Rien à voir avec Nathalie Léger et son Barbara Loden dont je vous causais il y a peu. JAL est plutôt un drôle de zèbre au passé mal digéré, aux regrets éternels. Dans ce torrent d’amertume qu’il déverse sans pause dans cet opus de 200 pages et qui, si l’on en croit quelques prévenus, est le premier d’une série vouée à son histoire personnelle, il nous raconte dans des phrases à rallonges et des sentences à tiroirs quelques affres de son enfance où on le traitait, non pas de bouboule ou de gros, mais de « la grosse », une pilule qui reste collée dans l’oesophage. C’était dans un noble lycée où il connut également un jeune homme maltraité par ses richissimes parents banquiers qui, avant de périr dans un crash, avaient pris soin de nihiliser le pauvre enfant en l’enfermant dans un cachot, le flagellant, l »humiliant. JAL nous montre, par la vie dissolue qu’il malmène ensuite, que ce genre d’éducation ne donne rien, on s’en serait douté.
JAL a des regrets. JAL aurait dû être un artiste géantissime du microsillon puisque son album, qui existe, reçut une belle récompense gage-de-talent mais qu’un petit trou de cul de commercial (sic) de sa maison de disque jugea inepte, décida de barrer la route de la gloire en faisant revenir tous ses vinyles pour les canarder. RIP la carrière.
Il aurait pu aussi, mais rien n’est perdu, devenir un écrivain star, il en avait le talent puisque primé là-aussi, le snobisme, les relations bref, le goût et le verbe. Il a quand même commis une quarantaine de bouquins depuis. Là encore il se fait niquer par la grosse (il parle d’une éditrice en surpoids) d’une célèbre édition Grasset, mais se venge en faisant quand même son petit succès ailleurs dont on tira un filmot (petit film).
Il nous raconte alors, dans son flot délirant frisant l’écholalie tsunamique de sa pensées turgescentes — je n’exagère pas — quelques anecdotes vécues où se mêlent Françoise Sagan, Liz Taylor, David Niven Junior, Derrida etc… pas forcément pour leur plus grande gloire.
Une des clés de sa petite folie et de son style est sa bipolarité qui lui rend la vie si hargneuse.
Je vais vous dire le fond de ma pensée : ce bouquin est parfaitement illisible sauf si, comme moi, ça vous enchante d’entendre certains piliers non dénués d’humour et de tenue, bref de savoir-vivre, vous débiter leur histoire sans plan, sans queue ni tête, comme ça vient, à la va comme j’te pousse, j’dis ça j’dis rien, und so weiter. Il y exhibe sa culture italianisante en V.O. farcie de quelques dialogues en anglais,en somme, il nous prend pour ce que l’on est : un joyeux partenaire royal au bar.
Zanzaro Circus, 2012, de Jack-Alain Léger chez l’Editeur. 200 pages sans paragraphes, pratiquement.
Une interview d’Ardisson en 2006 pour un autre livre ici
Texte © dominique cozette