Léautaud qui, comme chacun sait, n’était pas le roi du glam. A soixante balais, il est abordé dans un pince-fesses par une dame qui lui demande de faire un bout de chemin. l’affaire est dans le sac mais ça ne le ravit pas. Parce qu’il a déjà une longue histoire avec « le Fléau », maîtresse plus âgée que lui plutôt jolie mais sans esprit ni coquetterie, ce qui lui fait dire qu’elle est sotte. Et puis jalouse et tyrannique alors qu’en ménage ailleurs. Deuxièmement, cette nouvelle dame, de vingt ans sa cadette, n’habite pas tout près. Il est de Fontenay les Roses, elle de Fontenay sous Bois, alors ça nous fait une trotte pour un petit coup tiré pas forcément bien, parfois pas du tout. Troisièmement, elle est moche, son visage est ingrat surtout pendant l’affaire, elle est comme un petit tonneau, sans taille ni hanches ni fesses, n’a pas un joli teint, mais il trouve sa poitrine jolie et abondante. Son sexe est petit, mal épilé, pas beau alors que celui du Fléau est généreux et charnu.
En revanche, elle est cultivée, travaille dans une librairie proche du Mercure où il se rend tous les jours, a été (est peut-être encore) la maîtresse d’hommes importants et riches, elle-même gagnant très bien sa vie. Mais, encore un mais, elle a une santé très précaire, toujours un pet de travers, des règles, des trucs quoi qui empêche son triste amant de l’enfiler (c’est comme ça qu’il appelle ça). Elle le siffle par courrier (en 1930, on envoie des lettres un soir qui sont distribuées le lendemain matin) et il accourt bien souvent à contre-coeur parce qu’il doit s’occuper de ses chats, ou que c’est loin ou le plus souvent qu’il sent que ça ne va pas être la fête à Popaul. Lui-même est peine à jouir (alors qu’avec le Fléau !)…
Bref, on se demande pourquoi ils se forcent autant tous les deux puisqu’en exergue, on apprend qu’elle le trouve moche, que sa bouche édentée la dégoûte, que son hygiène laisse à désirer et qu’en plus, il n’est pas très gentil. Néanmoins, elle s’arrange pour lui confectionner de bons petits frichtis à rapporter chez lui — il se nourrit si mal — mais le harcèle pour qu’il mette son journal au secret dans une bibliothèque loin des indiscrets. ce qu’il ne trouve pas très pratique.
On ne sait pas comment l’histoire va se terminer puisque ça semble s’arranger. Au détriment du Fléau qui, rentrant de 5 mois de vacances, ne semble ni pressée de le voir, ni empressée sur le sexe, qu’elle est toujours aussi peu coquette et encore plus pénible qu’avant. Marie elle, devient presque jolie. En tout cas il apprécie mieux sa compagnie.
Ça s’appelle « Journal particulier », c’est écrit à part du Journal, c’est assez drôle d’une certaine façon quand on a l’esprit un peu anthropo-sociologique. Ce n’est pas du tout érotique, à mon sens, mais enfin, chacun ses goûts.
Journal particulier de Paul Léautaug, 1933, Mercure de France, 165 pages écrites gros.
Texte et dessin (qui n’a rien à voir) © dominique cozette