Venez nombreux, OK, mais comment qu’on fait ?

Quelle drôle d’expression ! Qu’on m’incite à venir habillée, nue, maquillée, repue, fatiguée, en couple, avec mes enfants, en métro, pas trop tard, comme je suis — mais ça c’est Mc Do et je ne vais jamais au Mc Do —à petits pas, les mains vides, à la bonne franquette, sans rien préparer, vite …  tout ça, je sais faire, ça roule.
Je suis même parfois venue sans qu’on m’attende, c’est très gênant pour les deux parties, je suis aussi venue avec armes et bagages mais c’était durant une guerre sans nom, la guerre des sexes si vous préférez. Je suis venue comme ça, oui, comme ça, c’est gonflé mais je l’ai fait. Je suis venue la gueule enfarinée, ce qui est le plus sûr moyen de repartir la queue entre les jambes. Je suis venue te dire que je m’en vais, parfaitement, il n’y avait pas de SMS ni de tweet pour l’annoncer, fallait le faire de visu pour bien l’entériner. Puis je suis venue à maturité, très récemment et sans savoir pourquoi, je ne sais pas comment je dois le prendre.
Si on me demande de venir en rang(s) serré(s), ça devient limite car est-ce un rang qui est serré ou plusieurs. Quoi qu’il en soit, ça présuppose la formation d’un groupe pour réussir le truc, or je déteste me balader en troupeau.
Reste le « venez nombreux », fréquemment entendu à la télé pour des promos portes ouvertes, destockages massifs et autres événements exceptionnels. J’ai bien essayé, une fois. Je me suis dit : viens nombreuse, viens nombreuse. Quoi que bizarre comme injonction, je me suis postée devant la glace en la serinant pour voir si je devenais nombreuse. Que pouic. Je demeurai seule et unique. Je ne suis donc pas venue et d’ailleurs, tout le monde a fait comme  moi : on n’est  pas venus nombreux, ce fut un flop total.

Mais que ceci ne vous empêche pas de venir nombreux mercredi 19 à la librairie du théâtre du Rond-Point, de 19 à 20h. 30, où aura lieu la fête de lancement du livre « Vents Contraires », blog agité du théâtre dans lequel j’ai l’heur d’apparaître aux côtés de sacrées pointures et de gros niqueurs qui seront forcément venus nombreux, sinon, tu la vois celle-là ?

Texte © dominique cozette

Pauline Klein, faussaire de faux airs

En quatrième de couv, il y a juste une chiure de mouche :  Qu’est-ce qu’on y peut. Pauline Klein.
Pauline Klein s’affranchit d’une ponctuation bien pensante qui appellerait des guillemets et au moins un point d’interrogation. Bon début.
Alice Kahn, titre de ce livre, est son premier roman. J’avais adoré (et partagé récemment sur ce blog) son second ouvrage d’où intérêt vers le premier. Hé bien je ne suis pas déçue. Pauline Klein est une écrivaine du vide à remplir, de la transparence à révéler, de l’identité à réinventer, de l’art conceptuel à appliquer. C’est de la dentelle de cerveau qu’elle nous envoie phrase après phrase, du bizarre, de l’incongru, de l’inventif, du réjouissif.
Quand ça commence, elle est au bistro d’en bas, en short, en rien. Un type s’approche d’elle en disant Anna ? Elle dit oui. Et s’empare de cette vie de faussaire à créer, de faux airs à ajuster, à construire en fonction des attentes du  jeune homme, photographe, en tentant de deviner ce qu’il sait déjà et ce qu’elle peut façonner. Tout ce petit monde gravite dans l’artistique. Ce qui permet à la fausse Anna de lancer sa fausse Alice Kahn, une artiste qu’elle invente chaque fois qu’on lui pose des questions sur ses préférences artistiques.
Un jour, elle décide de rendre sa liberté à Anna, après que William lui ait donné une photo d’elle, d’Anna en fait. Elle l’encadre la place subrepticement dans une galerie. Puis va l’acheter (cher). Puis reprendre sa vie transparente, sans relief, sans intérêt et constater que c’est le moment que choisit William pour enfin la prendre en photo.
Il y a toutes sortes de niveaux de lecture dans ce petit livre très riche, plein de signifiants, de tiroirs, d’entrelacs. C’est un réel plaisir que de les déchiffrer  !

Alice Kahn par Pauline Klein, chez Allia. 2010. 126 pages

Texte © dominique cozette

 

Un peu de Duchamp dans ce monde d’art brut

C’est un livre de Serge Bramly qui raconte un épisode de la vie de Marcel, à partir de 1942, lorsqu’il s’évade du pays en guerre pour se poser un moment à Casablanca avant de se fixer aux Etats-Unis où ses oeuvres ont connu un vif succès. Le livre n’est pas un fragment de biographie, c’est biaisé.
Alors je recommence. C’est l’histoire d’un monsieur qui tient un bar au Maroc où ses amis, juifs marocains, jouent aux cartes tous les jours. Cet homme affable et élégant accueille Duchamp dont il ne connaît pas la réputation d’artiste, dans une grande salle de bain inoccupée où Marcel va entasser des choses dans la baignoire pour y dormir. En même temps,  ce lieu est un QG de résistance où se trament quelques actions secrètes que personne ne doit connaître. Ce sera l’occasion pour Duchamp d’aller voir ailleurs s’il y est, notamment au bordel d’où il tirera de nouvelles inspiration. Le jeune homme qui l’y emmène est le fils du propriétaire du café.
Mais un tiroir s’ouvre dans le livre. C’est encore une autre histoire : celle de la petite-fille du jeune-homme devenu vieux, auquel un biographe de Duchamp essaie de tirer les souvenirs de ses trois semaines marocaines. Et voilà-t-il pas que la petite-fille, une jeune femme, que cette histoire n’intéressait pas, apprend que son grand-père possède quelque chose de Duchamp. De plus, elle s’éprend du biographe et sait qu’ils auront une belle histoire ensemble.
C’est un roman très alerte, original, dépaysant, on apprend pas mal de choses sur l’artiste lui-même et on voit du pays. Quoi de plus pour passe un excellent moment?

Orchidée fixe de Serge Bramly chez JC Lattès, 2012, 286 pages.

Texte © dominique cozette

 

Fermer l’oeil de la nuit ? Jamais, avec Pauline Klein !

Une petite merveille de petit livre. Le titre, déjà. La forme ensuite : un petit objet de 128 pages, satiné du dehors et du dedans, couleur crème, avec un visuel de couverture qui montre une scène inquiétante, du moins étrange, sans grand rapport avec l’histoire.
Il s’agit d’une femme poreuse, vide, qui semble très peu exister. Elle emménage dans un immeuble. En sortant du métro, elle suit un homme involontairement. Il habite juste au-dessus de chez elle. Elle découvre qu’il vit avec une femme, enceinte. Elle les entend, elle les guette à son oeilleton (l’oeil de la nuit ?), elle épie l’homme au café qui finit par lui parler. C’est un artiste. Son propos tourne autour de l’art contemporain, il lui décrit des concepts intéressants ou extravagants, dont il ne parle pas à sa femme. Sa femme, il la trouve un peu en-dessous, un peu vulgaire avec ses jupes courtes. Elle est écrivain. Un jour, il emmène notre héroïne dans son atelier. Ça pue grave. Normal, il travaille sur de la viande avariée, des têtes de poulets dressés etc.
Parallèlement, elle a appris sans en être sûre qu’elle a un demi-frère de son père. Son père est mort, sa mère aussi. Elle tente d’en savoir plus par une tante qui ne veut rien lui dire mais elle finit par trouver Denis. Denis est en prison. Elle attend d’être prête pour l’aborder. Puis entame une correspondance assez intello voire philosophique avec lui. Il est boucher…Mais ça marche, ils se comprennent, il va lui apprendre à ne pas vivre au travers des autres, à sortir d’elle-même comme lui s’extrait de son univers carcéral.
C’est un livre bourré de phrases inventives, d’idées suspectes, d’anecdote étranges. Une sorte de petit bijou qui donne envie de connaître l’auteure. L’auteure a écrit un livre avant celui-ci : Alice Kahn.  Avec le même éditeur.

Pauline Klein. Fermer l’oeil de la nuit, chez Allia. 128 pages, août 2012.

Texte © dominique cozette

La belle Hélène de Lionel Duroy

Le cahier de Turin, paru en 2003, tente de raconter  l’histoire de la petite famille de Lionel Duroy  avec sa seconde femme adorée, Hélène,  après dix ans de vie commune.
Il a connue Hélène par voisinage : sa fenêtre donnait sur le petit jardin de Duroy, au coeur de Belleville. Il avait d’abord remarqué le bel homme avec qui elle vivait et n’osait pas penser une seconde qu’elle pourrait s’intéresser à lui. Pourtant, elle le fit. Il était en convalescence de la rupture d’avec sa première épouse partie avec un métèque en emportant leurs deux enfants — Duroy est un homme qui adore ses enfants et s’en occupe comme une maman.
Au début du livre, il enjolive. Il dit à son ami qu’il est tombé amoureux très vite. Pourtant, il n’était pas curieux d’Hélène. C’est dix ans après, d’un seul coup, que ça le taraude car lui revient en mémoire que lors de leur première escapade, dans un hôtel de Turin, Hélène lui avait donné un cahier écrit tout fin où elle se racontait afin qu’il sache à qui il aurait affaire. Mais il négligea le cahier et s’en veut terriblement.
Dix ans après, il confesse à Hélène que pour écrire son roman sur elle, il faudrait qu’il retrouve le cahier, qu’elle l’avait sûrement rangé quelque part. Et là, il provoque deux vexations qui l’accablent : non seulement il a oublié le cahier à l’hôtel, mais en plus, elle le lui a déjà dit. Il est pétrifié.
En même temps, il conte ce qui se passe au quotidien, Hélène qui travaille pour une députée, rentre tard, circule pas mal, s’habille flashy, ne l’écoute pas quand il parle, mais possède une grâce qu’il n’arrive pas à définir et qui la rend craquante. Leurs deux fillettes qui ne s’entendent pas, la petite étant trop cool et joyeuse pour son aînée qui ne supporte pas qu’on ne se plie pas à tous les usages. Le grand fils du premier mariage apparaît parfois pour foutre son bordel de jeune homme mal réveillé.
Et puis la voisine, petite nana ronde pas très futée, qui a « succédé » à Hélène à son ancienne fenêtre, dont Duroy fait la connaissance et que la jalousie d’Hélène pousse à considérer comme un irrésistible objet de désir. Classique.
Mais il faut démarrer le roman et sans le cahier de Turin, rien n’est possible. Duroy va téléphoner à l’hôtel. Il a changé de propriétaire,  on lui donne le numéro de l’ancien. Cet homme est hospitalisé mais, comme lui dit sa fille, il ne jette rien donc il y a de fortes chances qu’il ait gardé le cahier. Il donne rendez-vous à cette femme à Turin le lundi suivant, on est jeudi. Et précisément ce jeudi, Hélène convainc son mari d’aller le week-end dans les environs de Pontarlier revoir la maison de son père. Qu’après, il peut les déposer au train pour continuer sur Turin.
Ce n’est pas une maison abandonnée ni en ruines, c’est là où vit sommairement un des frères d’Hélène. C’est là que Duroy va comprendre l’infime chose qu’il possède et qui a séduit sa femme, et c’est là aussi que le mystère du cahier va se dénouer.
Formidable livre qui montre qu’avec un talent exceptionnel, n’importe quelle histoire quotidienne peut devenir une merveille. (Ah que j’aurais aimé qu’un écrivain sensible comme lui fasse mon portrait ! Vanité !)

Colères, que j’avais lu en mars, résumé et vidéo ici vous donnera la suite de cette histoire, la douloureuse séparation d’avec Hélène, l’explosion de la famille et la triste rupture avec son fils devenu toxicomane.

Le cahier de Turin de Lionel Duroy, édition J’ai lu 2012, 247 pages, 7,10 €. La photo de couverture ne reflète absolument pas la légèreté du récit.

Texte © dominique cozette

 

 

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?

C’est le titre. J’aurais pas trouvé mieux pour vous accrocher. J’aurais mis au féminin  puisque cette une femme et qu’en anglais, la question ne s’est pas posée.
Un livre très fort avec quelques faiblesses. Comme tous les forts. En fait cette nana, Jeanette Winterson, l’auteur, écrit sa bio, enfin la continue puisqu’elle l’a déjà commencée  dans Les oranges ne sont pas les seuls fruits, qu’elle cite assez souvent et que je n’ai pas lu. Pas encore. Elle explique quelque part dans le bouquin qu’elle ne sait jamais à l’avance ce que le livre qu’elle commence deviendra, elle écrit comme ça vient et voilà. Ça se sent car il y a des passages un peu bof MAIS mais mais, le livre est quand même franchement bien.
Le début démarre en trombe avec une causticité énorme pour évoquer son enfance minable dans sa famille (ce mot ne convient vraiment pas) adoptive. La mère est une ménagère frigide qui fait tout un tas de choses la nuit pour éviter d’être dans le lit conjugal, une bigote déplorable et cruelle qui ne cesse de punir cette enfant qu’elle regrette d’avoir prise. Car ils se sont trompés de berceau comme elle dit. Ah, si ça avait été Paul (mais qui est ce Paul), comme la vie aurait été plus belle ! Donc Jeannette passe beaucoup de temps dehors, à la porte, comme on dit au coin, dans le froid et la misère. Le père, lui, est un être falot qui n’ose rien dire à ça, il craint la harpie. Harpie qui a deux dentiers : l’un, mat, pour la vie de tous les jours, l’autre, « perlé », pour les sauteries à la paroisse.
Et puis, à l’adolescence, Jeanette se découvre homosexuelle. Déjà que sexuelle c’est la fin du monde, homo c’est pire que tout, ce qui lui vaut d’être virée de chez elle à 16 ans, sans rien, sans savoir où aller. Bref, galère.
Là où le livre, perdant de son acidité, devient émouvant, c’est lorsqu’elle se met en quête de sa mère biologique. Mais beaucoup plus tard, passé la quarantaine. Une mère qui ne l’a pas jetée si malproprement que ça puisqu’elle l’a allaitée six semaines, apprend-elle des services sociaux. N’empêche. Elle retrouvera sa trace mais c’est un vrai chemin de croix. Le livre devient terriblement émouvant quand elle appuie là où ça fait mal, ce terrible « on ne m’a pas voulue » dont on ne guérit pas,  quand sa souffrance est niée par l’administration qui ne lui ouvre pas le dossier qui est là, sur la table, quand la peur de voir celle qui l’a mise au monde la cloue littéralement au moment d’y aller. Quand elle touche du doigt l’amour après la profonde blessure qui ne lui a pas permis de bien se construire. Quand elle se rend compte qu’on l’attend, que c’était à elle de faire le chemin. Mais sans trop d’effusions, avec méfiance quand même, la route a été tellement rude.

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? de Jeanette Winterson aux éditions de l’Olivier, 2012. 268 pages.

La belle inconnue

C’est un livre mince qui se lit facilement. C’est une quête aussi, mais pas la première ni la dernière car l’auteur, comme beaucoup d’autres avant lui, Supervielle, Aragon, Blanchot,  Nabokov etc, s’est entiché de la pure beauté de la jeune femme, retrouvée noyée dans la Seine en 1901 avant d’être amenée à la morgue. Son visage était tellement pur qu’on décida aussitôt de le mouler afin de l’immortaliser. Depuis, on le retrouve partout, notamment dans les écoles d’art.
Donc l’auteur, Didier Blonde nous conte cette quête d’un libraire spécialisé en éditions rares tentant d’en savoir plus sur l’inconnue. Il se rend à la morgue, l’autre puisque la première a disparu, collecte des infos, va au théâtre car une pièce de Horvath raconte son histoire — l’actrice a le visage dissimulé sous un masque en latex qui représente l’inconnue — passe un temps fou à la BN à lire les articles de l’époque sous forme de micro-fiches. Et, stupeur, il aperçoit sur l’une des tables, tout une documentation sur elle. Il guette la personne qui réalise l’étude et s’installe en face pour l’observer. Enfin, se décide à l’aborder. C’est une thésarde allemande qui travaille sur le sujet depuis des années.
Le narrateur s’entiche d’elle qui le laisse faire ses quatre voluptés sur son corps. Mais, la thèse finie, elle repart en Allemagne retrouver fils et mari. Non sans lui laisser lire la somme écrite par elle.
Il se rend compte que cette quête est vaine, que personne n’en saura plus, que les pistes sont fermées. Une première fois, un faisceau de présomptions l’avait amené en 1930, ensuite il apprit qu’il s’agissait d’un jeune modèle mort de tuberculose en 1875.
Néanmoins, hanté par elle, il ne peut l’abandonner et retournera à la Bibliothèque pour chercher, encore et encore…

Ces peintures au nez de travers ont été réalisées lors de cours que je prenais il y a quelques années où  tout le monde se demandait qui était cette mystérieuse jeune femme.

L’inconnue de la Seine de Didier Blonde, Gallimard 2012. Il est retouché par rapport  à sa première édition en 1988 chez Régine Desforges sous le titre Le nom de l’inconnue. 125 pages.

Texte et dessins © dominique cozette

Le seul organe qui peut ne pas vieillir : le cerveau.

L’être humain, quand il naît, possède un cerveau qui n’est pas fini. Ce qui le distingue des autres animaux et surtout lui permet d’échapper à la dure loi de son ADN. Car en se construisant, chaque cerveau se singularise. Il est tellement élastique qu’il peut détourner les tâches d’une de ses parties vers une autres, notamment en cas d’AVC.
Contre la croyance  selon laquelle nous perdrions 100 000 neurones chaque jour, il est démontré que notre cerveau est capable de refaire des neurones à partir de cellules souches, à condition de bien l’entraîner. Comment ? Par des stimulations nouvelles, le plaisir, la curiosité et l’émerveillement. Mais tous les plaisirs n’ont pas le même degré du bénéfice. Quand on lit un livre,  c’est l’imaginaire qui s’emballe et on engage 85 % de son activité mentale. Oui, 85% ! Enorme. Par contre, quand on regarde un film, on reste passif, et seulement 15 % de l’activité mentale est en action. Même s’il s’agit de la même histoire. Pauvre cerveau dans ce cas…
Ce qui va contre le rajeunissement cérébral, qui est même nocif, c’est le stress permanent, la tristesse,  l’inquiétude, la routine, tout ce qui se rapproche de la dépression. Après autopsie, on a constaté que les cerveaux des suicidés ne possédait aucun nouveau neurone.
Je viens d’apprendre tout ceci dans le livre « le cerveau sur mesure » de deux médecins neurobiologistes dont l’un a été invité à l’émission d’Inter : les savanturiers et l’autre dans une conférence en ligne.
Une interview (à lire) très pragmatique ici vous en dira plus car le bouquin est assez technique, notamment dans la première moitié qui détaille ses fonctionnalités. On passe ensuite à la régénérescence cellulaire, la plasticité, le cerveau augmenté. Puis le dopage cérébral. Enfin,  on arrive aux nanotechnologies avec l’éventail de tout ce qui nous attend dans le futur, sans compter les imprévus. Annexe sur le neuro feeback ou gonflette cérébrale.
Bourré de notes explicatives et bibliographiques et quelques liens plus « pratiques » pour les néophytes qui souhaitent seulement bénéficier de conseils à mettre en oeuvre. A voir aussi sur Google

Le cerveau sur mesure de Jean-Didier Vincent et Pierre-Marie LLedo chez Odile Jacob, 2012.

Texte © dominique cozette

Claro nous ramène Lucy from the sky with diamonds !

Claro est un écrivain et un sacré traducteur, pas de n’importe qui : Rushdie, Palahniuk, Selby, T. Vollmann, Pynchon…
Avec son dernier livre Tous les diamants de ciel, je vacille dans une friche de mots, d’idées, d’inventions, d’hallucinations inouies. D’ailleurs, pas étonnant, le personnage principal en est le L.S.D qui transite autour des deux marionnettes d’un destin foireux. Pour les deux, l’histoire commence en 1951. Antoine, pauvre moineau orphelin limite mytho, mitron à Pont Saint Esprit, jolie bourgade d’Ardèche, se prend de plein fouet l’incroyable trip qui va mettre à mal toute la population sans qu’on sache exactement comment le pain qu’il a peloté  a pu produire ces hallus mortelles. Il y serait question d’une manip de la CIA qui teste ainsi, sur des cobayes lambdas, des sortes d’armes chimiques.
Très loin de là, Lucy, barrée de chez elle à 15 ans, petite pute junkie, est repérée par un homme de cette même entreprise pour d’autres essais sur ses clients. Là, je vous dis pas, c’est d’un sordide accompli qu’en termes poético-créativo-rocks l’auteur nous narre.
Puis on saute en 67, à San Francisco, où la jeune beauté, protégée par son démon-gardien, s’est réfugiée incognito. Elle se marie, fait un môme, adopte une posture bourgeoise, bref, disparaît de la terrible liste létale de la CIA. Puis elle est priée d’aller tester ailleurs, de toute façon c’est sa vie et elle n’aime pas son gosse. On la retrouve un peu partout où se joue l’histoire de la dope et des bouillonnements culturels pointus, Berlin, Londres et Paris, où elle tient la première sex-shop de France. Toujours entre deux shoots, elle rencontre Antoine entré par erreur dans l’échoppe. Lui, c’est plutôt les églises, le divin, pas le divan et surtout pas le cul. Naîtra un sentiment fort, mêlé et entêtant, sans rapport avec ce qu’on connaît (enfin, je dis ça, je ne sais pas pour vous). Antoine raconte ce qu’il a fait entre-temps, il aurait été parmi les premiers bidasses à assister aux essais atomiques français, cobaye encore… Ce n’est pas aussi vrai.
Je ne vais pas vous raconter l’histoire, c’est de la dentelle hérissée de noeuds, bouffie de grumeaux, concoctée à partir d’un écheveau emmêlé, c’est tordu, c’est plein d’âcreté, d’odeurs, de chair, de volutes et de conspirations, de soupçons, de défonces, de détails réels embringués dans des délires de ouf. C’est dingue. Je vous jure ! Un sacré trip !

Claro. Tous les diamants du ciel chez Actes Sud, 2012, 250 pages.

Texte © dominique cozette

Ciseaux : un livre pour les fans de Raymond Carver

Raymond Carver est un auteur de nouvelles aussi  appréciées que le sont les peintures de Hopper. Tout le monde les aiment.
Un livre, Ciseaux, vient de sortir et l’auteur, Stéphane Michaka, nous fait revivre, de manière  semi-fictionnelle, les relations entre Carver — Raymond dans le livre —  et son éditeur. Et aussi ses deux femmes. Chaque protagoniste racontera une part de l’histoire. Deux nouvelles de Carver sont intégrées au livre.
L’éditeur de Carver est surnommé Ciseaux dans le milieu car il est réputé pour enlever la graisse, toute la graisse, des nouvelles qu’il édite. Il peut aller jusqu’à l’os et ça fait mal. Ça fait mal à Raymond qui ne reconnaît plus ses petits, ça fait mal à sa femme qui a toujours cru en son talent et qui voit dans ces coupes une mutilations, ça fait mal à la deuxième femme qu’il aura, pas longtemps puisqu’il mourra très vite.
Mais c’est grâce à Ciseaux que Raymond jouit d’une grande notoriété, d’où les rapports ambigus entre deux personnages. Même quand Raymond le supplie de ne pas toucher à un texte, il le retrouve, quelques temps après, amputé de plus de la moitié, avec un titre qui ne lui plaît pas.
Et Raymond boit. Boit trop. Marianne, sa première femme qui a abandonné ses études à cause de la naissance précoce de leurs deux enfants, subit avec patience les infidélités et les absences de celui qu’elle aimera inconditionnellement.
Raymond boit et c’est pour ça qu’il ne peut pas se lancer dans le roman : trop d’attention qu’il ne possède plus.
Il rencontre une femme, une fan, qui va lui redonner le goût neuf de la vie et de l’amour.
Mais cela ne résout pas ses problèmes avec Ciseaux. Un peu avec l’alcool puisqu’il finit par y renoncer. Mais, atteint d’un cancer du poumon qu’il sait incurable, il va épouser cette femme avant de mourir.
Cette poétesse devient ainsi son exécutrice testamentaire, coutisée par Ciseaux  pour qu’elle lui cède les inédits de Raymond. Elle refuse et déclare qu’elle fera publier les textes de Raymond dans leur intégralité.
( Ces textes originels existent, ils sont sortis en France l’an dernier, je ne les ai pas encore lus. Je ne connais que les nouvelles de Carver éditées par « Ciseaux ».)
Je vous parle de ce livre d’une façon assez plate, il y a des jours où je suis moins en verve, mais je vous assure qu’il est pétillant, plein d’esprit et d’une écriture plus qu’agréable.

Ciseaux de Stéphane Michaka aux éditions Fayard, 2012. 264 pages.
Interview de l’auteur ici

Texte © dominique cozette

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