Toujours aussi singulière, Jeanne Benameur !

Des amies m’ont fait découvrir cette auteure il n’y a pas si longtemps avec le superbe livre les demeurées qui contre les rapports d’amour entre une mère et sa fille, deux sauvageonnes marginales où vient se glisser la bonne conscience d’une assistante sociale pour leur grand malheur. Eloigner la fille de la mère par la différence du savoir qu’elle ramène de l’extérieur, et de l’extérieur aussi qu’elle rapporte à la maison, collé au petit cartable qui semble une muraille d’incommunicabilité définitive entre ces deux êtres exclus(ifs). La petite fille trouvera une très belle façon de se sacrifier pour sauvegarder le lien. A lire absolument, l’écriture est magnifique !
Les insurrections singulières sont taillées dans la même étoffe, les vies de peu, le lien ou le non-lien, les amours impossibles, le savoir et ses dégâts collatéraux. Le héros, Antoine, quarante ans, revient vivre chez ses parents, ouvriers à la retraite, parce qu’il s’est pris un énorme râteau avec celle qui semblait être la femme de sa vie, enseignante, touchée par le côté prolétaire de son amoureux. Parce qu’Antoine a refusé les études, contrairement à son frère qui a une belle situation, une femme, des enfants, une ligne de vie. Antoine a été plaquée parce que Karima, au bout de quatre ans, s’est lassée de l’ouvrier sans discours, sans militantisme, sans besoin d’en découdre, ne lisant pas non plus et toujours en retrait.
retourné à l’usine sur les traces de son père, menacé de licenciement pour  cause de délocalisation et mondialisation, usé de n’avoir plus de désir, laminé par la perte d’amour, il accompagne sa mère au marché de Montreuil où elle vend gaiement de la mercerie. A côté, un vieux sympa style bouquiniste qui réussit à le faire s’intéresser à quelque chose : l’histoire du fondateur de son usine qui créa une ville à son nom au Brésil. Le désir (de bouger) lui vient d’un coup. Il prend ses indemnités et, accompagné du vieux Marcel, se rend au Brésil où il va enfin vivre sa révolution personnelle.
Ce livre, c’est une ambiance, une sincérité, une vague tristesse et surtout une belle plume. Ses sans grades sont touchants, dignes et partageurs.

Les Insurrections singulières de Jeanne Benameur chez Actes Sud 2011, 200 pages. Les Demeurées, Denoël 2001.

Texte © dominique cozette

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