Une bipolaire raconte

Et c’est moi qu’on enferme est le deuxième livre de Philippa Motte. C’est le récit glaçant de son internement sous contrainte, son troisième, suite à ses épisodes délirants de bipolarité. On a l’impression de lire d’horribles emprisonnements de personnes coupables des pires méfaitsau Moyen-Age tellement c’est dur, tellement les malades sont maltraités.
Et inutile de se rebeller car plus tu te rebelles, plus tu es mise en salle d’isolement, bouclée nuit et jour dans une pièce aveugle, lumière permanente, avec juste un matelas par terre et basta. Ne parlons pas de la contrainte physique pratiquée par les infirmiers mahousses costauds.
Les psychiatres, tu ne les rencontres jamais, ce sont eux qui viennent te visiter un beau jour avec leur cohorte d’internes et autres visiteurs de ces endroits de « soin », pas le droit non plus de révéler à ce beau monde quoi que ce soit sur les châtiments — oui ça peut être vu ainsi— que l’on t’inflige. Personne ne te considère comme quelqu’un, tu n’es jamais écoutée, on te demande juste d’être docile si tu veux être enfin autorisée à voir tes proches. Soumise, voilà ce que tu dois être, bouffant du médicament sans poser de question, sans les connaître, sans en savoir les effet. On t’annule, tout simplement.
C’est extrêmement troublant de savoir que ces comportements cruels, dignes d’un goulag, sont infligés à de pauvres internés qu’il faudrait écouter, dont il faudrait adoucir la douleur, car ils souffrent terriblement tous ces malades mentaux, avoir un peu de compassion pour eux. Mais non, ça ne vaut rien d’être humain avec eux, ce sont … quoi, des déchets de la société, des criminels, des vauriens ? Non, juste des malades soi-disant soignés dans un hôpital en 2010. De nos jours.
Terriblement bien écrit même si l’autrice s’excuse de ne pas toujours avoir les mots, effrayant…

Et c’est moi qu’on enferme de Philippa Motte, 2025 aux éditions Stock. 252 pages, 20,50 €

Texte © dominique cozette

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