Americanah, quelle nana, quel livre !

Americanah, écrit par Chimananda Ngozi Adiche — heureusement que le titre est facile à mémoriser — est le nom donné aux Nigérianes parties vivre leur rêve américain. L’auteure, flamboyante, passée à la Grande Librairie, livre un pan de son histoire, celle d’une femme désolée par la décrépitude de son pays incapable de lui assurer de bonnes études, décidée à passer des diplômes US pour ensuite revenir travailler au pays.
Elle part, et Obinze avec qui elle vit un amour fou, la rejoindra plus tard. Mais son visa sera refusé trois fois et il atterrira à Londres loin d’Ifemelu (le nom de la jeune femme) qui, un jour,  va rompre tout contact avec lui après une expérience humiliante qui la dégoûte d’elle-même.
C’est un roman formidable, un pavé touffu mais il vaut la peine d’être lu (après un court début un peu lent) tellement c’est riche, plein, passionnant. Parce qu’avant tout, outre les aventures liées aux personnages, l’auteure s’attache à nous montrer ce qu’est être une femme noire aux Etats-Unis. Au Nigéria, elle était comme tout le monde et subitement, elle découvre le racisme, les efforts qu’elle et ses pairs doivent fournir pour s’intégrer, faire oublier la couleur de leur peau et surtout le crépu de leur cheveux —  problème énorme aux E.U — les nuances de noir et leur ressenti. Une fois assimilés ces items, elle découvrira d’autres différences dans la population, notamment les Juifs.
C’est une battante, elle se dépatouillera de tous les inconvénients liés à son statut de migrante de seconde zone. Les petits boulots, les relations sociales et sexuelles, elle saura d’autant mieux s’en débrouilla qu’elle tient un blog hyper buzzé intitulé Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu’on appelait jadis les nègres) par une Noire non-américaine qui feront sa réputation, par la finesse de son analyse, la férocité de sa critique et sa crudité.
Durant ces 15 années, elle connaît des histoires sentimentales avec des Américains, notamment un Blanc et un Noir. Et se rend compte que les différences culturelles, voire raciales, sont plus ancrées qu’elle ne le croyait. Et, ne souhaitant pas devenir américaine, elle décide de garder son accent africain et arrête de se faire lisser les cheveux.
On suit aussi Obinze qui mène sa vie d’étudiant précaire à Londres, comment il se fait débarquer alors qu’il s’apprêtait à faire un mariage arrangé pour obtenir son visa. Renvoyé manu militari chez lui, à Lagos, il se marie et fait fortune mais pense toujours à Ifem. Lorsqu’elle décide de revenir au pays, elle sait qu’il faudra l’affronter, elle y pense toujours elle aussi. Mais avant, elle doit se réintégrer dans la société nigériane, qui a changé. Elle se remet à écrire un blog qui lui assure une nouvelle renommée.
Livre passionnant, je l’ai déjà dit et peut le redire : passionnant ! pour ce décryptage psychologique et critique de la négritude, une vision de l’Amérique comme jamais décrite mais aussi la vie au Nigéria telle qu’elle se déroule actuellement.

Americanah de Chimananda Ngozi Adiche aux éditions Gallimard, 2014 (2013 pour la VO), traduit par Anne Damour. 526 pages, 24,50 €

Texte © dominique cozette

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