Fille en colère sur un banc de pierre

Une merveille, ce livre ! Fille en colère sur un banc de pierre est une dégustation de toutes les pages. Ce qui est drôle, c’est qu’elle, l’autrice, Véronique Ovaldé, intervient dans le récit sans y être invitée car elle n’est ni une héroïne, ni la narratrice. Donc un style très original, vivant, libre et superbement poétique. Et puis ce n’est peut-être pas essentiel, mais la qualité du papier d’un blanc cassé très chic, sa texture, sa finesse juste comme il faut pour éviter les transparences, plus la typo d’une beauté classique, rendent la lecture encore plus agréable.
Ça commence par la fugue de deux fillettes, la plus jeune de six ans s’étant collée à sa sœurette de huit ans, la nuit, pour le dernier jour de la foire annuelle du petit village où leur père n’a jamais voulu les emmener. Toute l’île y va, c’est la fiesta incontournable, mais pas elles, les quatre filles, dont les deux autres, les aînées, ne sont pas de la partie. Description des fillettes qui ont toutes deux ans d’écart et portent un nom d’opéra, Aïda, Violetta, Gilda et … Mimi pour la petite dernière.
Le père est un rude bonhomme qui aurait dû faire le tour du monde et l’a commencé dans cette minuscule île au large de Palerme où il a trouvé du boulot au château de la comtesse. Puis celle qui allait devenir sa femme et la mère des filles, ce qui fait qu’il n’a plus bougé de là. Il est colérique, taciturne et fou d’opéra. Ne surtout jamais le contrarier ou lui désobéir.
Alors la vie de cette famille aurait pu suivre son cours tranquillement s’il ne s’était produit un drame : Mimi, la petite chérie de son papa, a disparu. Ce fameux soir où elle a lâché la main de sa sœur qui lui avait demandé de se retrouver à tel endroit si elles se séparaient. Hélas. Malgré les recherches, l’île est petite, on n’a rien retrouvé de la petite Mimi, pas une seule trace. Et sa maman est persuadée qu’elle reviendra un jour, c’est pourquoi elle n’est pas triste.
En attendant, dès le premier chapitre, on sait que la sœur fugueuse a été bannie de la famille qu’elle n’a pas revue depuis quinze ans et qu’elle vit à Palerme. Et que le père, le « vieux » comme on l’appelle, vient de mourir, et qu’à l’occasion de ses funérailles, il serait bon qu’elle revienne ne serait-ce que pour toucher sa part du petit héritage.
Le dénouement de l’histoire est une sacrée surprise, une fin tellement inattendue.
Une brève citation pour le plaisir : « Gilda est du genre à faire la modeste ( vous apprendrez à la connaître), du genre à dire qu’elle prendra la part de tarte qui restera quand tout le monde se sera servi, parce qu’elle sait que personne n’osera prendre la plus grosse et que, dans le plat, il n’y aura plus que celle -ci (surdimensionnée, dégoulinante de sirop et de fruits). »

Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé, 2023 aux Editions Flammarion, 306 pages, 21 €

Texte © dominique cozette

Personne n'a peur des gens qui sourient

Assassiné par le Masque et la Plume, joyeux et entraînant pour Télérama, Personne n’a peur des gens qui sourient de Véronique Ovaldé est un livre que j’ai trouvé formidable. La façon de relater l’histoire de cette jeune femme qui fuit brusquement son monde ensoleillé avec ses deux filles qui ne comprennent rien, surtout l’ado qui fait carrément la gueule quand en plus sa mère lui pique son portable pour qu’on ne puisse pas les localiser, est vraiment plaisante. L’héroïne, Gloria, a une une enfance perturbée mais un bon oncle, Gio, s’est superbement occupée d’elle, lui a appris à se méfier de tout. A dix-huit ans, elle a touché un pactole de son père décédé, sa mère ayant fui depuis belle lurette avec un dentiste. Alors, un avocat, Santini, jovial Corse, va prendre soin d’elle. Elle tombe follement amoureuse d’un bad boy, follement filou et il le lui rend bien. Et pof, tombe enceinte. Joie et bonheur partagés. Puis le bad boy, qui continue ses trafics illégaux, meurt dans l’incendie de son hangar le jour où Gloria allait lui annoncer qu’elle attendait un autre bébé. Elle les élève comme elle peut puisque personne ne lui a appris l’élevage d’enfant. Jusqu’au jour où elle fuit, donc, en Alsace, dans une maison isolée près d’un lac, qui a appartenu à sa grand-mère, une femme vraiment pas sympa.
Il lui faut reconstruire sa petite famille : Lou, la petiote, s’accommode de tout, soumet les féroces chiens d’un voisin grincheux, fait des plantations. Sa sœur, Stella, est une ado caricaturale, pénible, elle se fait chier dans ce trou, tout lui manque. Mais Gloria sait qu’elle arrivera à les préserver de la catastrophe qu’elle a fuie.
Ce que j’ai aimé dans ce livre (c’est bête à dire mais je pense que c’est un livre de femmes, forcément, une mère et ses filles…) c’est surtout la façon qu’elle a de raconter tous les trucs farfelus qui se bousculent dans la tête de l’héroïne, des toutes petites choses risibles ou de grosses questions importantes, dans un style très enlevé et, pourrais-je dire, souriant. La lecture m’a paru un enchantement, il est très imagé, vivant, vibrant, positif, avec un côté conte de fées. Et du noir, quand même. Et pas qu’un peu. Bref, un moment très plaisant avec Ovaldé dont je n’avais encore rien lu.

Personne n’a peur des gens qui sourient de Véronique Ovaldé aux éditions Flammarion. 2019. 270 pages, 19 €.

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