Politicards génériques.


En voilà une bonne idée ! Comme pour les clopes. En finir avec le culte de la personnalité, les bashings attachés au physique, au sexe, à l’accent, au vêtement, les insultes ciblés, les a priori. Nos politiciens, on ne saurait même pas à quoi ils ressemblent. Ça serait juste écrit « politicien », avec, en petit, leur composition ou le nom du parti, et de grosses inscriptions anxiogènes : « l’abus de discours peut endommager votre libre-arbitre », « voter pour une personnalité tue votre discernement ».
On aurait juste des personnes neutres qui énonceraient les programmes, tous les programmes, rien que les programmes et un collège de citoyens chargés de cocher les promesses tenues. Au bout d’un temps déterminé, si la moitié des promesses ne sont pas honorées, le politicard générique est viré et remplacé par son suivant sur la liste.
Comme ils seraient génériques, ils ne se prendraient pas pour des stars médiatiques. Ils ne passeraient à la télé qu’à travers un système de dépersonnalisation, comme certains interviewés qui demandent à rester anonymes. Ils ne se déplaceraient plus en cortèges, ne jouiraient plus de ces immenses privilèges qui nous les rendent antipathiques. Ainsi, leur situation ne serait plus aussi enviable et beaucoup préfèreraient mener une vie classique, laissant la politique aux vrais mordus de la chose, aux aficionados de la mission à accomplir.
Alors, bien sûr, les rencontres internationales seraient rendues difficiles mais, puisqu’on dit qu’un président ne peut plus gouverner, on enverrait à sa place un très bon comédien, mâle ou femelle, qui parlerait anglais, arabe ou chinois couramment et qui aurait appris les éléments de langages nécessaires à la rencontre.
L’honnêteté pourrait reprendre ses droits et la langue ne plus être de bois. Dans les talkshows, on ne les ferait plus jouer à des jeux stupides ou répondre à des questionnaires débiles. Génériques, les politicards redeviendraient sérieux, professionnels, crédibles et ennuyeux.
N’est-ce pas la meilleure idée de la semaine ?

Illustration  © dominique cozette

Le jour où je suis sortie de mon contexte.

Je commençais ma carrière de future députée, j’apprenais à manier la rhétorique, à détourner les sujets, à affûter la langue de bois, à noyer le poisson, utilisant parfois des éléments de langage, usant grossièrement de mauvaise foi et d’éhontés mensonges tout en accumulant d’infidèles followers.  Bref, je suivais mon petit bonhomme de chemin politique quand soudain, le dérapage : la sortie de contexte ! Quelqu’un me prit à partie, m’agressa, me postillonna dans le nez :
– q’vous foutez là ?
– vous voyez, je creuse mon sillon …
– balivernes ! C’est pas vot’ sillon !
– j’ai juste glissé  !
– sachez-le, ma chère, z’êtes dans mon contexte à moi !
– ???
– Vous êtes sortie grave du vôtre. Et ici, c’est le mien.
– Ah.
– Ben oui. Y a pas de « ah » qui tienne !
– Bon. Ben je vais retourner dans le mien, alors . C’est par où ?
– Je me marre !
– …
– Je me marre ! C’est trop facile, comprenez ? Vous sortez de votre contexte et après vous prenez l’air con ! « Ah, j’savais pas, c’est comment qu’on fait pour revenir » ? Pathétique, ma pauvre !
– OK, OK, m’énervé-je. Je fais quoi là, hein ?
– Rien, y a plus rien à faire. Quand t’es sortie, t’es sortie. C’est fini. Ça s’répare pas. On ne revient pas. Terminé.
– C’est pas la mort…
– C’est juste astigmatisant !  Ça peut être estrêment négatif ! R’gardez les autres politicards ! Z’aiment pas que ça leur arrive ! Perdent des points parfois ! Des élections ! Alors si vous voulez un conseil, dégagez, hop  ! Allez, bien le bonjour !
Je fis demi-tour et m’éloignais de lui, l’air décontracté.  Quand je l’entendis hurler :
– Et la parenthèse, c’est moi qui va la fermer, la parenthèse ?
– Vous savez quoi ? haussé-je le ton,  je vous tacle et vous retacle et bien profond en plus. Au plaisir, cher ami !
Je claquai la parenthèse avec fracas — quelques guillemets se brisèrent —  et retournai hashtaguer dans le timeline des twittos anonymes. Non mais !

Texte et dessin © dominique cozette

Oral sex

Ma langue maternelle
Ma langue maternelle

« Bonjour, docteur, voilà, je viens vous voir parce que je voudrais savoir ce que vous pourriez faire pour moi. Ma pathologie est gênante : j’ai une langue de bois. C’est pas que ça me dérange dans mon métier, vous pensez ! Je suis dans un métier de représentation, voyez, non, vous ne voyez pas ? Je suis député, enfin presque et c’est vrai que je n’ai aucun mal oralement. Le problème, c’est dans mes relations privées, voyez-vous, non, vous ne voyez pas ? Avec toutes ces femmes qui m’entourent,  auxquelles j’accorderais volontiers quelques privautés si cette fichue langue voulait se faire de velours, vous voyez, non, vous ne voyez pas ? Ah, vous ne voyez rien du tout ? Ah, vous n’êtes pas le docteur ? Ah, vous attendez l’ophtalmo ! Ah … voilà, voilà, voilà… Vous n’auriez pas une idée pour ma langue, des fois ? Parce que comme on dit : c’est ceux qui voient mal qui le font mieux… Non, on ne dit pas ça ? Aïe, je me suis mordu la langue ! Je ne vois pas que ça a de drôle. Au plaisir monsieur, et joyeux glaucome ! »

Texte et dessin © dominiquecozette

Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial
Twitter