L’inventaire des rêves

Le nom de cette autrice est d’un compliqué ! Elle s’appelle Chimanda Ngozie Adichie et c’est elle qui a écrit le formidable Americanah il y a dix ans. Dans ce nouveau livre, L’inventaire des rêves, elle nous conte donc les rêves, réalistes ou pas, de quatre femmes issues d’Afrique, toutes d’un milieu aisé sauf une qui est domestique mais dont l’amitié avec l’une des autres, et son histoire connue du monde entier, font d’elle une héroïne.
Chiamaka est une rebelle qui n’obéit pas à sa famille qui la voyait mariée richement avec des enfants et qui préfère tailler sa route, faire des études et choisir le chemin de l’écriture. Zikora rêve du beau mariage avec enfant et après quelques déconvenues sentimentales, rencontre le prince charmant qui hélas, ne comprend rien à ce qui fait une femme puis une mère, quel bêta ! Omelogor est la cousine de Chia, je ne la trouve pas vraiment sympathique, c’est une femme d’affaires brillante qui plaque tout pour aller vivre aux Etats-Unis, en principe pour défendre les femmes. Quant à Kadiatou, partie elle aussi aux Etats-Unis pour travailler dans un très grand hôtel, c’est un décalque de Nafissatou Diallo et son sort raconte pratiquement à l’identique le viol qu’elle subit pas Strauss Kahn, mais de son côté à elle, les doutes puis accusations dont elle est victime, maltraitances diverses, bref tout ce à quoi beaucoup de victimes de violences sexistes doivent faire face, comme une double peine.
Un peu difficile de suivre l’histoire d’Omelogor qui voyage énormément, comme ses consoeurs d’ailleurs, c’est parfois d’un snobisme achevé, les endroits à voir, les choses à ne pas faire etc… d’autant plus qu’on y parle des petites peuplades dont elle sont issues, les bien et les pas bien. Mais les trois autres sont passionnantes dans ce milieu que nous, les Blanches, on ne connaît pas vraiment. Et tellement bien écrit (traduit) ! Et tellement documenté sur les recettes qui donnent bien envie d’y goûter. C’est très très dense en fait.

L’inventaire des rêves de Chimanda Ngozie Adichie, 2025 traduit par Blandine Longre, chez Gallimard. 654 pages, 26 €

Texte © dominique cozette


Americanah, quelle nana, quel livre !

Americanah, écrit par Chimananda Ngozi Adiche — heureusement que le titre est facile à mémoriser — est le nom donné aux Nigérianes parties vivre leur rêve américain. L’auteure, flamboyante, passée à la Grande Librairie, livre un pan de son histoire, celle d’une femme désolée par la décrépitude de son pays incapable de lui assurer de bonnes études, décidée à passer des diplômes US pour ensuite revenir travailler au pays.
Elle part, et Obinze avec qui elle vit un amour fou, la rejoindra plus tard. Mais son visa sera refusé trois fois et il atterrira à Londres loin d’Ifemelu (le nom de la jeune femme) qui, un jour,  va rompre tout contact avec lui après une expérience humiliante qui la dégoûte d’elle-même.
C’est un roman formidable, un pavé touffu mais il vaut la peine d’être lu (après un court début un peu lent) tellement c’est riche, plein, passionnant. Parce qu’avant tout, outre les aventures liées aux personnages, l’auteure s’attache à nous montrer ce qu’est être une femme noire aux Etats-Unis. Au Nigéria, elle était comme tout le monde et subitement, elle découvre le racisme, les efforts qu’elle et ses pairs doivent fournir pour s’intégrer, faire oublier la couleur de leur peau et surtout le crépu de leur cheveux —  problème énorme aux E.U — les nuances de noir et leur ressenti. Une fois assimilés ces items, elle découvrira d’autres différences dans la population, notamment les Juifs.
C’est une battante, elle se dépatouillera de tous les inconvénients liés à son statut de migrante de seconde zone. Les petits boulots, les relations sociales et sexuelles, elle saura d’autant mieux s’en débrouilla qu’elle tient un blog hyper buzzé intitulé Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu’on appelait jadis les nègres) par une Noire non-américaine qui feront sa réputation, par la finesse de son analyse, la férocité de sa critique et sa crudité.
Durant ces 15 années, elle connaît des histoires sentimentales avec des Américains, notamment un Blanc et un Noir. Et se rend compte que les différences culturelles, voire raciales, sont plus ancrées qu’elle ne le croyait. Et, ne souhaitant pas devenir américaine, elle décide de garder son accent africain et arrête de se faire lisser les cheveux.
On suit aussi Obinze qui mène sa vie d’étudiant précaire à Londres, comment il se fait débarquer alors qu’il s’apprêtait à faire un mariage arrangé pour obtenir son visa. Renvoyé manu militari chez lui, à Lagos, il se marie et fait fortune mais pense toujours à Ifem. Lorsqu’elle décide de revenir au pays, elle sait qu’il faudra l’affronter, elle y pense toujours elle aussi. Mais avant, elle doit se réintégrer dans la société nigériane, qui a changé. Elle se remet à écrire un blog qui lui assure une nouvelle renommée.
Livre passionnant, je l’ai déjà dit et peut le redire : passionnant ! pour ce décryptage psychologique et critique de la négritude, une vision de l’Amérique comme jamais décrite mais aussi la vie au Nigéria telle qu’elle se déroule actuellement.

Americanah de Chimananda Ngozi Adiche aux éditions Gallimard, 2014 (2013 pour la VO), traduit par Anne Damour. 526 pages, 24,50 €

Texte © dominique cozette

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