MAUS, du grand Art !

Art Spiegelman, bien sûr. Qui n’a pas lu MAUS, d’Art Spiegelman, qui raconte l’histoire de son père, juif polak, et de toute sa famille presqu’entièrement exterminée dans les camps nazis ? Moi. Non, je ne l’avais pas lu. Ça me paraissait compliqué au niveau du dessin et des petites cases bourrées de texte.
Hé bien, ce n’est pas compliqué du tout. Et c’est super. Les juifs ont des têtes de souris, les nazis des têtes de chats, les Polonais goys des masques de chien, les Suédois des têtes d’élans. Histoire tragique, forcément, où les détails de la vie quotidienne dans cette foutue guerre foisonnent avec précision et cruauté ainsi que les combines pour échapper à la déportation, aux camps, à la maladie, à l’inanition puis à la mort. Quand on en réchappe, ce qui n’est pas le cas de la majorité des proches de Vladek Spiegelman.
Dieu merci pourrait-on dire, sa femme chérie survivra à l’holocauste mais leur fils adoré non. Ils feront un autre garçon, Art, qui décidera un beau jour, bien après le suicide de sa mère qui n’en pouvait plus de l’existence, de faire parler son père.
Comme l’exercice les a rapprochés, ils parlent aussi de l’époque présente, en l’occurrence les années 70 et suivantes. On zappe sur la vie maritale et on retrouve Vladek  qui, pour ne pas être seul,  a épousé une autre rescapée. Qui lui pourrit la vie. A dire vrai, c’est lui qui pourrit la vie des autres : il est d’une radinerie absolument impressionnante — une vraie caricature dit le fils — combinard à en avoir honte, chiant, pénible, pleurnichard. En plus, il se fâche avec sa femme et comme il ne peut plus vivre seul, aïe, aïe, aïe, que va-t-il se passer ?
C’est formidable, génial, grandiose, ça parle mieux que tous les documents (enfin pas tous, quand même, j’ai le souvenir de Nuit et Brouillard vu à l’âge scolaire…) et le point de vue du fils sur le père est assez étonnant malgré tout le respect qu’il lui doit. Il a eu de nombreux prix (Pulitzer notamment) et des critiques dithyrambiques. A lire absolument, donc.
Je vous en parle aussi parce que l’expo Art Spiegelman à Pompidou mérite le coup d’oeil et le coup d’oreille :  l’émouvant de l’affaire, c’est qu’on peut écouter la voix de son père sur les enregistrements qu’il a faits pour MAUS, un accent polak à couper au couteau ! mais un physique de star. Super bel homme, je comprends mieux qu’il usât parfois de son charme pour ses combines !
L’expo montre une belle somme de planches, affiches et « débris » de sa longue carrière qui a commencé à l’âge de 12 ans, en 1960, avec la publication de sa première BD. Et on y découvre sa joyeuse collaboration publicitaire avec une marque de chewing gum qui a duré 20 ans et l’a grassement nourri. On apprend (enfin, moi) qu’il est marié à une frenchie graphiste, Françoise, et toutes sortes de choses marrantes.
Avis aux radins : c’est gratuit, à la bibliothèque du centre Pompidou, entrée libre. Si vous voulez lire quelques BD de lui, un salon de lecture est installée avec de nombreuses publications en différentes langues à disposition. Cool.

MAUS d’Art Spiegelman, tome 1 Un survivant raconte : mon père saigne l’histoire – Tome 2 : Un survivant raconte : et c’est là que les ennuis ont commencé. De 1973 à 1991.  Flammarion.

Texte © dominique cozette

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