Cellule de crise

ll habite Neuilly, il se croit le plus sexy de l’ouest parisien, son père est une figure (je n’invente rien, il a une tête de noeud), il est pété de tunes mais rapia, bon, je m’y suis fait, faut dire que les vacances avec lui, dans les différentes baraques que « possède » son « clan », c’est grave top, genre l’hiver à Gstaad, l’été dans les Keys, bon cherchez pas, toute façon, les Keys, c’est fini pour moi, vous avez du lire ça dans votre magazine favori où ces connards ont choisi une horrible photo de moi où j’avais l’air d’un thon, j’ai posé une plainte mais je ne suis pas sûre d’aboutir, alors comme ça fait des rebondissement et que moi j’ai pas des parrains magnats de la presse, ils impriment sa version à lui, comme quoi je suis alcoolique et dopée, genre Paris Hilton ou Britney Spears et qu’il m’a fait envoyer une cellule de crise pour moi toute seule. Quel nase ! Mais comment… mais comment j’ai pu ? Ah oui, je me rappelle, je trouvais très chic de sortir avec un mec de l’UMP. L’UMP, vous savez, l’Union des Mecs Pourris ! Vraiment pourri, ce connard, même pas un cadeau de rupture, un souvenir quoi, pour accrocher sur mon tableau de liège dans ma chambre, à côté de la clé USB de Steph, du badge ENSAED de Chris, du ticket de ciné Buffalo 66 de Dave, d’un gribouillis de Ron, d’une carte postale de Rimini de Gian Carlo, d’une cravate d’Edouard, d’une photo de Blick avec nous deux se roulant une pelle, d’une carte PIN de Diego, d’un trèfle à ex-quatre feuilles de Morgan, d’un chewing gum de Didi et d’un bout de papier avec l’e-mail de Kurt. Rien. Bon, allez, ouvrons un nouveau doss sur Meetic !

Texte © dominiquecozette
Peinture © dominiquecozette pour l’expo les 111 des Arts à Lyon du 10 au 22 novembre

Big & fat

A défaut d’avoir arrêté le saucisson, j’avais arrêté les miroirs chez moi, les avais recouverts de belles étoffes glanées dans des boutiques à Barbès, cessé de me peser, recommencé à porter des vêtements fluides et décidé que ce que j’avais dans la tête était plus important que mon enveloppe charnelle. Qu’importe le flacon, me persuadais-je en enfournant une tartine de rillettes bio accompagnée d’un petit Côtes affriolant, puis d’un deuxième non moins gouleyant et enfin d’un dernier non pour la route, mais parce que Jonas, le tenancier d’estaminet me l’offrait gentiment et que ça n’arrivait pas si souvent. Je ne dirais pas que Jonas était un Auvergnat (je ne veux rien avoir en commun avec le rouquin de l’Intérieur) mais ça lui arrachait la main de remplir le verre selon la dose en vigueur chez tous les cafetiers de profession.

Et voilà qu’en sortant de la douche de mon nouvel amoureux, je vis une grosse nana arriver vers moi les yeux froncés. J’allais monter sur mes grands chevaux et lui demander de quel droit elle foulait le carrelage de la salle de bain de … Jonas (on ne peut rien vous cacher) quand je me cognais à moi-même sur le miroir légèrement embué. Cette grosse nana, ainsi c’était moi ! Je ne pouvais y croire. Je fis venir Jonas et comparai son corps réel avec l’image réfléchie. C’était bien le même, le miroir n’était pas déformant comme j’aurais pu l’espérer. Le sot n’ayant aucune conscience de ce qui peut froisser les femmes délicates, attrapa mes deux gros bourrelets ventraux et, les malaxant comme de la pâte à pizza, me complimenta sur mes belles formes qui lui rappelaient les splendides princesses des contes de son enfance qui ne se déroulaient pas sur le plateau de Millevaches mais plutôt du côté d’Ispahan. Comme il était l’heure de retourner au boulot, je lui demandai de relever le rideau de fer, mais discrètement car ma boutique est juste en face de son boui-boui et je ne tenais pas à ce que ma patronne me vît sortir à quatre pattes de chez Jonas. Ma patronne, c’est l’esthéticienne typique, maigre, tirée à quatre épingles, sans un poil qui dépasse ni un gramme de trop. Elle est positionnée comme la spécialiste de l’amaigrissement définitif. Alors avec mon sur-poids, c’est évident que je l’agace et qu’elle va me foutre dehors un de ces quatre pour sabotage professionnel intempestif. C’est tellement petit…

Texte © dominiquecozette
Peinture © dominiquecozette pour l’expo les 111 des Arts à Lyon du 10 au 22 novembre

Marie niet

Il a écrit une belle chanson pour elle et l’a enregistrée dans son home studio mais elle est allée écouter Cali à la Cigale. Une autre fois,  il lui a apporté des rognons de veau cuisinés avec amour et moutarde de Meaux mais elle était invitée à manger des fruits de mer chez Lipp. Puis il lui a acheté un superbe scooter rose car elle rêvait de ça mais c’est tout juste si elle l’a pas écrasé avec sa Cayenne black toute neuve. Alors il l’appelle pour lui proposer carrément de coucher avec lui mais elle est furieuse car elle est juste en train de niquer avec un bourrin. Alors il décide de la buter mais le temps qu’il se procure un pétard du côté de la gare du Nord, la grippe A a raison d’elle. Il en est malade, il va au crematorium du père Lachaise pour faire son deuil mais elle s’est réincarnée en une autre salope, la même en brune, qui éclate de rire en se foutant de sa gueule. Il aura eu l’air con jusqu’au bout !

Texte © dominiquecozette d’après Marinette (j’avais l’air d’un con, ma mère) de Georges Brassens.
Dessin © dominiquecozette

Le prénom a été changé

Angélique* est née dans une famille nantie et joyeuse, sa mère ayant préféré la concevoir avec un beau musicien brésilien qu’avec son mari qui n’en tire aucune amertume. Enfance dorée, adolescence dorée, jeunesse dorée. Amants multiples, beaux et célèbres, carrière éblouissante dans le milieu du luxe et du show business. Un enfant superbe d’un homme époustouflant de beauté et d’intelligence. Lorsqu’elle regarde autour d’elle, Angélique ne voit que de merveilleux nuages.  Elle est la plus glamour de toutes les glamours, elle a de merveilleux amis dans le monde des arts, des lettres, de la politique, des avionneurs, de la gastronomie, de la médecine, des affaires, de la presse, de la joaillerie, de la banque, de la haute-couture, de l’architecture, des médias, des finances etc,  et ses parents font de leur retraite une oeuvre d’art. Son mari, le petit Président d’une république bananière  semble désormais amoureux d’elle et elle-même s’est habituée à son physique ingrat et à ses manières rustaudes. En somme, elle n’a qu’à claquer des doigts pour que tous ses souhaits se réalisent. Alors, pourquoi son psy depuis dix ans ne lui dit-il pas que la cure est finie ? Pourquoi ne se résout-elle pas à lui dire : ayé, t’auras plus ma thune ? Pourquoi a -t- elle si peur d’avoir peur alors qu’elle est avec le mec qui peut tout  ? Hein ? Y a forcément un bât qui blesse dans cette affaire ! C’est là que ses amies (qui ne valent pas un pet de nonne) se rengorgent  : Ha, tu vois, elle aussi ! se disent-elles pour se consoler de la relative médiocrité de leur vie de femmes de député, d’affairiste, de trader, de bassiste, de chirurgien plastoc et de réalisateur. ATTENTION ! FIN ABRUPTE ! Quand elles ne sont pas tout simplement plaquées par les susdits.
* Le prénom a été changé.

Texte et dessin © dominiquecozette

m’aigrir

L'ombre de moi-même

Donc je rentre en salle d’op, on me dit à demain, vous verrez, vous ne vous reconnaîtrez pas. Et c’est incroyable, je ne me suis pas reconnue. On m’a enlevé 50 kg de graisse, et vous savez comme la graisse, c’est léger ! 50 kg, ça en fait de la graisse ! Ils font ça en 3 heures dans la machine à dégraisser, on te pique partout comme un gigot, on te cuit au micro-ondes, ce genre, et toute la graisse fondue sort des petits trous. Après, on te met dans la machine à retendre, c’est un truc très froid qui tend les tissus puis grâce à un procédé secret, ça reste tendu quand on te remet à 37°. Et puis faut que tout le zinzin interne se remette en route car ils avaient dérivé le circuit. Et voilà. Seulement, un hic : personne ne m’a reconnue. De retour au boulot, on m’a regardée comme un merlan frit quand j’ai repris mon poste, mes potes n’arrivaient plus à se concentrer sur moi, les autres personnes, comme le cafetier, la boulangère etc ont fait comme avec un étranger. Il a fallu que je me retende mon tissu social et ce n’est pas facile. Et surtout, j’en ai beaucoup entendu sur moi-même. Comme j’ai la même voix que moi, les gens me parlaient de moi mais fallait voir comment : la grosse truie, la baleine, la pôtate etc tout en m’assurant que je ressemblais, mais en tellement mieux, à cette personne. Sale histoire quand même et si c’était à refaire,  j’arrêterais de me gaver de ces saloperies que nous vantent la pub, avec laquelle je gagne ma thune d’ailleurs, entre parenthèse, il n’y a pas de quoi se vanter. (J’aime pas trop la chute de l’histoire, vous conviendrez que ça n’apporte rien au récit). (J’aurais du tourner ça de façon plus philosophique). (Je me demande si c’est pas un peu convenu, tout ça)… (je mets des points de suspicion pour insinuer que tout peut arriver) … (Et rebelote)

Texte  et dessin © dominiquecozette

Incognita

Pas le portrait de ma nana
Ceci n'est pas ma nana

Ça, c’est deux dessins que j’ai faits de ma nana, hier soir, avec peu de lumière, parce qu’elle n’aime pas rester nue devant moi. Pourtant bon, le reste du temps, enfin bref… C’est le fait de poser en pensant que je l’examine sous toutes les coutures qui  l’insupporte. Donc, peu de lumière. En plus, elle a honte à l’idée que quelqu’un de notre entourage, ou de son boulot, ou de sa future carrière, pourrait la reconnaître. Elle m’a donc supplié de ne pas la reproduire telle qu’elle est. J’ai du changer son corps, dommage car en vrai elle a une taille très fine et des formes généreuses. Il a fallu que je gomme tout ça.  J’ai changé aussi les cheveux, elle les a différents, je ne peux pas vous dire comment sinon elle va criser. En dernier ressort, elle m’a demandé de la passer sur photoshop, de retirer le grain de beauté, de la passer en négatif et de ne pas trop contraster. Bon. Si je marque  Mauricette sous l’image, ça ne vous dira rien car le prénom a été changé, forcément. Moi-même, je ne vous dis pas qui je suis, d’ailleurs je ne vais plus jamais la dessiner et puis pour finir, je vais la quitter et trouver un vrai modèle. Je suis peintre, fauché, et je me demande ce que je fous avec une femme que j’aime, c’est clair, mais qui met des bâtons dans les roues de mon art. Voilà.

Texte et dessin © dominiquecozette

photobeurkite

Aucune photo d'elle

Plus beau bébé du monde, puis plus belle petite fille de toute l’école, Héloïse  est aujourd’hui à tomber. Une beauté incandescente, un regard insoutenable, une attractivité hors du commun, hommes / femmes/ enfants. Un problème ? Oui, bien sûr. THE problem : en arrêt sur image, en photo quoi, elle est d’une rare laideur. Repoussante. Nul ne peut l’expliquer. Combien pourtant ont tenté LA photo où elle serait enfin elle-même. Balpeau. Amateurs, professionnels,  Harcourt, elle-même, tous ont échoué. Sur chaque photo : hideuse. Ça semble idiot, comme ça, mais imaginez la vie de cette pauvre Héloïse que tout le monde veut immortaliser, obligée de se cacher des objectifs, des téléphones portables, de se porter pâle dans les fêtes et les mariages sous peine de laisser d’horribles souvenirs ! Pour ses papiers, on a toujours fait faire son portrait par un hyperréaliste, sinon, elle ne passait pas les douanes. Et voilà qu’un jour, elle entendit parler de son négatif, un homme d’une laideur accablante mais d’une beauté hors norme sur chaque cliché. Vie cauchemardesque itou, pour la raison inverse. Ils se trouvèrent, se firent tirer le portrait, lui de face, elle de dos contre lui  et décidèrent d’unir leurs malheurs. Ils ne furent jamais très heureux et leur vie s’écoula au rythme des milliers  de photos que le mari continuait à s’infliger chaque année. Ils ne firent pas d’enfants, pas de fêtes, pas de vagues. Ils disparurent peu à peu à la manière d’un fading out de cinéma. Il n’existe aucun portrait d’elle. Frustrant / excitant / déroutant. Mystère…

Rain and tears

trop dure la vie

Elle pleure parce qu’elle a perdu son iphone, que son amoureux l’a appelée Laetitia chérie au lieu d’Aurélia chérie, qu’elle déteste l’ambiance de son bureau délocalisé dans le nouveau 9-3, qu’elle a loupé la première soirée spéciale zapping, qu’elle en a marre de grossir dès qu’elle mange au resto, qu’elle a chopé une mycose à la piscine, que sa meilleure amie a une autre meilleure amie, qu’une jeune nana l’a traitée de grosse pute dans le métro pour une histoire de place assise, qu’elle n’a toujours pas de gosse à 36 ans, que son zizi la gratte depuis qu’elle a couché avec son stagiaire, que son nouveau voisin du dessus a une copine bruyante, que Cédric a mis une photo d’elle sur FB où elle montre ses seins, qu’elle n’a pas été augmentée depuis trois ans, qu’elle ne voit pas comment elle pourrait UN JOUR avoir son appart à elle, qu’elle a encore pris une mufflée toute seule hier soir devant sa télé, qu’il va encore pleuvoir demain, que sa banque vient de lui rappeler qu’elle était dans le rouge, que sa mère quittait son père pour suivre un éleveur de chiens portugais, qu’elle n’a rien à se mettre pour la teuf de Samir, que tout le monde se fiche pas mal qu’elle pleure. Surtout ça : tout le monde s’en fiche ! Vie de merde !

Texte et dessin © dominiquecozette

La fille d’Ipanema c’était moi

la garota est cuita
la garota est cuita

La fille d’Ipanema c’était moi
sur cette immense plage en émoi
se balançaient ma croupe
mes jolis seins de soie
et l’océan bouillait sous mes pas
se balançaient ma croupe
mes jolis seins de soie
la fille d’Ipanema c’était moi…

Chanson du disque « c’est remoi »

Paroles © dominiquecozette
Musique © dominiquecozette / Stéphane Waltzer
Peinture (détail)  © dominiquecozette

Non aux retouches !

Naturellement belle
Naturellement belle

Maria Ninguem, Carioca installée à Sedan, le crie haut et fort : Non aux retouches ! C’est à cause de ça qu’elle a quitté Rio. Toutes ses copines étaient refaites et bien refaites, et elle, naturellement belle et gaulée, ne présentait pas plus d’intérêt qu’une paire de bas pour un tamanoir. Elle s’est dit comme ça : allons en France, les Françaises ne sont plus si belles que leur réputation ne le laisse accroire (en fait elle s’est dit que dans ce pays de radasses qu’est la France, elle avait sa chance). Et puis c’est la longue histoire des aléas de chacune de nos vies, elle se retrouve à Sedan chargée d’accueil dans une boîte d’allumeuses (fabrique de lingerie fine) et accessoirement mannequin cabine pour les gros cochons du cru qui prétendent avoir de superbes cadeaux à faire à leur chérie alors qu’en fait ils vont se masturber fébrilement dans les slips et les soutifs qu’elle aura exhibés devant eux. Bref, elle s’est un peu loupée, notre Maria Niguem de Rio. Mais pas ses employeurs.  Quand ils ont besoin de refaire leur catalogue, ils sont contents qu’elle « sorte » parfaitement au poil sans aucune retouche. D’abord, ça coûte moins cher, et puis ils n’ont pas à apposer cet infâmant macaron « photo retouchée » qui jure tellement  avec l’éclaté fluo des promos, le prix barré et la loupe de grossissement de l’étoffe. Croyez-le ou non, Maria Niguem a la nostalgie de son beau pays. La saudade, en brésilien.

Texte et dessin © dominiquecozette

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