Les artistes, ça bosse en usine à Ivry ce week-end !

Ça peaufine, ça fignole, ça vernit, ça cloue, ça nettoie, ça balaie, ça tâtonne, ça cimaise, ça découpe, ça encadre, ça ponce, ça bricole, bref ça s’installe pour être prêt ce week-end. Qui ? Tous les artistes qui exposent dans les anciennes usines d’Ivry, qui font des démonstrations, des performances, des défilés de mode, qui jouent de la musique ou des pièces… Ils sont 160 artistes ou groupes et une cinquantaine d’événements est programmée  tout au long de ces deux jours pas tristes.
Et moi, figurez-vous que j’en ai marre de ne jamais profiter des superbes expos dont tout le monde me parle parce que suis coincée dans mon atelier à vous attendre ! Eh bien cette année, je n’expose pas ! En tout cas pas mes oeuvres, mais celles très intéressantes d’une primo-exposante pleine de talent et de trac : Véronique Pettit Laforêt (site). Elle peint  des grands toiles principalement et dessine aussi beaucoup en format raisin.
Sinon, vous avez tout le programme des festivités sur le site des usines ici. Si vous voulez voir où je crèche, ça s’appelle « Raspail » et c’est l’ancienne manufacture des oeillets, dans le plus pur style US de Chicago des années 30.
C’est à deux pas du  métro Mairie d’Ivry ou du RER Ivry et puis c’est vraiment une belle balade artistique dans de splendides architectures industrielles.

Le président énervé m’a bien amusée

René et Mamaman

Il s’agit du nouveau spectacle de Jean-Michel Ribes au Rond-Point. C’est une farce musicale, sorte d’opéra-bouffe brillamment menée qui a pour nom « René l’énervé » et qui conte l’accession à la tête du pays d’un épicier sans idéologie mais avec de gros mollets, en short, et très agité à courir. Tout le monde doit courir derrière lui. Oui, la farce est comique car le texte est très drôle, suffisamment décalé pour ne pas empiéter sur nos humoristes et nous étonner sur ce que nous connaissons par coeur de cet olibrius complètement cynique à notre tête.
Mais Ségolène et Martine, alias Ginette et Gaufrette,  en prennent aussi plein la chetron, surtout la première, très bien représentée en furia illuminée et incontrôlable.
On a droit à tout ce qui nous a humiliés, indignés, interloqués, le Fouquet’s, le départ de Cécilia (Caramella), les Rolex, la flicaille, la rencontre avec la chanteuse, la visite au Vatican, le tout évidemment revisité par l’humour caustique de l’auteur. Une place a été donnée aux aventures de DSK, alias Fredrik Gengis Khan, le Grand Coiffeur International, foudroyé en plein vol. On rit au conseil des ministres avec la Ministre du Miasme Contagieux, de la Couche-Culotte et du Penalty dans la Lucarne, le Ministre de la Condamnation d’Avance, de la République sans taches et du Crochet à Viandes et bien d’autres. Hortefeux y trouve son rôle ainsi que, ainsi que, ainsi que… nous tous, les plus importants : les cons de la Nation, sans lesquels ce ridicule dirigeant en survêt’ bling-bling ne saurait exister.
L’orchestration est brillante, les musiciens sont excellents et les comédiens, tous chanteurs hyper-pro, sont sublimes. Les décors, les costumes tout ça, c’est du super boulot. Quand on pense à tout ce qui doit se passer dans les coulisses pour que les comédiens se changent aussi souvent et aussi vite, faisant croire qu’ils sont cinquante — ils sont un peu plus de vingt — ça donne le tournis !
Les premières critiques sont plutôt bonnes mais, comme moi, déplorent un peu la création d’un René bis (je l’ai zappé car il m’emmerdait) qui tentait de ramener son clone dans le droit chemin. La fin vaut ce qu’elle vaut, comme on dit chez les Frisonnes…je parle des vaches.  Enfin nous, on s’est bien  amusés !

René l’Enervé, de Jean-Michel Ribes. Théâtre du Rond-Point, salle Renaud-Barrault, 7 sept-29 oct 2011, 21 h.

Texte © dominique cozette

Quand je serai jamais grand ou le film sur l’immense Petrucciani

Il est minuscule, quand on dit 1 mètre et qu’on le voit debout, c’est plutôt 80 cm. Mais il est lourd, car il faut le porter, il ne marche pas. Il carbure, en revanche, et à tout ce qu’il ne faut pas, alcool, dopes de toutes sortes et pas la moitié d’une ligne, d’un shoot ou d’une dose, femmes. D’après elles, la nature n’a pas lésiné. Et il sait se servir de l’instrument… Il aura plusieurs épouses et des maîtresses un peu partout, qui le porteront contre leur coeur, leurs seins, ce tout petit génial bourré d’explosif.
Je ne vous raconte pas tout, il y a tellement à découvrir dans ce film de commande réalisé par Michael Radford qui ne connaissait pas Petrucciani et mal le jazz, qui donc a ratissé les archives, compilé les témoignages, monté les fabuleuses séquences musicales où l’on voit l’incomparable dextérité du pianiste que sa conformation physique permet d’atteindre — c’est expliqué — et la jouissance que provoque le fait de se produire sur d’immenses scènes de jazz comme le Village Vanguard.
Atteint de la maladie des os de verre, sa sachant condamné à une existence courte, Michel Petrucciani vivra à un rythme d’enfer difficilement supportable par les autres, se cassera fréquemment les os des doigts, des bras et des épaules pour cause de fougue mais sans jamais moufter.  Il n’arrête jamais de déconner, ne prend pas soin de lui, grille sa vie au sens propre. Il fera sa dernière bringue lors d’un nouvel an dans les bas-fonds new-yorkais où il aimait se perdre.
Un des films les plus joyeux du moment  ! Entrez dans l’univers incroyable de ce géant minuscule et génialissime qu’était Petrucciani, fabuleux pianiste, don Juan impénitent, farceur, excessif, amoureux de la vie, addict de plein de trucs, truculent, d’une vitalité explosive. A voir vraiment pour le plaisir de faire connaissance avec ce personnage extravagant !
Seul bémol : Radford aurait du prévoir de mettre les noms et qualités des intervenants en sous-titres. Beaucoup de musiciens sont vus à divers âges/occasions, des femmes, des frères, des parents, on est loin d’identifier tout le monde.
Voir la bande annonce ici.

Texte © dominique cozette

Coline Serreau, une musicienne formidable !

Si on vous dit Coline Serreau, vous pensez aussitôt trois hommes et un couffin, ce  chouette film vieux comme mes couches qui a étonnamment bien vieilli, dans le sens pas pris une ride sur le cul du bébé et qu’on peut regarder en famille recomposée sans se prendre un bide velu avec des ados aussi enclins à l’urbanité qu’un ministre de l’intérieur à la tolérance. Coline, c’est plein d’autres films d’une fraîcheur sauvage et poétique, d’un engagement joyeusement féministe et résolument écologiste. Le dernier, c’est un superbe documentaire gai, pédagogique et positif sur l’avenir de l’agriculture si chacun le désire  (solutions locales pour désordre global : à voir absolument).
Mais Coline, c’est aussi une formation musicale béton pointue, des compositions de musiques de film, de la mise en scène d’opéras, et plus précisément en ce moment, sa chorale du Delta — qu’elle anime tous les dimanches rue du Delta à Paris avec rigueur, humour et créativité —  qu’elle vient balader chaque été dans les magnifiques villages de la Drôme provençale et ses  environs de plus en plus lointains vu son succès qui y fait tache d’huile (d’olive).
Bien que composée  de choristes amateurs, cette chorale sonne très très pro. Coline mène sa quinze-vingtaine de chanteurs/teuses avec poigne et enthousiasme, racontant pour chaque courte pièce une anecdote sur son compositeur ou le sens de la chanson. La représentation est gratuite mais on peut mettre dans un chapeau ou acheter le CD de la chorale. « Mais il n’est pas terrible, nous rassure-t-elle, ce n’est pas vraiment une affaire. Sauf la fin : la fin est très belle ».
Puis on passe au sympathique buffet offert par les vignerons locaux et les généreux bénévoles et, sur fond de coucher de soleil sur les reliefs arrondis flanqués de quelques éoliennes, nous pouvons papoter avec cette femme simple, chaleureuse, joyeuse avant qu’elle retourne avec ses talentueux choristes sur les hauteurs de Dieulefit, dans sa tour de Babel en vieilles pierres où elle  les couve, les nourrit, les affine, les dorlote…
Si vous êtes dans le coin, ne vous privez pas de ce plaisir, c’est là : dates, et c’est jusque début août.

Texte © dominique cozette.

Les 3 Jeanne à Avignon, nouveau spectacle délicatement ouvragé par votre serviteuse…

 

LES 3 JEANNE.
Indignées, remontées, pathétiques, vénères, hilarantes, irrésistibles …et toujours là !

Du 8 au 31 juillet 2011, à 20.30 tous les jours
Au théâtre des Amants 1, place du Grand Paradis. 84 000 AVIGNON. 04 90 86 10 68

Pour ce spectacle inédit, les 3 Jeanne devenues 2 continuent à faire leurs choux gras de la société actuelle, entre pratiques hilarantes de nos politiciens décomplexés, ravages de la chirurgie inesthétique, mœurs sauvages de jeunes à la virilité perdue ou à la féminité exubérante, mal-être de retraités rebelles ou triomphalisme de seniors lubriques, irrésistible explosion de la bulle féministe, vision tragi-comique d’une planète saccagée… bref, les Jeanne passent à la moulinette tout ce qui prête à rire et qui donne à penser.

Avec ELIANE BOERI : Jeanne historique de l’aventure, la fondatrice des 3 Jeanne en 76, la seule toujours en piste. Les Jeanne ont été trois, deux, quatre, et jamais les mêmes. Aujourd’hui, Eliane reste une Jeanne toujours sur la brèche. Et ANNIE STONE : Chanteuse populaire dès les années 70, elle a vécu de nombreuses aventures musicales ou théâtrales et participa récemment à la triomphale tournée Age Tendre et Tête de Bois. Elle intègre le clan des Jeanne dans les années 2000.

Une pièce caustico-sarcastique, voire dérisio-humoristique de DOMINIQUE COZETTE, mise en scène par la talentueuse NOELLE BARTHELEMY, petite Jeanne devenue grande.

Si vous appréciez mon blog, si vous aimez rire de tout avec n’importe qui sauf-certains-suivez-mon-regard, vous ne devriez pas être déçu(e) par ce spectacle dont la drôlerie et l’irrévérence m’ont secouée de spasmes tellement j’adore écrire pour les 3 Jeanne qui sont à la femme moderne voire contemporaine ce que le Mont Saint-Michel à marée basse est au tourisme franco-normand, et le col abrupt de l’utérus de la parturiente à l’innocent nourrisson imminemment déplacenté, je veux dire, et je le dis :  un passage obligé.

A bientôt donc dans ce ravissant petit théâtre au coeur de la ville qui recèle tant de merveilles à voir, à boire et à manger before ou after, c’est vous qui voyez selon la propension de votre vie intestine à réclamer bruyamment son brouet, mais comme on dit à bon escient, si tu entends chanter les boyaux de ton voisin pendant la représentation c’est qu’il s’agit vraisemblablement de son mobile qu’il a oublié d’éteindre tout ému qu’il était de se trouver face à ces icônes telluriques que sont Eliane Boéri et Annie Stone dans un texte aussi solidement ficelé que le lien de Ben Laden arrimé au bloc de béton jeté avec lui dans la mer qu’on voit danser du pont d’Avignon.
Les 3 Jeanne : le site

Texte © dominique cozette

 

 

Cache pas ta joie, on te kiffe !

Je suis contente pour Maïwenn parce que j’ai adoré ses deux premiers films. Le bal des actrices, on le connaît mieux pour son incroyable casting — toutes les plus belles comédiennes et mannequins de Paris plus Joey Starr, très craquant déjà — sa belle affiche où elles étaient divinement nues, et les rôles tellement crédibles qu’on se demandait si ce film n’était pas le résultat d’un voyeurisme pervers. Mais non, c’était juste une fiction insolemment interprétée.
Le premier film de Maïwenn, c’est « pardonnez-moi », bande-annonce ici .  Elle y  joue son propre rôle, elle y joue sa vie et  demande pardon aux siens  de les faire participer à son déballage, sa catharsis.  Avec sa toute petite caméra, l’exorcisation de son enfance blessée par/dans une famille de dingues prend un relief dément. Bouleversant car brut de pomme, tragiquement cash, violent dans les sentiments et les règlements de compte. Ce film est d’ailleurs à rapprocher avec « demi-tarif » de sa soeur Isild le Besco, qui a aussi entrepris une démarche autocinématographique, avec un tout autre ressenti  sur leur enfance et leurs géniteurs.
Maïwenn a une façon de diriger ses acteurs, de construire ses récits, de provoquer notre intérêt comme rarement en France. Le bonheur et l’émotion qu’elle a éprouvés en recevant le prix du jury faisaient plaisir à voir. Elle n’est pas du genre cache-ta-joie.  Voilà. J’adore Maïwenn, je compte sur son cinéma, j’attends polisse, et tous ceux qui suivront.

Texte et dessin © dominique cozette

Montrouge, un bon but de ball-art-de !

Bon, on vous dit Montrouge, vous dites ouais, bof, et  pourquoi pas Hénin Liétard ou Monceaux les Mines. Que ne connais pas, mais c’est l’idée. Hé ben figurez-vous qu’à Montrouge, il y a un super salon, qui s’appelle le Salon de Montrouge, qui réunit le gratin des futurs grand(e)s artistes de demain. C’est gratuit, déjà, c’est pas loin du métro et du tram Porte d’Orléans, mais surtout c’est très intéressant. Il y a à voir dans tous les styles d’art contemporain actuel : installations, photo, peinture, dessin, sculpture, vidéo… Une tonne d’humour, des flots d’insolence et du talent à gogo ! Ça fait du bien, ça stimule, ça donne des idées, ça passionne les mômes — j’ai vu de très jeunes classes commenter l’expo avec des commentaires très pertinents — en plus c’est pas prout prout ma chère ni prise de tête, bon, alors voilà. Avec MAC Paris, c’est le salon à ne pas rater.
Le site c’est ici. L’oeuvre que j’ai affichée est de Sylvie Sauvageon : c’est un immense dessin en 3 lés entièrement réalisé au crayon de couleur, comme tout ce qu’elle fait. Ah non, elle travaille aussi le savon (ça, c’était à MAC Paris en novembre dernier).

Vous avez jusqu’au premier juin pour voir tout ça. La Fabrique, 51 av. Jean-Jaurès à Montrouge.

Dessin © Sylvie Sauvageon.

L’exception française, drôle d’exception…par Pierre Lamalattie

Pierre Lamalattie me plaît parce qu’il peint des gens et que ses gens me touchent. Et qu’il écrit des choses concernant ces gens, pour mieux les cerner. Et en peu de mots, il exprime une personnalité. Lui aussi écrit. Sur l’art et ce mois-ci, c’est dans Artension n°107, page 70.
Son article s’intitule « L’exception française est pavée de bonnes intentions » et en voici un un extrait, qui décrit avec talent et ironie la place de l’art contemporain (AC) dans notre beau pays légèrement … sclérosé.
 » L’art contemporain, en France, c’est d’abord un réseau d’institutions artistiques, désertes et repeintes en blanc tous les deux mois. Ce sont des catalogues de 500 pages, écrits en style néoscolastique pour un public de doctorants. C’est un académisme qui, pour l’essentiel, s’est perdu dans un exercice de style, sans objet et sans public.
Quelques tentatives ont lieu, ça et là, pour trouver des visiteurs, par exemple, en exposant l’AC dans un lieu touristique et en privilégiant des productions distrayantes, ayant valeur d‘animations. Les farces géantes organisées à Versailles, en sont un exemple. Cependant, quand on sort de l’hexagone, on est surpris de voir des expositions beaucoup plus éclectiques, ouvertes et intéressantes. »
Le suite dans cet excellent magazine dont le thème principal est justement… l’exception culturelle.

Pour moi, l’exception culturelle, c’est ce grand benêt qu’est devenu Mitterrand Frédéric, qu’on voit ici et là, lèvres ballantes, à rigoler en sortant de l’Elysée, à bayer aux corneilles durant la cérémonie des César, à parader devant le Palais des Festivals cette semaine. Et à inscrire une pratique barbare au Patrimoine Immatériel de l’Humanité. Qu’a t-il dit ou fait de remarquable depuis que Sarkozy s’est emparé de lui ? Si vous en savez plus, faites-le moi savoir…

Peinture © Pierre Lamalattie. (désolée pour cette mauvaise déf). Son site ici

Semianyki au Rond-Point. Hilarons, hilarons !

C’est forcément suspect, l’unanimité. Passe encore qu’un spectacle de clowns, emballés par six comédiens russes, puisse ravir dans un somptueux consensus la fameuse tranche des 7 à 77 ans. Plus étrange, que toute la presse française sans exception (et en matière culturelle, cela relève du tour de magie) s’esclaffe d’éloges devant les grandes et petites misères d’une famille russe ballottée entre un père alcoolique, une mère poule enceinte jusqu’aux dents et une bande d’affreux marmots bien décidés à faire régner sa loi.

Mais là où le cas Semianyki («famille», en russe) devient réellement troublant, c’est qu’après six ans de tournée mondiale, on n’a pas encore répertorié un bout de planète qui ait eu envie de résister à cette douce folie. Partout, c’est un immense succès. Sauf peut-être en Russie. La programmation du spectacle pendant un mois à Moscou, n’a jamais fait le plein. «Mais on était en pleine crise H1N1», rigole Alexander Gusarov, un des membres de la troupe (lire page suivante). Les voilà donc, qui reviennent à Paris au théâtre du Rond-Point pour deux mois (après un premier passage en 2007), avant de repartir sur les routes d’Amérique latine.

«Papier toilette». Tout a vraiment décollé à Avignon, à l’été 2005. Deux ans auparavant, Olga Eliseeva (la mère), Alexander Gusarov (le père), Marina Makhaeva (la fille aînée), Kasyan Ryvkin (le fils), Yulia Sergeeva (la cadette), et Elena Sadkova (le bébé) sortent de leur promotion de l’école de clown et de mime du Licedei, à Saint-Pétersbourg, avec une création. Avant de devenir un nom de troupe, Semianyki est donc une ébauche de spectacle, où une famille russe de clowns se débat dans une mélancolie alcoolisée réjouissante. Où les quatre sales gosses, embrigadés par un aîné (armé d’une scie en plastique et toujours prêt à découper en morceau père et mère), élaborent jour et nuit des stratagèmes aussi cruels que drolatiques pour dire leur amour-haine à des parents passablement dépassés par la situation. Chacun y a mis ses souvenirs personnels. Elena, le bébé, se rappelle, enfant, avoir attendu très souvent dans la nuit avec sa lampe de poche que son père rentre, bourré, de l’usine. Alexander Gusarov se souvient du mal de dos de sa maman qui l’obligeait à se tenir droite comme un piquet. Et Kasyan Ryvkin, élevé dans une famille mélomane, a longtemps rêvé de devenir chef d’orchestre. Tout cela est pour de vrai dans leur spectacle. Remouliné à la mode clownesque.

Trois jours après le début du Festival d’Avignon, la rumeur s’est propagée comme une traînée de poudre : «Des clowns russes sont en train d’enrober de papier toilette les spectateurs du théâtre du Chêne noir.» C’était suffisamment intrigant pour aller voir de ses propres yeux. Ils ont fait complet pendant un mois. «Un souvenir fantastique, se rappelle Alexander Gusarov. Pour nous, c’était notre première vraie tournée hors de Russie, et on ne savait pas du tout comment allait réagir le public français.»

Six ans et plus de 800 représentations plus tard, les Semianyki ont posé leurs vieilles valises déglinguées partout dans le monde sauf en Afrique, en Islande et en Australie. Chapeautée par Boris Petrushansky, scénographe et ancien directeur du Licedei, la troupe (six comédiens et six techniciens) s’invente un mode de vie semi-collectif : des décisions à l’unanimité, mais pas de salaire unique et à chacun ses droits d’auteur (en fonction de sa contribution au spectacle). Avec le succès (et l’argent qui rentre), ils ont pris leur distance avec l’historique Licedei qui les a biberonnés, pour investir un nouveau lieu, toujours à Saint-Pétersbourg, le Chaplin Hall. Comme pour tourner une page.

Gros nichons. Si le spectacle n’a pas beaucoup bougé, il a confirmé une promesse : l’immense talent d’Olga Eliseeva, la mère, qui tient à elle seule la baraque, avec son ventre de femme enceinte et ses gros nichons qui font «pouet pouet» quand on les presse. Sans mots, elle sait tout faire, tout dire. En deux temps, trois mouvements, elle est grotesque, lascive et maternelle. Chatte et tigresse, comique et émouvante dans le même battement de cils. Dès qu’elle entre sur scène (très souvent), le spectacle bascule dans une irrésistible folie poétique et mélancolique. Avec Olga Eliseeva, les Semianyki ont, a priori, le carburant pour durer encore longtemps. Ils assurent qu’ils reviendront à Avignon avec une nouvelle création, peut-être dès l’an prochain. «On est comme les éléphants, on a une gestation un peu lente», rigole Kasyan Ryvkin. Ils envisagent d’accueillir un nouveau clown russe rencontré en Israël. Et promettent que «tout sera nouveau». Et que la famille sera, elle, «mise au placard»

©  Grégoire Biseau pour Libération / Dessin © dominique cozette

Semianyki Théâtre du Rond-Point, 2 bis, av. Franklin-Roosevelt, 75008. 20 h 30, dim 15 h. Jusqu’au 2 juillet.

Le dernier salon ou l’on … clamse !

Ursin et Boistine

Officiel : le premier Salon de la Mort a ouvert ses portes hier au Carrousel du Louvre et j’en étais. Dame, ça nous concerne tous. On y passera tous. Mais curieusement, les visiteurs regardaient tout ça d’un air beaucoup plus détaché qu’au Salon des Rillettes  et du Pied de Cochon Réunis. C’est que ma foi, on a peine à s’y voir. Pourquoi je parle comme une vieille catho, là ?
Salon immense pas très gai, non par le sujet mais par la froideur des stands et de l’éclairage mais assez amusant à découvrir quand on a l’esprit un peu morbide. Outre les sociétés ordinaires de pompes, les Notaires et autres animateurs liés à la Grande Faucheuse, il y a des stands assez sympas comme celui du maquillage post-mortem qui nous ramène à six feet under, ceux dédiés à la mémoire du défunt : film de sa vie, livre de sa vie…On peut aussi, ante-mortem, y déposer la nôtre, de mémoire, qui restera ainsi éternellement dans notre famille.
On peut se faire faire son crâne en résine afin de déclamer la vanité connue : to be or not to be, il faut déposer sa tête dans un scanner et ça coûte 5000 euros. Beau cadeau pour un pot de retraite.
Il y a aussi des urnes funéraires très kitch, d’écologiques cercueils en carton imprimés de ce qu’on veut (champ de coquelicot, rayures bayadères…) et on peut y assister à toutes sortes de conférences allant sur le  don d’organe, l’euthanasie, les religions et la mort etc…
Et surtout, il y a de très belles expos liées à ce thème délicat comme celles de JP Witkin, Sophie Zénon et Boistine & Ursin, deux artistes de la mort qui font un travail joyeux et mordant appelé « tout doit disparaître ». (Photo)
Salon de la Mort jusqu’au 11 avril 2011 au carrousel du Louvre. Le site ici.

Texte © dominiquecozette

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