Pauline Klein, faussaire de faux airs

En quatrième de couv, il y a juste une chiure de mouche :  Qu’est-ce qu’on y peut. Pauline Klein.
Pauline Klein s’affranchit d’une ponctuation bien pensante qui appellerait des guillemets et au moins un point d’interrogation. Bon début.
Alice Kahn, titre de ce livre, est son premier roman. J’avais adoré (et partagé récemment sur ce blog) son second ouvrage d’où intérêt vers le premier. Hé bien je ne suis pas déçue. Pauline Klein est une écrivaine du vide à remplir, de la transparence à révéler, de l’identité à réinventer, de l’art conceptuel à appliquer. C’est de la dentelle de cerveau qu’elle nous envoie phrase après phrase, du bizarre, de l’incongru, de l’inventif, du réjouissif.
Quand ça commence, elle est au bistro d’en bas, en short, en rien. Un type s’approche d’elle en disant Anna ? Elle dit oui. Et s’empare de cette vie de faussaire à créer, de faux airs à ajuster, à construire en fonction des attentes du  jeune homme, photographe, en tentant de deviner ce qu’il sait déjà et ce qu’elle peut façonner. Tout ce petit monde gravite dans l’artistique. Ce qui permet à la fausse Anna de lancer sa fausse Alice Kahn, une artiste qu’elle invente chaque fois qu’on lui pose des questions sur ses préférences artistiques.
Un jour, elle décide de rendre sa liberté à Anna, après que William lui ait donné une photo d’elle, d’Anna en fait. Elle l’encadre la place subrepticement dans une galerie. Puis va l’acheter (cher). Puis reprendre sa vie transparente, sans relief, sans intérêt et constater que c’est le moment que choisit William pour enfin la prendre en photo.
Il y a toutes sortes de niveaux de lecture dans ce petit livre très riche, plein de signifiants, de tiroirs, d’entrelacs. C’est un réel plaisir que de les déchiffrer  !

Alice Kahn par Pauline Klein, chez Allia. 2010. 126 pages

Texte © dominique cozette

 

Fermer l’oeil de la nuit ? Jamais, avec Pauline Klein !

Une petite merveille de petit livre. Le titre, déjà. La forme ensuite : un petit objet de 128 pages, satiné du dehors et du dedans, couleur crème, avec un visuel de couverture qui montre une scène inquiétante, du moins étrange, sans grand rapport avec l’histoire.
Il s’agit d’une femme poreuse, vide, qui semble très peu exister. Elle emménage dans un immeuble. En sortant du métro, elle suit un homme involontairement. Il habite juste au-dessus de chez elle. Elle découvre qu’il vit avec une femme, enceinte. Elle les entend, elle les guette à son oeilleton (l’oeil de la nuit ?), elle épie l’homme au café qui finit par lui parler. C’est un artiste. Son propos tourne autour de l’art contemporain, il lui décrit des concepts intéressants ou extravagants, dont il ne parle pas à sa femme. Sa femme, il la trouve un peu en-dessous, un peu vulgaire avec ses jupes courtes. Elle est écrivain. Un jour, il emmène notre héroïne dans son atelier. Ça pue grave. Normal, il travaille sur de la viande avariée, des têtes de poulets dressés etc.
Parallèlement, elle a appris sans en être sûre qu’elle a un demi-frère de son père. Son père est mort, sa mère aussi. Elle tente d’en savoir plus par une tante qui ne veut rien lui dire mais elle finit par trouver Denis. Denis est en prison. Elle attend d’être prête pour l’aborder. Puis entame une correspondance assez intello voire philosophique avec lui. Il est boucher…Mais ça marche, ils se comprennent, il va lui apprendre à ne pas vivre au travers des autres, à sortir d’elle-même comme lui s’extrait de son univers carcéral.
C’est un livre bourré de phrases inventives, d’idées suspectes, d’anecdote étranges. Une sorte de petit bijou qui donne envie de connaître l’auteure. L’auteure a écrit un livre avant celui-ci : Alice Kahn.  Avec le même éditeur.

Pauline Klein. Fermer l’oeil de la nuit, chez Allia. 128 pages, août 2012.

Texte © dominique cozette

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