Le bref mariage de Cunégonde Lingus.

La belle Cunny

Cunégonde Lingus, que sa mère a toujours surnommée Cunny, arrive en France à l’âge de 18 ans. Elle parle un français de cuisine qui lui permet de se faire des amies. Très vite elle comprend que de se décliner sous l’appellation de Cunny Lingus a quelque chose d’explosif. Elle s’en ouvre à sa mère qui, ne connaissant pas la pratique en question, lui raccroche au nez. Puis, s’étant elle-même renseignée sur son Internet local (les nanas de son village qui piapiatent au troquet), elle la rappelle pour lui conseiller de se marier au plus vite. Hé bien figurez-vous que c’est ce qu’elle a fait : elle a trouvé dans le RER un grand gars d’Ozoir-la-Ferrière qui s’appelle Baptiste Moudu. Elle s’appellera donc Cunny Moudu, ce qui est presque tout à fait acceptable. Et bien que Baptiste Moudu ait clamsé lors de la fête du mariage car son témoin, voulant jouer à Guillaume Tell (voire à William Burroughs mais ce nom ne lui aurait rien dit)  lui a explosé la tête. Cunny, vierge et veuve, ne fera pas annuler son mariage et pourra mener la vie normale d’une jeune fille d’aujourd’hui sans qu’on pense à mal lorsqu’elle déclinera son nom. A moins qu’on ait l’esprit vraiment mal tourné.

Texte et dessin © dominiquecozette

Nobama

femmerose
US stay home

Elle n’a plus rien de Tennessee. Elle déteste tout ce que les Amerlock déversent sur la planète car elle trouve cela préjudiciable à la santé mentale et physique des terriens. Elle ne mange jamais dans un fast food, ne va pas dans les Starbuck, évite de porter des Nike ou des tee-shirts American Apparel. Elle ne voit que de rares films de ce pays, uniquement des indépendants qui critiquent le système. Elle n’écoute plus une seule musique US et a troqué son Mac contre un PC. Elle est incapable de citer un artiste, un écrivain, un musicien apparu ces dernières années sur la scène américaine. Elle a laissé son travail (qu’elle n’appelle pas son job) dans une grosse boîte internationale managée par des  WASP pour une entreprise chinoise. C’est pas qu’elle préfère les Chinois mais, après plusieurs essais, elle a constaté qu’il est impossible de boycotter les produits de première, seconde et troisième nécessité qui n’auraient pas un chouïa transité par l’Extrême-Orient. Elle n’est pas très logique, notre chère Allyson, mais c’est une femme, que voulez-vous. Ah oui, en plus, elle s’appelle Allyson. Et déteste qu’on l’appelle Ali, trop typé. C’est une femme que je ne conseille à aucun homme.

texte et dessin © dominiquecozette

Madame chapelure

des centaines de castings
Des centaines de castings

Gertrude bout !  Elle a enfin  obtenu un rôle dans une pub, un 20″ réalisé par son beau-père (un ex ex ex de sa mère) ! Après avoir passé des centaines de castings depuis toute petite !  Blédina, Pampers, Evian, P’tit Ecolier, Chavroux, La Sécurité Routière, MMA, Petit Bateau, Clearasyl, la Collective de la banane, le Sida, des tas de produits laitiers, cuisinés, sucrés, congelés… Elle a tout fait. Jamais prise. Statistiquement inexplicable. Même pas en silhouette ou en sécu de second rôle. Elle est connue de tous les casteurs et casteuses. Te v’là encore ? T’a d’la constance ! Tiens, ça f’sait longtemps ! Etc, tant d’humiliation. Et puis voilà que brusquement, alors qu’elle n’avait même plus l’ombre de l’écaille de la queue d’un espoir avorté, on la retient. Puis on la prend. Puis on lui donne sa feuille de route. Puis on l’habille, on la maquille, on la coache et on la met devant la camera. Puis on la monte, enfin pas elle mais le 20″, puis on la programme, puis on la voit à la télé ! Horreur-malheur ! Il est nul !  Crache-t-elle à ceux qui l’ont vu. D’ailleurs, si elle pouvait l’interdire, ce spot. Parce que ça commence à terriblement la chauffer qu’on l’appelle Madame Chapelure ! Comment oser espérer mettre un bout d’ongle de doigt de pied french-manucuré  dans du L’Oréal quand on s’appelle madame Chapelure. Dément ! Madame Chapelure ! C’est dingue ça !

Texte et dessin © dominiquecozette

Femme à quête

serepro
Mythique

Femme universelle cherche homme unique afin d’accéder ensemble au Grand Tout Cosmique. Pur Esprit, pure mentalité, purs sentiments mais chair très faible. Noblesse de coeur, richesse d’âme, mais déficits chroniques dans comptabilité matérielle. Accommodante et maîtresse-queux, d’une fidélité exemplaire à son Grand Principe de Base : n’être fidèle en rien. D’une culture polymorphe et d’une humanité insondable, formée à résister aux estocs tragiques du conjugo, très « entêtue » dans ma quête de l’imparfait amour qui ne dure que toujours, bref Femme Idéale non vénale mais veinarde de vous rencontrer au plus vite, âme-frère, car le temps se refusera un jour à jouer en ma faveur. Vite, Homme !

Texte et dessin © dominiquecozette

Retouche-moi

Ronde et gironde
Ronde et gironde

Thelma* a demandé au dessinateur de la retoucher car elle se trouve trop grosse. Et puis aussi de la rendre moins visible à l’image, elle n’aimerait pas s’y reconnaître, et puis aussi de ne pas inscrire son nom, des Thelma il n’y en a pas tant que ça. Le dessinateur, comme tous les dessinateurs, a au contraire un peu forcé le trait. Il adore les formes voluptueuses. D’abord, c’est plus facile à rendre, ensuite ça plaît plus. Il vend ses dessins au Grand Marché de L’Art de Guéméné lors de la fête de l’andouille, et il a constaté, bien qu’il le sût déjà,  que les femmes les plus rondes étaient les plus girondes. Celles qui se vendaient de suite sans discussion. Qui partaient sans même se retourner pour aller s’accrocher dans des salons tristouilles et verdâtres alors que lui restaient sur les bras les ingrates représentations d’hommes maigrelets et moustachus et de femmes aux fesses plates et au cheveu triste.
* Le prénom a été changé.

Texte et dessin © dominiquecozette

Se reproduire

fverte
Disparaître juste après

Femme 35 ans, cherche homme 30-54 ans physique avantageux, généreux,  sachant manier Maserati et aspirateur, préparer sushi et rôti de porc aux pruneaux, pouvant porter lourdes charges, pratiquant self defense et piano classique, très bon amant, sentimental et érudit. Cet homme n’existant pas, je cherche son contraire, un type comme on en voit tous les jours dans la rue, normal, ordinaire, capable de vite faire enfant pas trop moche et de disparaître juste après. Aucun mal ne lui sera fait, aucune poursuite ni procédure ne seront entreprises. Homme marié ou ecclésiaste bienvenu.

Texte et dessin © dominiquecozette

Vendanges tardives

Tout est toujours écrit
Tout est toujours écrit

Mylène reconnaît Mikaël à la station de taxi de la porte Maillot. Il est toujours aussi bel homme. Elle l’aborde. Il s’illumine. Mais elle n’a pas de temps pour prendre un verre avec lui. Elle lui donne son numéro de portable. Leur grande histoire date d’il y a vingt ans, ils étaient fous amoureux, il était marié, le bi-bop n’existait pas. Il ne pouvait pas quitter sa femme, elle ne voulait pas de cette souffrance. Puis il est parti pour affaires à Hong-Kong. Revenu à Paris depuis la mort de sa femme, il a beaucoup fantasmé sur une reprise de leur relation sans oser faire le premier pas. Aussi rayonne-t-il face à cette perspective. Mais au cours d’un déjeuner de retrouvailles, Mylène lui parle d’un certain Francis avec qui la vie est douce. Mikaël ravale ses rêves et passe à autre chose. Six mois plus tard, ayant rompu avec Francis, Mylène appelle Mikaël pour dîner avec lui. Mais il lui apprend qu’il a quelqu’un, qu’il n’est pas libre le soir. En revanche, l’après-midi… Voilà comment Mylène se retrouve la maîtresse du même homme, sans nuit, sans week-end et sans vacances avec lui. Comme dit son psy : Toute histoire est inscrite dans son début.
Texte et dessin © dominiquecozette

Caritativ’strip®

Zéro défaut

C’est comme les laissés pour compte de leur grosse boîte en faillite qui font un calendrier avec eux à poil pour attirer l’attention. Elle, c’est pour aider des gens pauvres de son quartier. Elle a organisé un caritativ’strip® en rameutant les meufs pas trop bégueules mais pas moches non plus, elle s’est fait prêter une sorte de salle des fêtes et a distribué ses flyers. L’idée, c’est de se foutre à poil et d’attendre que quelqu’un donne un billet. Alors, on montre son premier défaut plastique et on enchaîne. Sauf qu’il n’y avait que des voyeurs fauchés, des obsédés voraces, des pervers pépères, des p’tites cailleras. La sono (bien grand mot) n’a pas marché, le projo a pété, les types l’ont matée d’une façon malsaine, pour tout dire concupiscente. Les autres nanas qui attendaient leur tour se sont vite rhabillées. A la fin, quand elle est sortie en larmes de la « scène », elle s’est réveillée, il faisait gris, le bruit du balai de plastique emplissait la rue, la radio de la vieille folle hurlait derrière la cloison, son jules cuvait sur le canapé devant la télé allumée, son piercing suintait encore un peu, et son nouveau vernis de chez Deborrah l’attendait sur le lavabo. Elle a aimé cette pure ambiance

Texte et dessin © dominiquecozette

Oral sex

Ma langue maternelle
Ma langue maternelle

« Bonjour, docteur, voilà, je viens vous voir parce que je voudrais savoir ce que vous pourriez faire pour moi. Ma pathologie est gênante : j’ai une langue de bois. C’est pas que ça me dérange dans mon métier, vous pensez ! Je suis dans un métier de représentation, voyez, non, vous ne voyez pas ? Je suis député, enfin presque et c’est vrai que je n’ai aucun mal oralement. Le problème, c’est dans mes relations privées, voyez-vous, non, vous ne voyez pas ? Avec toutes ces femmes qui m’entourent,  auxquelles j’accorderais volontiers quelques privautés si cette fichue langue voulait se faire de velours, vous voyez, non, vous ne voyez pas ? Ah, vous ne voyez rien du tout ? Ah, vous n’êtes pas le docteur ? Ah, vous attendez l’ophtalmo ! Ah … voilà, voilà, voilà… Vous n’auriez pas une idée pour ma langue, des fois ? Parce que comme on dit : c’est ceux qui voient mal qui le font mieux… Non, on ne dit pas ça ? Aïe, je me suis mordu la langue ! Je ne vois pas que ça a de drôle. Au plaisir monsieur, et joyeux glaucome ! »

Texte et dessin © dominiquecozette

Hors sujet

Réduire son empreinte ?

Edmond n’a pas d’enfant. Du moins d’enfant avec lequel être attentionné. Les dernières nouvelles de son fils Pablo date d’une dizaine de mois et concernent son incarcération à vie pour viols et tortures multiples sur diverses « espèces vivantes ». Donc Edmond n’a aucune raison de se soucier de l’avenir de la planète. mettez-vous à sa place : son futur concerne à tout casser les 40 prochaines années, qu’est-ce qu’il va se faire chier à réduire la durée de ses douches, se priver de sa grosse vieille Américaine super toxique, éteindre au lieu de laisser sur veille, acheter les produits verts qui de toute façon sont moches, chers et moyennement verts à fabriquer ou à éliminer, trier ses saletés, renoncer à voyager loin ! Non, bien sûr, il va pas se faire chier, mais ce qui le fait chier, c’est que sa bad attitude ne fait pratiquement pas de différence avec ceux qui bossent à réduire leur empreinte. C’est pas qu’il est parano mais il y a de quoi se demander qui c’est qui se fout de la gueule du monde, merde quoi. Et le voilà qui se rebelle, qui devient grossier et hors sujet.  Par exemple, aujourd’hui, en pleine pandémie, il a glavioté. Demain, il pissera sans soulever la lunette, après-demain il laissera tourner le moteur en allant chercher son pressing. Edmond est un gros et sale con mais nous, on s’en fout car il habite Lima, Equateur, là où tout pourrit.

Dessin et texte © dominiquecozette

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