Du cul ! Du cul ! Du cul ? Enfin… du Léautaud.

Léautaud qui, comme chacun sait, n’était pas le roi du glam. A soixante balais, il est abordé dans un pince-fesses par une dame qui lui demande de faire un bout de chemin. l’affaire est dans le sac mais ça ne le ravit pas. Parce qu’il a déjà une longue histoire avec « le Fléau », maîtresse plus âgée que lui plutôt jolie mais sans esprit ni coquetterie, ce qui lui fait dire qu’elle est sotte. Et puis jalouse et tyrannique alors qu’en ménage ailleurs. Deuxièmement, cette nouvelle dame, de vingt ans sa cadette, n’habite pas tout près. Il est de Fontenay les Roses, elle de Fontenay sous Bois, alors ça nous fait une trotte pour un petit coup tiré pas forcément bien, parfois pas du tout. Troisièmement, elle est moche, son visage est ingrat surtout pendant l’affaire, elle est comme un petit tonneau, sans taille ni hanches ni fesses, n’a pas un joli teint, mais il trouve sa poitrine jolie et abondante. Son sexe est petit, mal épilé, pas beau alors que celui du Fléau est généreux et charnu.
En revanche, elle est cultivée, travaille dans une librairie proche du Mercure où il se rend tous les jours, a été (est peut-être encore) la maîtresse d’hommes importants et riches, elle-même gagnant très bien sa vie. Mais, encore un mais, elle a une santé très précaire, toujours un pet de travers, des règles, des trucs quoi qui empêche son triste amant de l’enfiler (c’est comme ça qu’il appelle ça).  Elle le siffle par courrier (en 1930, on envoie des lettres un soir qui sont distribuées le lendemain matin) et il accourt bien souvent à contre-coeur parce qu’il doit s’occuper de ses chats, ou que c’est loin ou le plus souvent qu’il sent que ça ne va pas être la fête à Popaul. Lui-même est peine à jouir (alors qu’avec le Fléau !)…
Bref, on se demande pourquoi ils se forcent autant tous les deux puisqu’en exergue, on apprend qu’elle le trouve moche, que sa bouche édentée la dégoûte, que son hygiène laisse à désirer et qu’en plus, il n’est pas très gentil. Néanmoins, elle s’arrange pour lui confectionner de bons petits frichtis à rapporter chez lui — il se nourrit si mal — mais le harcèle pour qu’il mette son journal au secret dans une bibliothèque loin des indiscrets. ce qu’il ne trouve pas très pratique.
On ne sait pas comment l’histoire va se terminer puisque ça semble s’arranger. Au détriment du Fléau qui, rentrant de 5 mois de vacances, ne semble ni pressée de le voir, ni empressée sur le sexe, qu’elle est toujours aussi peu coquette et encore plus pénible qu’avant. Marie elle, devient presque jolie. En tout cas il apprécie mieux sa compagnie.
Ça s’appelle « Journal particulier », c’est écrit à part du Journal, c’est assez drôle d’une certaine façon quand on a l’esprit un peu anthropo-sociologique. Ce n’est pas du tout érotique, à mon sens, mais enfin, chacun ses goûts.

Journal particulier de Paul Léautaug, 1933, Mercure de France, 165 pages écrites gros.

Texte et dessin (qui n’a rien à voir)  © dominique cozette

Ce faucon n’est pas maltais mais super écrit. Crews, encore

Ça commence par l’emmerdement de devoir refaire une capote à une VW, avec ses capitons de plafond et ses coutures compliquées, contrairement à la capote d’américaine qui se fait les doigts dans le nez. Mais comme tous les profs de l’université voisine possèdent au moins une VW et qu’ils sont contents de te faire une fleur en te l’amenant, c’est une vraie calamité que d’être sellier dans ce garage de merde, avec cette secrétaire aux dents pourries qui ne jouit même pas quand tu l’honores, et ce patron qui se mêle de tes affaires. Tes affaires ! D’abord, y a la frangine, une nana sans histoire aux fesses ultra-plates qui s’est fait larguer par le maousse costo père de son fils, oh, un joli gars blond, fin, pas pénible,  qui ne parle que par mono-mot n’ayant aucun rapport avec le T-bone et que George essaie d’élever. Mais surtout, il y a … le faucon.
Car George n’a qu’une passion dans la vie : la fauconnerie. Il sait tout sur l’affaire, il s’est goinfré les 3000 pages écrites par le premier fanatique de cet art : l’empereur Frédéric II du Saint Empire. Le problème, c’est que le dressage — l’affaitage — est une vraie torture pour l’oiseau et  que beaucoup préfèrent mourir de faim  plutôt que de se laisser apprivoiser. Mais enfin, George tient la bonne bête, une superbe femelle sauvage avec laquelle il va rester éveillé des jours et des nuits, l’oiseau rivé à son poignet, malgré la mort de son neveu, l’enterrement avec toute la famille, les tentatives de se voir interner, et bien d’autres scènes incroyables.
Comme dans Body dont je vous ai parlé récemment, le style de Crews est nickel, le récit hyper documenté et les personnages complètement déjantés. C’est assez dur pour une personne sensible comme moi sur la question animale, mais ce n’est qu’une fiction. Me dis-je in petto, après tout.

Harry Crews. Le faucon va mourir. Nrf Gallimard série noire 1973.

Texte et dessin approximatif  © dominique cozette

« Second tour », oui, c’est fait, mais le roman éponyme est formidable !

Il s’appelle en réalité « Second tour ou les bons sentiments » et narre les retrouvailles d’une bande de cops pour les 50 ans de l’un d’eux. C’est d’abord une histoire sentimentale. Deux d’entre eux se sont loupés dans leur jeunesse, l’une était en pré-mariage avec un homme stricte et entier, l’autre ne l’a pas convaincue de rester avec lui et s’est engagé comme photographe grand reporter de guerre. Se passera-t-il un événement suffisamment fort pour qu’elle fasse fi de sa vie conjugale et vive enfin cet amour ?
Et puis il y a tous les autres, hommes plus ou moins chauves et ventripotents qui se tortillent gentiment sur la musique des Clash ou de Téléphone, femmes qui se racontent, autres qui se bourrent la gueule,  bref qui se marrent.
Et puis il y a le traitre, sorte de Besson passé à l’autre camp attiré par le pouvoir et ses avantages, qu’on invite poliment en sachant qu’il ne viendra pas. Mais si, il vient, puant d’arrogance avec ses gardes du corps et sa suffisance. Et cette impression de saleté qu’il donne à ressentir à ses anciens amis. Vont-ils faire comme si de rien n’était ou lui crier casse-toi pauv’ con ?
La scène se passe le samedi 5 mai dans la nuit. Le 6, tout va peut-être changer. Ou pas. L’auteure, Isabelle Monnin, n’est pas une pythie mais on ne peut  s’empêcher de penser que ça ne pouvait pas être autrement.

Second tour ou les bons sentiments d’Isabelle Monnin chez JC Lattès 220 pages. Imprimé développement durable en Mayenne.

Texte et dessin © dominique cozette

Lennon raconté par David « Fan »kinos

David Foenkinos, qui devient tellement populaire que c’en est gênant de dire qu’on l’aime bien quand on est snob, a écrit en 2010 Lennon, une biographie extrêmement documentée sur cet artiste qu’il idolâtre depuis son assassinat, alors qu’il n’avait pas 7 ans. Comme il le dit, Lennon était très prolixe, il adorait les interviews, se lâchait facilement. Il a tout lu, relu, entendu, réentendu. En boucle. C’est vous dire s’il était bien placé pour se mettre dans la peau de John, s’allonger sur la canapé d’un psy imaginaire et raconter en 18 séances toniques ce que fut sa vie, de très malheureuse à complètement dingue.
Parfois on y croit tellement qu’on se dit quand, même, il a la grosse tête, Lennon ! Se prendre pour un tel génie ! Et puis non, flûte, c’est un autre qui parle à sa place. Mais ça doit être vrai quelque part, tout ça. Les faits le sont. L’abandon de sa mère, de son père, le retour de son père bien plus tard, auprès des médias, pour lui pourrir la vie, le mariage calamiteux pour réparer la grossesse de Cynthia, toujours à la traîne, témoin de ses frasques les plus cruelles, la rencontre avec les autres Beatles, le rejet de certains (un batteur, un bassiste) sans égard, la rencontre lumineuse avec Paul, puis, plus tard, leur séparation, la dope, la re-dope, les souleries, les filles, toutes les filles possibles, tout y passe avec une aisance bien rythmée. Puis vient la rencontre avec Yoko, « l’homme » de sa vie, leurs déchirures, puis le bébé, Sean,  pour lequel il se met en retrait de la vie publique durant 5 ans. Alors que son premier fils, Julian, c’est à peine s’il le voyait. Et la folie que l’hyper-célébrité a engendrée, les dangers auxquels il s’expose en prenant parti, leur lutte pour la paix.
C’est vif, enlevé, découpé comme il faut. All we need is that, mayby.

Lennon, par David Foenkinos, J’ai lu 2010. 5,70 €. Achevé d’imprimer en Espagne en 2012, comme quoi on aide les pays dans la mouise.

Dessin (j’ai oublié le bras droit) © dominique cozette

MAUS, du grand Art !

Art Spiegelman, bien sûr. Qui n’a pas lu MAUS, d’Art Spiegelman, qui raconte l’histoire de son père, juif polak, et de toute sa famille presqu’entièrement exterminée dans les camps nazis ? Moi. Non, je ne l’avais pas lu. Ça me paraissait compliqué au niveau du dessin et des petites cases bourrées de texte.
Hé bien, ce n’est pas compliqué du tout. Et c’est super. Les juifs ont des têtes de souris, les nazis des têtes de chats, les Polonais goys des masques de chien, les Suédois des têtes d’élans. Histoire tragique, forcément, où les détails de la vie quotidienne dans cette foutue guerre foisonnent avec précision et cruauté ainsi que les combines pour échapper à la déportation, aux camps, à la maladie, à l’inanition puis à la mort. Quand on en réchappe, ce qui n’est pas le cas de la majorité des proches de Vladek Spiegelman.
Dieu merci pourrait-on dire, sa femme chérie survivra à l’holocauste mais leur fils adoré non. Ils feront un autre garçon, Art, qui décidera un beau jour, bien après le suicide de sa mère qui n’en pouvait plus de l’existence, de faire parler son père.
Comme l’exercice les a rapprochés, ils parlent aussi de l’époque présente, en l’occurrence les années 70 et suivantes. On zappe sur la vie maritale et on retrouve Vladek  qui, pour ne pas être seul,  a épousé une autre rescapée. Qui lui pourrit la vie. A dire vrai, c’est lui qui pourrit la vie des autres : il est d’une radinerie absolument impressionnante — une vraie caricature dit le fils — combinard à en avoir honte, chiant, pénible, pleurnichard. En plus, il se fâche avec sa femme et comme il ne peut plus vivre seul, aïe, aïe, aïe, que va-t-il se passer ?
C’est formidable, génial, grandiose, ça parle mieux que tous les documents (enfin pas tous, quand même, j’ai le souvenir de Nuit et Brouillard vu à l’âge scolaire…) et le point de vue du fils sur le père est assez étonnant malgré tout le respect qu’il lui doit. Il a eu de nombreux prix (Pulitzer notamment) et des critiques dithyrambiques. A lire absolument, donc.
Je vous en parle aussi parce que l’expo Art Spiegelman à Pompidou mérite le coup d’oeil et le coup d’oreille :  l’émouvant de l’affaire, c’est qu’on peut écouter la voix de son père sur les enregistrements qu’il a faits pour MAUS, un accent polak à couper au couteau ! mais un physique de star. Super bel homme, je comprends mieux qu’il usât parfois de son charme pour ses combines !
L’expo montre une belle somme de planches, affiches et « débris » de sa longue carrière qui a commencé à l’âge de 12 ans, en 1960, avec la publication de sa première BD. Et on y découvre sa joyeuse collaboration publicitaire avec une marque de chewing gum qui a duré 20 ans et l’a grassement nourri. On apprend (enfin, moi) qu’il est marié à une frenchie graphiste, Françoise, et toutes sortes de choses marrantes.
Avis aux radins : c’est gratuit, à la bibliothèque du centre Pompidou, entrée libre. Si vous voulez lire quelques BD de lui, un salon de lecture est installée avec de nombreuses publications en différentes langues à disposition. Cool.

MAUS d’Art Spiegelman, tome 1 Un survivant raconte : mon père saigne l’histoire – Tome 2 : Un survivant raconte : et c’est là que les ennuis ont commencé. De 1973 à 1991.  Flammarion.

Texte © dominique cozette

Body de Crews. Une belle baffe dans la gueule !

Harry Crews, je viens de faire sa connaissance. Juste après sa mort. Car Libé a publié un article (ici) extrêmement attractif sur cet écrivain sans concession. Un caractère hors norme, une enfance relou, un regard « indélébile », et, comme je l’ai constaté, une plume trempée forcément et férocement dans un venin bouillonnant. Voilà qui m’a donné envie d’entrer là-dedans. Il y en avait plusieurs à ma médiathèque. J’ai choisi Body.
Body, c’est le culte poussé à l’extrême du corps, le milieu impitoyable (pour eux-mêmes) des culturistes et body-builders. Buildeuses, plutôt, car ici, il est question du championnat du monde des musculeuses pro, celles qui passent leurs journées à lever de la fonte, à sculpter chaque muscle comme un diamant, à faire jaillir les veines sur leurs chairs bandées hors de toute raison, sans rien boire ni manger, sans vivre autre chose que souffrance inouïe et indicibles douleurs, tendues vers un seul but : remporter le Cosmos, l’ultime consécration.
Deux nanas en lice : la rude et opiniâtre Shereel Dupont (alias Dorothy Turnipseed) et la noirissime et gigantesque Marvella flanquée de ses quatre immenses petites soeurs construites comme des oeuvres de viande.
Le drôle de l’affaire, car ce bouquin est complètement déjanté, c’est que la famille plouc et tarée de Shereel débarque dans l’hôtel de luxe où se déroule l’affaire. Il y a ses frères, l’un poilu comme un monstre, l’autre hébété, sa tendre soeur de 140 kilos, belle obèse à la peau irrésistible, ses parents excentriques mais surtout son fiancé, dangereux vétéran du Viêt-nam appelé Tête de Clou, inséparable de son surin aiguisé à mort qu’il manie avec hargne envers quiconque lui déplaît.  Tout le monde quoi, dans cet univers de tantouses en collants. C’est qu’il a pris le goût du meurtre là-bas et s’agit plus de le faire chier.
A part l’ébullition créée par l’implacable rivalité entre les deux championnes, la pression infligée par leurs cruels entraîneurs et la terreur d’un pétage de plomb de la famille , le roman s’insinue dans le milieu de la torture corporelle avec un réalisme exacerbé et une densité décapante.
Si entre deux chamallows littéraires vous ne dédaignez vous désencrasser au pili-pili, allez-y, c’est du strong, du fracassant, du bouillant, du tendu à briser les nerfs.

Body de Harry Crews, 1990, traduit avec brio par Philippe Rouard, éditions Gallimard (noir).

Texte © dominique cozette. Photo internet.

Les colères de Duroy

Une autre tranche de vie de Lionel Duroy dont « le chagrin » avait bouleversé les foules ET moi-même en 2010 et qui racontait la monstrueuse comédie familiale déjà narrée en d’autres termes dans « priez pour nous » (1990, lien du blog que j’ai écrit récemment ). Je ne sais pas s’il faut en avoir lu un des deux pour apprécier ce nouvel opus, « colères », paru l’été dernier, qui décrit et  analyse le vie actuelle de sa famille recomposée en pleine décomposition. Je pense que c’est préférable.
Il est donc marié avec son deuxième amour, une femme douce et idéale de 15 ans sa cadette, rencontrée alors qu’il se faisait salement plaquer par la première, Agnès, mère de ses deux premiers enfants.
S’appliquant tous deux à recréer une « vraie » famille à l’abri de toutes les tempêtes, ils font deux filles (qui ne s’entendront jamais) et affrontent les problèmes à mesure qu’ils arrivent : la rupture cruelle du grand fils, camé, qui va faire payer lourdement à son père les blessures de son enfance, les conflits permanents entre les deux filles, leur futur départ du foyer  mais aussi (et surtout peut-être) l’impossibilité de l’homme à prouver son amour total à celle qu’il aime d’un amour fou.
Ce livre n’est pas qu’un récit, c’est une sorte d’analyse que l’auteur s’efforce de faire entre les événements présents et ceux du passé,  comme des ponts jetés entre tous les protagonistes de sa vie, l’explication presque génétique des comportements de chacun avec irrémédiable répétition  de leurs erreurs, des tares qui sautent ou pas les générations, des défauts rédhibitoires dont il se croyait protégé pour les avoir autopsiées chez d’autres,  notamment sa mère.
En somme, il pense que tout a une racine quelque part avec rejets ici et là et, impuissant à les contrôler,  il met tout en oeuvre pour tenter de comprendre pourquoi il n’arrivera jamais à rien avec ceux qu’il aime le plus.

Lionel Duroy parle de Colères face caméra : c’est émouvant.

Colères de Lionel Duroy chez Julliard, 2011. 212 pages formidables imprimées dans l’Eure.

Texte et dessin © dominique cozette

Très courtois, Nicolas Fargues !

En effet, la courtoisie qui fait partie de son titre — la ligne de courtoisie — c’est l’extrême obligeance d’un écrivain à faire court quand il n’ a rien à raconter. De faire court et stylé. L’exercice de Fargues est époustouflant. Certainement très agaçant pour d’autres qui peuvent allègrement critiquer son ampoulage et ses affèteries mais c’est drôle, tellement la caricature est forcée.
Je ne sais pas si ce bouquin est bon, je ne crois pas, franchement, mais il m’a bien distraite en ces temps où on se fout des torgnoles à travers la tronche, où on se bourre-pif de sondages croisés et où on s’injurie à longueur de chroniques, de twitts et de temps de parole.
Chez le beau Nicolas Fargues (ben oui, il est beau), on retrouve la vraie vie, c’est à dire la vie chiante et morne d’un écrivain solitaire au creux de sa vague, maniaque de la propreté, qui décide de s’installer (fuir) à Pondichéry quelques temps. Juste avant, il organise un dîner d’adieu pour ses proches qui n’en ont rien, mais rien, à foutre ! Son fils est le prototype de certains petits cons d’aujourd’hui, mou du canapé, lâche et fuyant. D’ailleurs, la lâcheté est une des seules choses transmises par le père qui ne veut jamais de vagues, qui se fait donc gentil avec tout le monde pour ne pas déplaire… Il y a la fiancée du fils, une pétasse à bustier et yorkshire, son frère — avec femme ethnique très douce —  toujours aussi critique surla vie stupide que mène le héros, alors que lui, avec son job sûr … Sa fille, bof bof etc…
Le lendemain, même punition avec son éditeur, chaleureux au temps des succès. Quant à ses parents, des petits étriqués, naturellement. Banal, certes, mais les portraits sont super léchés, jusqu’à la bave.
Parti en Inde où il affronte l’adversité d’un endroit inconnu où il se fait avoir dans les grandes largeurs, il revient en trombe pour un problème de pension alimentaire qui promet de peser lourd sur son avenir d’auteur sans idées… C’est dans un bureau de poste qu’il ose enfin se rebeller … bref espoir d’une vie peut-être meilleure.
(La ligne de courtoisie est le trait tracé sur le sol pour se tenir en retrait devant certains guichets).

La ligne de courtoisie par Nicolas Farges chez P.O.L. 2012. Imprimé en 2010 (???) dans l’Orne. 166 pages écrites gros.
Texte et dessin © dominique cozette

L’humanité disparaîtra, bon débarras !


C’est pas moi qui le dis, c’est Yves Paccalet dans un petit poche qui a obtenu le prix du pamphlet 2006 (oui, c’est déjà vieux, on n’y parle donc pas de Fukushima ou autres horreurs).
Ce monsieur, philosophe et naturaliste a partagé dès 72 l’Odyssée sous-marine de Cousteau. Question terre,  mers, peuplades, il en connaît un rayon. Pendant des décennies : espoir,  foi en l’homme, aveuglement, naïveté. Mais là, c’est trop. La coupe est pleine. Il est tellement désolé de constater les tortures que l’humanité s’inflige et qui la condamnent à court terme, tellement désespéré de lister la destruction de la nature qui signe la nôtre, qu’il a édité ce petit chef d’oeuvre d’humour noir, hélas véridique, pour stigmatiser tout, pratiquement, ce qu’on  fait de pire à la faune, la flore, et nous-mêmes.  Il fait l’inventaire de toutes les saloperies d’armes qu’on a inventées, de virus qu’on a propagés, de saletés de maladies qu’on a créées, de mille trucs qui tuent vite ou lentement, qui s’insinuent partout, qui détruisent tout.
Et pas que ça. Il fustige le succès grandissant des valeurs toxiques telles que la possession, la domination, la violence pour l’être et l’avoir, les utopies qui déraillent, les « sous-couvert » de science ou de démocratie, de bien-être et de bonheur, la course effrénée à la croissance avec l’épuisement des énergies fossiles, les voracités sur la nature, l’eau, les ressources. Et puis les intolérances de tout poil. Et encore la monstruosité de ce nombre d’habitants que la terre doit porter, qui ne cesse de croître. Bientôt 7 milliards. 8 milliards en 2025.
Comme il le dit : l’homme, animal à deux pieds sans plumes (Platon), est le cancer de la terre.
Il décrit, à la fin du livre, treize bonnes raisons de mourir : c’est pas joyeux.
Et il nous file un remède, pour que ralentisse ce gâchis : manger nos bébés. Ce qui était déjà « une modeste proposition… » de Jonathan Swift.
Pourquoi lire ça et s’infliger une telle misère, me demanderez-vous avec raison ? Pourquoi pas ? Tout est dit en concentré, c’est d’une érudition rare et sans baratin, c’est vif et acéré, c’est essoufflant, ça donne à réfléchir et ne prête pas à rire, pour paraphraser Miss Tic, ça ouvre les yeux pour mieux nous les fermer… Ça nous dit peut-être de devenir raisonnables,  d’essayer en tout cas. Ou sinon, de continuer à déconner, se gaver, s’en mettre jusque là et tant pis pour nos petits survivants qui se retrouveront un jour comme dans « la route », ce sombre roman d’errance apocalyptique… Vous ne direz pas que je ne vous ai pas prévenu(e) ?
Bon, allez, il nous reste quelques bonnes années, savourons ensemble une p’tite vodka Poutine avant que d’engloutir un sushi hallal radio-actif !

Yves Paccalet. L’humanité disparaîtra, bon débarras. 2006. Arthaud ou J’ai lu. 192 p. 4,80 €

Texte et peinture © dominique cozette.  (Vous pouvez partager, ça ne fait de mal à la planète, quoi qu’un clic, c’est beaucoup d’énergie, paraît-il)

Rupture à la gare du Nord

On sort du métro gare du Nord et on suit la masse direction grandes lignes.
Les yeux pleins de larmes, j’y fais : les gares, c’est bien l’endroit le plus triste du monde.
Lui, sans se laisser troubler : Est-ce que tu sais si, là tout de suite, on est dans un lieu RATP ou SNCF ?
Le rat ! Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? Tu crois que ça va me consoler ?
Lui, calme : Non,  mais comme ça tu sauras : Pour savoir si c’est la RATP ou la SNCF, faut regarder le sol. Noir c’est la RATP, blanc la SNCF.
Tellement foutage de gueule que j’y dis : T’façon, dès que tu seras parti, je me jette sous le train.
Il se marre : Et comment qu’tu feras, grosse bête ? faudrait déjà qu’tu coures achement vite, et avec ces godasses !
Quoi, mes godasses ? Des compensées. Hautes. Très belles. En daim fauve.
Il ajoute : tu sais combien y a de gens qui se suicident sous les trains et les tromés, par an, en France ? 400 ! Dont 10% dans la zone nord.
Avec moi, ça fera 401, j’y rétorque. Et puis je me mouche. Je suis moche, j’ai le nez rouge, les doigts gluants, je rentre dans la catégorie des femmes plaquées, ça fait redoubler mes pleurs. Et je me mets à crier de désespoir. Il me plaque la main sur la bouche, je le mords, il me traite de chienne, se barre en courant. Je cherche un flic pour porter plainte, après tout ce mec me vole mon bonheur. Mais le planton me dit : Vot’ voleur, il a agi inside ou outside ?
J’y fais mais quoi, qu’est ce que ça change ? Ça va me le faire revenir ?
Y m’dit que ça change tout : inside, c’est les flics de la gare, et y en a pas bézef, 27 plus 5 gradés, et qu’avec le nombre d’incivilités…
De quoi ?
De crachats, si vous voulez, z’ont pas de temps avec ça. Mais si c’est outside, dans la cour, faut aller au commissariat du Xème. Feriez mieux de vous calmer.
On peut même pas s’assoir, dans vot’ gare…
Normal, on veut pas que les clodos prennent souche…
Mon mec est revenu, y me dit qu’y s’est trompé d’horaire, que du coup il reprendra le même TGV mais demain et est-ce qu’il peut rester dormir « avec moi » cette nuit.
J’y fais : y a pas que des TGV, dans cette gare. Y a aussi des TER, des Corail, des Transilien, le Thalys, l’Eurostar, et les Intercités.
Y me regarde d’un drôle d’air.
J’y dis : Le bordel pour gérer une  panne sur la voie ! Parce que tu sais quoi ? Y z’ont les mêmes droits, tous ces trains vu que les voies sont à tout monde !
Et ? (qu’y m’fait, en suspension dans la voix).
Rien, juste pour que tu saches que moi aussi, je l’ai lu, ce bouquin de Joy Sorman ! Et que figure-toi qu’il n’y a que deux agents pour patrouiller dans cette immensité  ! T’imagines ? 2 pékins !
Comme il a réponse à tout : Les suppressions de poste, je suppose. Alors ? Pour ce soir ? Tu me gardes ?
Je le reluque et d’un seul coup, il me paraît moche avec ses yeux de blaireau et ses crans dans les cheveux. J’y dis : ben non, c’est plus possible, j’ai fait valider ton départ, je devrais dire ta désertion, par mes services internes qui m’ont dit OK, on supprime son poste. Et basta. Voilà, désolée. Y a plus de triple A !  Casse-toi pauv’con !
Je vais quand même pas ruiner le reste de ma belle jeunesse pour un taré qui collectionne les Pif Gadget et les CD de  Doc Gynéco !

En résidence une semaine à la gare du Nord en mai 2011, Joy Sorman nous livre quelques secrets, infos et surprises découverts dans cet immense espace qu’est la gare du Nord. Petit bouquin (80 pages) sympa et instructif. « Paris Gare du Nord par Joy Sorman, à l’arbalète gallimard, 2011. Achevé d’imprimer à Mayenne… il n’est pas dit où il a été commencé d’imprimer. Va savoir, Edgar ! (Dunord !)

Texte et tableau © dominique cozette

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