © dominique cozette

Fracassé

Né en 1954, Hanif Kureishi est un scénariste et écrivain anglais qui s’est fait connaître par le scénario de My beautiful laundrette et ensuite par son roman le Buddha de banlieue. Il écrit de nombreux autres livres.
Dans cet ouvrage bouleversant, Fracassé, il relate son dramatique accident survenu à noël 2022 où, tombé d’une chaise lors d’un malaise, il se réveille à l’hôpital à Rome entièrement paralysé. Entièrement dépendant. Il lui reste la parole. Sa femme, Isabelle, est italienne et elle abandonne un métier passionnant dans une maison d’édition pour rester très de lui toute la journée, lui donner la becquée, rameuter tous les amis afin qu’il ne soit jamais seul. Et surtout recueillir son témoignage, ce qui n’est pas une tâche facile. Il ne parle pas italien, ce qui ne favorise pas l’amitié avec le personnel soignant.
Ce livre est une compilation de « dépêches » sur ses états d’âmes, pensées et autres informations concernant ce qu’il vit dans cet enfer, mêlé à de nombreuses anecdotes et souvenirs de la vie d’avant, celle qu’il ne vivra plus jamais, et ses nombreuses amitiés dont celle avec Salmann Rushdie. Cependant, il ne nous épargne rien de toutes les humiliations corporelles et d’amour-propre qu’il est obligé de subir. Son corps ne marche plus, même les fonctions les moins nobles doivent être vigoureusement exécutées.
Après quelques mois, il n’en peut plus d’être loin de chez lui alors, avec la complicité de sa femme et de son ex, mère de ses grands fils, il est transféré à Londres, dans un autre hôpital. Le plus, c’est qu’il peut se faire toutes sortes de complices parlant la même langue. Et que la plupart de ses relations vivent ici. Mais les progrès de rééducation sont pratiquement nuls. Sauf qu’il peut juste pousser une manette pour conduire un fauteuil électrique, aller dans la salle commune ou dans le parc. Là aussi, Isabella est tenue de faire en sorte qu’il ne passe jamais cinq minutes sans visites, et qu’elle doit superviser les travaux dans leur maison de Londres (cauchemar pour elle) pour qu’il puisse y circuler un jour.
Il est décidé à faire des progrès mais ça se présente très mal, ça n’arrive pas. Finalement, il pourra vivre chez lui dans un contexte médicalisé, avec du personnel soignant, et retrouver le plaisir de ses promenades au bord de l’eau, poussé par l’un ou l’autre de ses proches. Et continuer à distiller les histoires, discussions et pensées sous la dictée de bénévoles.
Ce témoignage est poignant, forcément, terriblement dur mais aussi truffé de piques d’humour et de traits d’espoir bien que les choses ne semblent pas avancer. C’est aussi un bel exemple de patience et d’opiniâtreté, comment faire autrement que de vivre ainsi, coûte que coûte, dépendant de tout mais aidé par tous. Dur.

Fracassé par Hanif Kureishi, 2025 chez Christian Bourgois, traduit par Florence Cabaret.

Texte © dominique cozette

Sacrée Bunche

Avec la parution de Sacrée Bunche, c’est peut-être la plus importante partie de l’œuvre d’Aline Kominsky-Crumb, qui est enfin publiée en français. Pionnière de la bande dessinée underground et féministe américaine, celle qui fonda le comics Twisted Sisters avec Diane Noomin, et qui dirigea la revue Weirdo à la fin des années 1980, fut l’autrice d’une œuvre transgressive, profonde et novatrice qui a influencé plusieurs générations de créatrices et d’artistes.

De son enfance suffocante sur l’île de Long Island, à un premier mariage désastreux avec « le furet », en passant par son installation dans le San Francisco underground des années 1970, c’est avec un ton grinçant et une bonne dose d’ironie qu’Aline Kominsky-Crumb se met en scène sous le nom de la « bunche ». Féministe, son œuvre l’est résolument, et rien n’échappe au sécateur de son autodérision dévastatrice : rapport au corps et à l’apparence physique, montagnes russes de la libido et de l’estime de soi, violences sexuelles, grossesse non désirée, maternité, rêves, fantasmes et culpabilité, Aline Kominsky-Crumb se raconte crûment et sans tabou.

Dans un dessin vibrant, expressif et grotesque, parfois proche de la caricature, défilent des personnages hauts en couleur. Les cases sont saturées de motifs, les visages apparaissent en gros plan, se tordent en grimaces et ricanements, tandis que les corps se déforment au gré des récits. Une œuvre hors norme et jubilatoire !

Traduite par Sophie Crumb, avec l’aide de Jean-Pierre Mercier, cette anthologie rassemble près de 50 ans de bandes dessinées confessionnelles et déjantées, des années 1970 jusqu’au début des années 2020.

Ce texte est celui de l’Association.

NB : Si vous aimez Crumb, vous kifferez celle qui fut sa femme et la mère de leur fille. Lui vit toujours dans son petit bled du sud…

Un Moriarty tout chaud sorti du four

On peut ne pas aimer Liane Moriarty, moi je kiffe plutôt car ses romans dodus à l’eau de cactus présentent un suspens qu’il me plaît à apprécier quand j’en ai le loisir. Ce sont des bouquins à lire vite sinon on se perd dans la touffeur des situations ou des personnages. Car ils sont gros. Celui-ci, au titre épouvantable Ici et maintenant, ne faillit pas à la règle. Plusieurs familles, personnes ou groupes de personnes sont en lice pour nous intéresser avec, pour tronc commun, une dame âgée tout ce qu’il y a de plus ordinaire, qui va semer la zizanie dans leur tête. Ça se passe dans un avion en Australie, il est à l’arrêt et cette dame, Cherry, se prend à aller vers chacun de ses voisins, leur donnant, sans plus de détails, la date et la cause de leur mort. Pour certains, c’est très bientôt, pour d’autres, c’est inenvisageable, pour d’autres encore, c’est dans le cours des choses.
Nous allons suivre ces entités touchées plus ou moins par cette sinistre prophétie, découvrir ce qu’il vont tenter pour échapper au funeste destin, et même si quelques-uns n’y croient pas, ça fout la trouille. L’une de ces entités, une très jeune femme, comptera ironiquement parmi les morts annoncées justement parce qu’elle agit pour lui échapper. Autre entité : un couple tout neuf auquel on annonce que le mari va tuer sa femme. Une autre : le bébé qu’elle attend va mourir noyé à sept ans. Un vieux couple de près de cent ans qui va mourir bientôt (oui, bon)… Toutes sortes de prédictions mal venues qui vont infléchir le cours de la vie de ces gens.
De la « voyante », on ne saura rien au début, découvrant peu à peu la singularité de son parcours et les raisons qui l’ont poussée à faire ces révélations. On y apprendra un métier que je ne connaissais, des éléments de statistiques et comment les interpréter, et on y découvrira la vie en Australie et autour.
J’ai trouvé ce livre intéressant, pas très ardu, dont on peut se dire qu’il fait réfléchir comme certaines citations simplistes qui parsèment de leur bon sens nos réseaux sociaux. C’est déjà ça…

Ici et maintenant de Liane Moriarty, traduit par Béatrice Taupeau, aux éditions Albin Michel 2025. 576 pages, 22,90 €

Texte © dominique cozette

Les stripteaseuses ont toujours …

Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques est le titre complet du dernier opus de Iain Levinson, auteur écossais vivant aux Etats-Unis. Ses livres présentent l’intérêt de décrire une façon de vivre, une époque, un métier… dans un lieu précis.
Ici, il s’agit du boulot d’avocat commis d’office dans un tribunal américain, de nous apprendre que les lois et le droit varient considérablement d’un état à un autre, que ce qu’on croit légal ne l’est que de l’autre côté du fleuve etc… Il y a cinquante systèmes judiciaires aux Etats-Unis plus le système fédéral, un vrai casse-tête. Levinson nous montre aussi comment sont négociées les peines façon marchands de tapis avec la complicité des procureurs. C’est assez drôle.
Et puis il y a une histoire. Une histoire policière, rare chez cet auteur dont son héros il se laisse embringuer dans une proposition qui ne paraît pas malhonnête mais qui l’est forcément : un directeur d’une boîte de strip-tease pour camionneurs, Marcus, en périphérie de la ville lui offre mille dollars pour une heure. Une heure de quoi ? Une heure de conseil aux strip-teaseuses, dans la boîte où il se tient à leur disposition, à une table précise, dans le fracas d’une musique excessive. Ensuite, l’avocat a l’obligation de passer la nuit dans le motel en face, propriété du même Marcus et de ne parler à personne de ce qu’il fait ici. Les danseuses n’ont pas vraiment besoin de lui en fait, et il constate que deux autres personnes sont engagées comme lui : un plombier et une dame chic. Mystère et boule de gomme.
L’avocat a bien le sentiment de participer à une activité louche mais il peine à trouver quoi. Il fut jadis un brillantissime lanceur d’alerte mais il a préféré défendre la veuve et l’orphelin, les petits malfrats isolés, voleurs et picoleurs plutôt que de se faire un fric de ouf dans de grands cabinets.
Bref, c’est un petit livre intelligent et distrayant que nous a tricoté Levinson.

Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques de Iain Levinson, 2024, aux éditions Liana Levi, 240 pages, 22€.

Texte © dominique cozette

Bristol ça rigole

Très drôle, ce Bristol de Jean Echenoz. Je ris à toutes les pages tellement le style de ce roman est déjanté. Le héros en lui-même, Bristol, ne fait pas rêver mais ce sont ses pérégrinations, ses rencontres, ses ratages qui réjouissent. Déjà quand il sort de son immeuble situé rue des Eaux à Paris, un corps tombe du cinquième étage sans qu’il s’en aperçoive. Il est dans ses pensées car il prépare son film en tant que réalisateur très médiocre qui le conduira à accepter une comédienne un peu terne qui disparaîtra mystérieusement après le tournage en Afrique où il rencontre une sorte de chef de gang qui viendra le squatter plus tard chez lui… Tout le petit monde qui circule dans ce livre vit une histoire pas banale, ces gens n’ont rien à voir les uns avec les autres et, comme le serpent qui se mord la queue, ça finira par de drôles de liens sans queue ni tête. Ou avec, on ne sait pas.
C’est la façon de raconter tout ça qui m’a proprement enthousiasmée, avec sa horde de mots, de termes, de tournures qu’on a peu de chances de croiser au détour d’une ligne de tout autre écrivain.e.
Bref, j’ai pris mon pied !
(Je relis, que c’est mal écrit ce post. Bon, tant pis, excusez ma flemme pour le refaire)

Bristol de Jean Echenoz, 2025 aux Editions de Minuit, 268 pages, 19 €.

Texte © dominique cozette

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