United colors of crime, superbe !

Richard Morgièvre est un mec que j’aime bien. Quand je publiais des livres, on était dans la même écurie. C’est un homme plein de charme, de gentillesse, d’empathie. Toutes les nanas de l’éditions — et les autres —  tombaient amoureuses de lui. Cependant, à part Un petit homme de dos, très beau livre sur son père, et quelques rares autres, ses livres me paraissaient assez hermétiques, zarbi, trash. Aujourd’hui, il reconnaît lui-même que ce n’était pas très lisible. Je pense à celui sans ponctuation  (et dont Djian va reproduire le système à la rentrée). Donc ça, l’expérimental, le torturé, le cérébral, c’est fait.
Ce qui n’était pas fait, c’était une grande fresque, comme on dit, qui nous laisse exsangues et orphelins,  une fois le dernier paragraphe avalé tout rond. Une véritable épopée que cet United colors of crime qui se déroule dans le rugueux grand ouest (ou middle) américain, enfer rugueux où les bons et les méchants se catapultent inexorablement en  d’infernales tribulations tendance sanglante.
Le héros s’appelle Chaim Chlebeck, c’est un Polak qui a volé l’identité d’un combattant mort près de lui, en 44. Se refaire une virginité, c’est partir là-bas, où l’herbe, comme le dollar, est plus verte. Petit détour par la grosse pomme, en plein coeur de la mafia dont il devient un électron. Pas pour longtemps car prendre l’oseille et se tirer, c’est garder l’épée de Damoclès au-dessus du scalp. Il se fait rattraper par des tueurs, est laissé pour mort et s’éveille sous les soins méticuleux d’une Indienne borgne et énergique mariée à un vieux type cool, ex-espion des Allemands. Il est en charpie, sa jolie gueule d’amour devient gueule de casting, il ne rêve que d’une chose : prendre l’Indienne et se tirer avec le pèze planqué, là-bas au Mexique. Mais c’est sans compter sur les aléas d’une vie pleine de trous, de trompe-la- mort, de feu et pétards en tout genre, des blessures chelou, de petits loups recueillis puis tirés comme des lapins, de contrats sur sa tête, de cow-boys qui vouent une haine puante aux blancs qui couchent avec des squaws. Et de vieilles caisses américaines pus ou moins rutilantes, explosives, décaties.
C’est sans compter surtout sans ce talent inédit de Richard Morgièvre qui nous installe devant l’écran de ce western cahotique, caillouteux, cailleratesque, karchérique, qui prend aux tripes, au coeur et au crâne. C’est comme je vous le dis ! C’est sensass, vraiment, et Dallas, l’Indienne borgne, on a envie d’être elle pour être aimée comme ça. Et réciproquement quand on est un homme, me souffle ma part masculine. Car mon cerveau respecte parfois la parité.

United of Crime de Richard Morgièvre , 2012, aux Editions Montparnasse.  320 pages joliment imprimées.

Texte © dominique cozette

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