Drôle de titre pour ce livre de Sigrid Nunez, qui est extrait de la chanson Restless Farewell de Bob Dylan, morceau fétiche des deux héroïnes. Rien à voir avec le titre anglais The last of her kind (la dernière de son espèce). Et nos yeux doivent accueillir l’aurore est, outre une histoire des mœurs américaines des années 70 aux années 90, celle de deux amies qui se sont rencontrées sur le campus d’une petite université. La narratrice, George (pour Georgette) a fui son milieu familial moche, violent, ennuyeux, et sa copine de chambre, Ann, a fait de même pour des raisons opposées : elle ne veut plus de la vie de luxe de ses parents, leur héritage culturel foireux et cette fortune créée sans aucun doute sur le dos de l’esclavage. Totalement radicalisée, elle souhaite même avoir une copine pauvre et pourquoi pas noire ?
La suite, une fois n’est pas coutume, je la vole à Babelio car j’ai la flemme d’éplucher la densité de ce roman :
« Au travers de la relation d’amitié chaotique entre Georgette et Ann, c’est l’histoire récente des USA qui nous est racontée : du vent de liberté apporté par les années 60 au puritanisme des années 90 en passant par Woodstock, les hippies, les mouvements pour les droits civiques, les Black Panthers et le Weatherman, l’apparition du sida. Georgette, narratrice, nous montre le contraste entre une époque de libertés et d’expériences en tous genres (sexe, drogues), de luttes et de convictions, et celle qui, à peine deux ou trois décennies plus tard, apparaît tout aussi précaire mais beaucoup plus dure, étriquée, dangereuse. Avec cette question paradoxale : pourquoi, comment est-on passé de l’une à l’autre ? »
« Voici quelques uns des thèmes intéressants dans ce roman : féminisme, militantisme, hippie, anti-racisme, drogues, inégalités, « sex, drug and rock’n roll ». D’autant que ces sujets sont traités de façon originale et décalée. Le point de vue d’Ann, la jeune fille de bonne famille, riche, trop empathique, se confronte à celui de Georgette, issue d’un milieu très défavorisé qui cherche à s’élever socialement, et enfin à celui de Solange, la fugueuse junkie bipolaire qui a décidé de « vivre à fond »… le tout saupoudré de nombreuses références, souvent intelligentes, toujours documentées. Avec parfois des longueurs (particulièrement un épisode de trip entre sœurs ou le récit carcéral de fin d’ouvrage). »
Mais malgré tout, il y a beaucoup à piocher dans ce livre plein d’idées, de références, d’anecdotes et même d’un résumé de la vie de Simone Weil, la philosophe.
Et nos yeux doivent accueillir l’aurore de Sigrid Nunez (2005 aux USA, 2014 en France). Traduit par Sylvie Schneitter. Au Livre de Poche. 540 pages, 9,70 €
© partiel dominique cozette