Y a du Duras dans l’air de Fabienne Périneau

Oser sortir et crier est un roman bouleversant de Fabienne Périneau. Il est catégorisé roman mais en fait c’est sa vie d’actrice en gros mais pas que, qui naît de sa rencontre avec une pièce de Marguerite, Agatha, jamais jouée car MD ne veut pas. A dix-huit ans, Fabienne force pour rencontrer MD et la convaincre qu’elle est Agatha. Et elle a même le jeune comédien avec qui elle va former le couple frère-sœur. Tellement convaincante que MD leur ouvre la voie. La pièce va se jouer avec succès.
Et la vie continue. Après des amours heureuses ou moins, lui revient en mémoire, comme débloqué, l’inceste que lui a fait subir son frère du milieu. Et c’est exactement l’histoire de la pièce qu’elle n’avait pas comprise ainsi : elle n’y avait vu qu’un amour impossible. Alors elle se met à détester Duras, la pièce…
Une rencontre qui semble formidable se fait : un homme attentionné, certes qui vit un peu à ses crochets et a des goûts de luxe, mais très amoureux d’elle. C’est en fait un pervers jaloux qui la met sous son emprise, lui prend son argent, l’emprisonne. Période très noire.
Je ne m’étalerai pas sur tout ce qu’elle dit dans ce livre (qu’on peut écouter dans le blog En marge de France Inter avec Giulia Foïs.
Mais quand un autre homme entre dans sa vie, un homme qui la convainc de porter plainte contre ce frère qui a brisé la petite fille qu’elle était, le chemin se fait dans sa tête. Elle commence à en parler dans sa famille, ses frères et sa mère, mais ça ne passe pas du tout : on ne gâche pas une famille ainsi, c’est une vieille histoire etc… Le garçon reste le chouchou de la mère et plus personne ne veut recevoir cette fille qui raconte des choses qui fâchent. Ce qui ne l’empêche de porter plainte et se brouiller définitivement avec les siens.
Le livre n’est pas pleurnichard, il parle beaucoup de théâtre, de personnes avec le prénom et l’initiale du nom (faciles à retrouver), il est bourré d’anecdotes, il est passionnant.
(Fabienne a depuis rejoint des assos sur le défense des femmes…)

Oser sortir et crier de Fabienne Périneau, 2024 aux éditions Récamier. 224 pages, 20€.

Texte © dominique cozette


Les Fessebouqueries #679


Bon, on ne va pas se mentir, c’est la semaine poisseuse qui vient de commencer entraînant à sa suite d’autres semaines poisseuses, de mois et d’années itou, on aura beau s’interroger mais quoi c’est dingue que tous ces gens aient voté pour ce voyou, on a les clones ici chez nous zaussi et ça nous pend au nez comme une vieille cloche morveuse qui tombera un jour — c’est inné, Luctable — dans notre assiette et quand des gens avisés (tous les ex du pouvoir, par exemple) nous demanderont d’arrêter de cracher dans la soupe, on pourra leur rétorquer mais, non, ça vient du nez, c’est pas un crachat, c’est un cracra, une crotte de nase . Bref, on aura nous aussi le cul dans les ronces et la tête dans le cul donc dans les ronces. Mais soyons positifs, les ronces, elles donnent des mûres, alors tchin dear friends, hop hop hope !

  • AS : Il y a encore 15 jours, il bossait au McDo, et aujourd’hui, il est Président des États Unis : c’est fou à quel point on peut réussir vite en Amérique !
  • SY : DERNIÈRE MINUTE : On apprend que l’Ocean Viking a appareillé tôt ce matin, direction les États-Unis, afin de « récupérer » des migrants qui souhaitent fuir leur pays. Parmi eux : De Niro, Harrison Ford, Schwarzenegger, Tom Hanks, Beyoncé, Di Caprio, Eminen, Sarah Jessica Parker, Springsteen, Billie Eilish, Taylor Swift, Barbra Streisand, George Clooney… et bien d’autres.
  • SA : Des gens qui vivent dans des caravanes pour payer leur chimio, qui votent pour des milliardaires par peur des étrangers, des gays et des femmes tueuses de bébé, ce serait drôle si on n’avait pas les mêmes ici.
  • JSD : La plus grande idiocracy du monde est donc sur le point d’élire le combo parfait de la religiosité évangélique, de la White Supremacy, du kitch vomitif, du capitalisme rapace, de l’inculture triomphante, du climatoscepticisme et du sexisme. Bravo les cons.
  • SG : « Je me vante d’attraper les femmes ‘par la chatte’, j’ai multiplié fakenews et propos racistes, sexistes et complotistes, tenté d’inverser les élections par la violence et l’abus de pouvoir et même été le premier ex président US condamné au pénal. Je suis, je suis… »
  • OM : Le retour de Donald Trump à la Maison blanche est sans hésitation le plus beau come back depuis celui de la syphilis !
  • SG : Sexiste, complotiste, raciste, conspirationniste, xénophobe, climatosceptique, l’éditorialiste américain Tucker Carlson affirme maintenant que les ouragans sont dus aux… avortements ! Voilà, c’est ça le trumpisme.
  • DSC : Trump, un mâle alpha ? Il n’a pourtant jamais gagné contre un homme lors d’un élection présidentielle… Pour moi ce n’est pas digne d’un chef de meute, mon vote ira donc à François Hollande, le Trump blanc.
  • NP : Si tu passes une mauvaise journée pense un peu à celle de Melania qui vient d’apprendre qu’elle allait devoir retourner vivre à la Maison Blanche avec Donald pendant quatre ans.
  • JM : L’Amérique a donc décidé de se remettre avec son ex toxique on peut plus rien pour elle.
  • MH : Joe Biden s’est déclaré confiant sur l’issue de l’élection : il espère un bon report des voix sur Kamala au deuxième tour !
  • SC : J’aimerais tellement être de droite et en avoir rien à cirer : bouffer du steak à tous les repas, rouler en 4×4, voter LR/RN sans tiquer, me dire que je suis la meilleure plutôt que de me demander ce que je pourrais mieux faire, quelle putain de tranquillité d’esprit.
  • JPT : Procès Samuel Paty : le corps enseignant versus le Coran saignant.
  • PE : Les chasseurs alertent sur la baisse inquiétante de promeneurs en forêt : Bientôt, on va devoir se contenter des animaux.
  • NP : Je ne dis pas que Canal c’était mieux avant. Je dis juste qu’avant, Canal c’était la chaine des Guignols de l’Info, alors que maintenant c’est le groupe des Guignols de l’Intox. C’est tout.
  • ES : On ne dit pas « Un cerf piétine un chasseur dans les Ardennes » mais le cerf a régulé la population de chasseurs. Bravo à lui.
  • MBC : Bruno Retailleau : « Mis à part Nicolas Sarkozy, chaque étranger accueilli en France doit respecter la loi. »
  • JD : On n’est pas bien là à vivre ce basculement inexorable vers un fascisme écocide engendré par un capitalisme morbide où les minorités seront les boucs émissaires et les uniques victimes ?
  • NMB : Vladimir Poutine aperçu ce matin entièrement nu sur la Place Rouge en train de faire un hélicobite. Plus de détails dans nos prochaines éditions.
  • WC : Emmanuel Macron annonce que personne, de Trump ou Harris, n’a gagné, et qu’il devient ainsi officiellement le nouveau président américain.
  • MBC : Michel Barnier : « Les salariés de Michelin et d’Auchan mis à la porte devront rembourser les aides publiques reçues par leur entreprise. »
  • TA : Je vais mourir de honte. J’étais chez la dermato, elle me demande si y’a des antécédents de cancer de la peau dans ma famille, spontanément j’ai répondu « MON CHIEN ».
  • SF : Théorème, vérifiable des deux côtés de l’Atlantique : à chaque fois que la gauche de droite est battue par la droite de droite, elle explique que c’est à cause de la gauche de gauche.
  • SG : Depuis ce matin, à chaque fois que je vois un message se réjouissant de la victoire de Trump, l’auteur est un gros connard. Vous pensez qu’il y a un lien entre les deux ou bien c’est juste du hasard ?
  • PA : Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais plus les écrans TV sont plats, plus les émissions sont creuses…
  • IM : — Hello, where is the tower Eiffel ? — you have a beautiful red casquette… — oh yeah, I’m a Trump fan, I voted for him, a genius ! — so… la Tour Eiffel, you take the RER B, and you stop at « la Courneuve », but go there by night it’s prettier.
  • NP : « Le PDG de TotalEnergies appelle Trump à lutter contre le réchauffement climatique ». La vodka demande au whisky de lutter contre la cirrhose.

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RAPPEL : Je collecte au long de la semaine les posts FB et les twitts d’actu qui m’ont fait rire. Les initiales sont celles des auteurs, ou les premières lettres de leur pseudo. Illustration ou montage d’après photo web © dominique cozette. On peut liker, on peut partager, on peut s’abonner, on peut commenter, on peut faire un tour sur mon site, mon blog, mon Insta. Merci d’avance.

La femme de ménage

La femme de ménage est un thriller habilement agencé par Freida McFadden. Un sacré thriller. Dès le prologue, on est au courant : il y a du pas beau à voir à l’étage et le narrateur ou la narratrice a du souci à se faire.
Puis le roman démarre, trois mois avant cette fâcheuse découverte. Millie réussit un entretien d’embauche pour être femme de ménage chez une femme adorable, Nina, mariée à un riche homme superbe, sympathique et ils ont une fillette, exécrable… très mal élevée, qui fait tourner Millie en bourrique avec des caprices insupportables, sous les yeux indifférents de sa mère. Sa mère qui a aussi des comportements glauques avec « la bonne » alors qu’elle peut être si gentille la plupart du temps.
Millie ne peut pas se rebeller. Avant d’être entrée dans cette superbe maison, elle dormait dans sa voiture. Elle était sortie de prison, une peine de dix ans mais on ne sait pas pourquoi, et était sous contrôle judiciaire. Au moindre problème, hop, de nouveau au mitard. Elle n’en mène donc pas large mais est forcée de s’en accommoder même si sa chambre est une sorte de placard au grenier, qui ferme à clé de l’extérieur uniquement et dont la fenêtre ne peut s’ouvrir…
A la ville, des rumeurs courent sur cette mère qui serait folle (facile à croire vu son comportement) et aurait tenté de tuer sa fillette qu’elle adore. Une fillette toujours habillée de superbes robes blanches à fanfreluches sans aucun rapport avec la vie que mènent les autres fillettes.
Il y a aussi un jardiner, très bel homme qui ne parle pas anglais et n’a pas le droit d’entrer dans la maison. Encore une fois, bien que séduite, Millie se tient à carreau, malgré l’envie d’un petit câlin après un désert sexuel de dix ans.
Quant au mari, il est adorable, même avec elle, même quand sa femme est méchante. Il tente d’arrondir les angles, il la regarde de façon appuyée car oui, elle est jeune et belle même si elle fait attention à ne pas en jouer, à rester transparente.
Enfin, il y a cet immense problème : il rêve d’enfants, la petite fille n’étant pas sa fille, mais hélas, sa femme ne peut plus en avoir…
La tournure que prend cette histoire, cruelle, est absolument pétrifiante et inattendue. Malgré quelques passages un peu faciles au niveau crédibilité, l’autrice nous emmène dans une aventure implaccable dont il est difficile de s’échapper tant qu’on ne sait pas comment ça va se résoudre. Brrrr…

La femme de ménage de Freida McFadden, 2022. Traduit par Karine Forestier. Aux éditions J’ai Lu. 416 pages, 8,60 €

Texte © dominique cozette

De l’Irlande à Brooklyn

Brooklyn est le deuxième roman de Colm Toibin, auteur du très prisé Le Magicien. Il raconte une histoire palpitante située dans les années cinquante, qui commence dans un bled irlandais où vit Ellis Lacey, avec sa mère, sa grande sœur Rose, une belle femme qui travaille, joue au golf mais surtout, rapporte l’argent à la maison. Les trois frères sont partis travailler à Londres. La jeune Ellis ne trouvant pas d’emploi, est engagée chez une femme qui tient un commerce, une sale patronne qui profite de la situation de pauvreté de ses employés. L’avenir est peu joyeux quand une de leurs relations, un prêtre qui vit à New-York, propose à la jeune fille de l’y rejoindre car là, il y a du travail pour qui est sérieux. Il connaît une logeuse chez qui elle pourra s’installer en toute sécurité. Entre le désespoir de quitter sa famille et l’espoir de gagner de l’argent pour l’aider, Ellis balance. La traversée en paquebot en troisième classe vaut son pesant de vomi (oui oui). A New-York, elle travaille comme vendeuse dans un grand magasin, souffre du mal du pays, ne se livre pas. S’ennuie le soir car n’aime pas les autres filles qui partagent la pension. Ni la propriétaire qui les surveille toutes d’un peu près.
Puis en acceptant d’aider le prêtre à organiser une grande fête de noël pour les pauvres, elle fait des rencontres. Notamment celle d’un jeune homme qui l’invite à danser, un Italien (ce n’est pas très bien vu) qui a « malgré tout » de bonnes manières et sait la charmer en douceur. La relation devient sérieuse alors qu’elle doit retourner en Irlande pour de graves raisons familiales. Avec ce un voyage en bateau d’une semaine, on n’y va pas comme ça ou on en revient pas d’un saut de puce. Elle va devoir rester en Irlande quelques temps pendant lequel il va se passer des événements qui vont orienter le destin de la jeune fille.
On se promène dans ce livre à une époque sinistrée où les filles et les femmes commençaient à vouloir s’émanciper. Rien n’était pourtant gagné et l’étau autour d’elles toujours bien serré.
Beaucoup de suspense dans cette histoire assez lente, très descriptive mais dont on bout de connaître la suite. Ce livre a été écrit en 2009. Mais une suite vient de sortir, qui s’intitule Long Island et se passe vingt ans plus tard, j’ai hâte de l’acheter, j’attends juste qu’il soit en poche car mon budget bouquins n’est pas illimité.

Brooklyn de Colm Toibim (2009), traduit par Anna Gibson, au Livre de Poche. 380 pages, 8,90 €.

Texte © dominique cozette

Les Fessebouqueries #678

Ce sont des Fessebouquerikiki, désolée, l’actu ne prête pas à rire mais donne à penser, plutôt à panser, pardon Miss Tic, panser nos pauvres esprits chahutés par ce qui nous attend sachant qu’on n’attend plus rien des politiques qui ont pour mot d’ordre de nous habituer à tous leurs outrages afin de nous anesthésier, on appelle ça la sidération, ça empêche de réagir… donc les centaines de morts écologiques en Espagne, les Afghanes interdites de parler entre elles, les guerres en cours, le président et ses 122 courtisans qui vont cirer les pompes d’un petit roi et laisse le pays au mains d’un impotent et de ses fripouilles, et l’autre abominable crapule à tête orange et cheveux jaunes qui prépare son offensive (le mot est faible) au cas où il perdrait les élections, mais rien n’est sûr, il sera peut-être demain de roi du monde. On va tous couler, j’espère juste que l’orchestre sera guilleret. Ne vous interdisez rien, surtout pas les tchin-tchin du soir, dear friends.
PS : Je vous mets une petite image mignonne pour vous détendre.

  • CEMT : — Je ne comprends pas Manu, pourquoi on ne renvoie pas tous ces arabes chez eux ? — Ils sont chez eux Bruno, nous sommes au Maroc. — Aaaaaaah, ok !
  • NA : Ces inondations à répétition n’ont rien à voir avec le réchauffement climatique. Notre planète terre qui est plate penche un peu, voilà tout.
  • JM : Elle fait du bien cette petite période pendant laquelle on arrête de dire que tout est de la faute des immigrés pour dire que tout est de la faute des fonctionnaires, ça casse la routine.
  • MA : La culture du viol c’est accuser la victime d’avoir trop bu et excuser l’agresseur car il avait trop bu. »
  • NMB : J’ai emmené mon neveu à l’Assemblée Nationale pour l’intéresser un peu à la vie démocratique du pays, on est ressorti avec deux magnets, trente grammes de shit et un bouquin souvenir.
  • NA : Il y a une place en enfer réservée à ceux qui applaudissent fort quand ils rient ?
  • PA : Quand un docteur demande de prendre un médicament : Les Anglais : Thank you doctor ! Les Espagnols : Gracias doctor ! Les Italiens : Grazie dottore ! Les Français : Je peux continuer à boire ?
  • IS : « Un bateau, c’est deux jours de bonheur, le jour ou tu l’achètes et le jour ou tu le revends. » Vieil adage sétois. 
  • MBC : Bernard Arnault : « J’ai quand même le droit de choisir le premier ministre vu que c’est moi qui habille Brigitte. »
  • ADN : J’hésite entre acheter l’iPhone 16 ou une villa sur la côte.

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Quatorze ans

Ce portrait de moi est très moche, il n’est pas de Sam Lévin.
J’ai quatorze ans, mon premier blue-jeans
et des sabots en bois rapportés de Senigallia,
qui font un bruit d’enfer sur le bord de l’Adriatique.
A quatorze ans, je mesure comme ma sœur de onze.
Ma sœur de seize est une grande perche.
Plus tard, on aura la même taille.
J’ai enfin mes règles et ma mère claironne la Marseillaise
à l’adresse de mon père qui plante ses œillets d’Inde et s’en fout.
Ma mère adore Enrico Macias que je déteste
mais elle aime aussi Paul Anka qu’on est allées voir à l’Olympia
parce qu’il y avait Colette Renard en vedette
et Maurice Baquet en attraction.
Ma mère est insomniaque et fait cuire ses ragouts à six heures du matin
dans l’odeur du café en écoutant Maurice Biraud, son Bibi.
Je n’ai pas encore embrassé de garçon,
ça ne m’a pas traversé l’esprit
mes glandes sont de grandes feignasses
je suis amoureuse de tous les beaux mecs célèbres,
Invahoé, Johnny, Bob Asklof, Captain Troy…
Mon père est conseiller fiscal, je ne sais pas ce que c’est,
et ma mère agent immobilier dans le Sentier
elle a trouvé le premier bureau à Gilbert Trigano.
On habite dans une maison zarbi entourée de troènes et fleurie de lilas.
Le dimanche dans la rue, les hommes bichonnent leurs voitures
qu’ils font reluire à la nénette
la rénette c’est un manche en bois avec des poils au bout
quand t’as une voiture t’as une nénette
rien à voir avec cette pub qui disait
il a la voiture il aura la femme…
En ce temps-là les hommes savent mieux
ce qu’il y a sous les capots
que sous les jupes de leurs femmes.
je ne sais pas si ça a beaucoup changé.
C’est pas bien grave puisque BB aime Charrier
elle a eu son bébé elle pose pour Jours de France
et la France est heureuse.

Image et texte © dominique cozette

Le romantisme érotique d’Emma

Il ne s’agit pas d’Emma Bovary mais d’Emma Becker qui avait eu le cran de passer un an dans une maison close pour y écrire un livre sur la prostitution. Que je n’ai pas lu. Elle ne manque pas de cran non plus, cette belle autrice pour évoquer, au jour le jour, sa passion amoureuse dans Le Mal joli. Une passion amoureuse axée d’abord sur le désir pour la queue (je ne travestis pas ses mots) de son nouvel amant, un beau noble de St Germain des Prés, coureur de jupons, de coups d’un soir, comme elle, et écrivain comme elle. Ce qui est bien pratique pour se trouver des plages de rencontres, signatures, festivals de livres, etc… et s’envoyer en l’air avec une fougue absolument délirante. Absolument délirante, parfaitement.
Antonin, son amant, entretient une relation un peu lâche depuis cinq ans et est père d’une ado. Emma, plus contraignant, est mariée et mère de deux enfants en bas âge. Pas très pratique tout ça d’autant plus qu’elle vit dans le Sud.
C’est elle qui le cherche au début et elle le trouve. Peu à peu, l’attrait de leurs corps dont ils ont libéré toutes les digues d’inhibitions laisse une place grandissante à des sentiments plus profonds, des manques douloureux pour l’un comme pour l’autre, surtout l’été où lui s’exile dans son île mexicaine pendant deux mois et demi. Deux mois et demi ! Mais quel enfer ! Le mari d’Emma est peu présent mais elle-même se rend bien compte qu’elle néglige totalement ses petits tellement la pensée pour l’autre est envahissante.
(NB pour ceux qui picolent, c’est un livre de bourrage de gueule dans presque toutes les rencontres. Ça décomplexe un peu).
Donc un bouquin assez marrant parce qu’elle s’en donne à cœur joie de décrire certaines pratiques sexuelles, notamment celles qui tournent autour du cul si je puis m’exprimer comme elle, lavements, introduction au ralenti de la verge puis son goût pour l’anulingus dont elle ne nous prive en rien. Un vrai tuto ! Son amant en redemande, il frôle le priapisme pathologique, bref ils n’arrêtent pas. Et puis elle nous livre aussi des théories sur les meilleurs coups qui sont plutôt de droite (à vérifier, mes amies), nous dévoile les personnages typiques du monde éditorial et ses problèmes avec le pet. Voilà, c’est lâché. On peut dire aussi que c’est bien léché (ah ah que je suis drôle !). C’est donc un livre intéressant, distrayant, instructif mais avec quelques longueurs / langueurs quand le monsieur est dans son île. Les SMS sont un peu longuets. Mais ça passe crème comme on dit chez sodomites bretons (ah ah, mais qu’est-ce que j’ai aujourd’hui ?). Le Masque et la Plume en ont fait leurs choux gras.

Le mal joli d’Emma Becker, 2024, aux éditions Albin Michel. 416 pages, 21,90 €.

Texte © dominique cozette

La Petite Bonne

Très très beau livre de Bérénice Pichat qui nous conte trois jours de La Petite Bonne chez les Daniel, dans les années 30. Les Daniel, un couple de bourgeois mariés depuis longtemps. Lui, Blaise, a été grièvement blessé lors de la Grande Guerre et, malheureusement, un chirurgien s’est acharné à l’opérer plutôt que de laisser à sa belle mort. Ce que le pauvre homme ne cesse de ressasser. S’il le pouvait, il s’enverrait ad patres, il possède un Lebel mais comment faire quand on est mutilé de partout, plus de bras, plus de jambes ? Ne parlons pas de son visage, fracassé, horrible, dégoûtant, qui lui interdit les visites, il fait trop peur. Sa femme ne l’a pas quitté, elle s’efforce d’être la femme parfaite d’un grand malade dépendant, de s’occuper de lui avec application. Mais sans grande tendresse.
La Petite Bonne vient travailler régulièrement chez eux. Alors Blaise, un jour, demande à sa femme d’aller re-vivre enfin, prendre du plaisir chez leurs anciens amis lors d’un week-end de chasse. Et la Petite Bonne, qui n’a pas de nom, s’occupera de lui. Blaise ourdit un plan fondé sur la présence et la docilité de cette petite personne qui ne l’a jamais approché. Ancien pianiste, il croupit dans sa pièce, le regard vers l’extérieur, sans rien pour le distraire. Elle voit que son dos.
L’épouse, de son côté, ne passe pas du si bon temps que ça, elle a perdu l’habitude, elle attend trop de ce moment de liberté et puis ses amis, bof.
Pendant ce temps, les deux handicapés (la bonne l’est socialement, consciente de sa place) doivent s’apprivoiser. Il faut bien qu’il mange, qu’il soit propre… C’est cette situation incongrue entre deux êtres incompatibles qui va créer un improbable échange qui va bouleverser le mari et sa vision de la vie.
La forme de l’écriture est originale, majoritairement en vers libres, c’est la partie de la Petite Bonne, des pensées simples, courtes. Quand il s’agit d’un des personnages du couple, retour à la prose, plus sophistiquée, avec des adjectifs, des adverbes, des phrases longues, classiquement bourgeoises.
Belle histoire qui laisse un goût d’amertume mais ravit les papilles du cerveau (oh la la !)

La Petite Bonne de Bérénice Pichat, 2024 aux éditions Les Avrils. 270 pages, 21,10 €

Texte © dominique cozette

Nos hivers aglagla

A cette époque, je parle de mon enfance, on n’avait pas le chauffage central. On vivait autour d’un petit poêle à bois dans la salle à manger ou la chaleur de la cuisinière à charbon où on faisait chauffer l’eau, le café et le ragoût. Nos chambres à l’étage n’étaient pas chauffées, les vitres étaient fines et sans volets. Nous montions avec nos bouillottes en forme de chat ou de nounours, nous étions habituées à cette rigueur. Je ne me souviens même pas d’édredon. Il faisait beaucoup plus froid qu’aujourd’hui, les rues étaient souvent verglacées et les conducteurs s’en sortaient très mal. Il neigeait tous les hivers. Le matin, les vitres de la maison étaient givrées. Aglagla. On faisait notre toilette dans une cuvette sur l’évier, on se lavait quand même la lune, et chaque samedi, nous (les filles) prenions un bain dans le tambour de la machine semi-automatique Sibir, après l’époque de la lessiveuse en acier galvanisé qui remplaçait celle du demi-tonneau.
Les gens ne se lavaient pas souvent les cheveux (ça les abîmait), ils devenaient gras. Ça sentait le cheveu dans le métro, vieille odeur de renfermé et de suint à laquelle on était accoutumé. Parfois, nous demandions à quelqu’un ce qui avait changé dans son visage et il répondait : je me suis lavé la tête. On utilisait des petit shampooings Dop en unidose de toutes les couleurs, les produits chics entraient triomphalement dans les foyers.
Pour parler encore du froid, les filles ne portaient pas de pantalons et les collants n’existaient pas. On avait des robes ou des jupes (je dis « des » mais on n’en avait qu’une) au-dessous des genoux et je me souviens comme les miens me démangeaient quand j’arrivais dans un lieu chauffé après une longue course dans les morsures glaçantes de l’hiver. J’avais aussi très souvent des dartres sur le visage que je tentais d’assécher avec de l’eau de Dalibour. Très glamour. J’en ai encore l’odeur en tête. Cette photo de moi est triste comme ces hivers. Il n’y avait pas tous ces magasins bon marché qu’on connait, le tissu coûtait cher, on usait nos fringues jusqu’à la corde, ourlets rallongés sans arrêt, avant de les refiler au petit frère ou à la petite soeur. Les parents préféraient acheter nos chaussures un peu grandes pour qu’elles durent. Quand on ne connaît rien d’autre, on n’est pas si malheureux. A Joinville, on était tous au même niveau, y avait pas de honte. La France se reconstruisait.

Image et texte © dominique cozette

Jaenada est de retour

La désinvolture est une bien belle chose est le titre du dernier livre, dernière enquête de Philippe Jaenada, phrase tirée d’un livre dont j’ai oublié la référence. Cette fois encore, après toutes ses recherches sur des disparus, Jaenada s’attaque à une autre histoire : ayant vu la photo de « gosses » (des ados de 16/18 ans) attablés dans un café de Saint Germain des Prés et avoir appris que la très belle Kaki, 18 ans, s’est défenestrée alors que la vie lui souriait — tout le monde l’adorait et elle vivait un bel amour dans un petit hôtel avec un soldat américain sous les yeux duquel elle s’est suicidée — il veut en savoir plus. Cela lui a rappelé la Ballade du Café triste (autre titre emprunté) de Modiano qui a lui aussi fréquenté cette sorte de havre de gentillesse appelé Chez Moineau. Un petit café crade, moche, minuscula, avec un couple qui accueillait à bras ouverts tous ces petits moineaux affamés, gais et existentialiste. Il veut en savoir plus, Philippe, on le connaît, il fouille, il farfouille, il a une armée d’informateurs bien placés, même dans la police, pour retrouver TOUT ce qui concerne un personnage.
Et c’est ce qu’il va se passer dans ce livre de 496 pages. Ça commence à Dunkerque où il avait déjà enquêté sur Pauline Dubuisson (La Petite Femelle), celle qu’avait jouée BB dans la Vérité, qu’avait trahie Clouzot en en faisant une excitée. Donc, il est avec sa femme dans cette ville et au lieu de rentrer avec elle à Paris, il décide de faire le tour de France par les bords, d’abord par la côte et quelques villes balnéaires, ensuite par des villes frontières.
Le livre est très fouillis. Et très fouillé. L’auteur s’enregistre puis c’est rejeté ainsi sur le papier. C’est l’impression que j’en ai. S’y côtoient les résultats de recherches que lui envoient ses collaborateurs/trices, ses impressions sur la ville et les anecdotes que tout ça lui évoque.
Concernant le café et Kaki, on va y rencontrer quelques pointures de l’époque, notamment Guy Debord qui fréquentait la même bande. Il est aidé aussi par un livre de photos qui a immortalisé toute la clique. Au fil des pages, la famille de la jeune fille va être retrouvée, et c’est pas du nanan, enfance difficile etc… ! jusqu’aux pages finales où il ira sur sa tombe retrouvée. Quelle opiniâtreté pour avoir déniché tous les détails de la vie de ces gens soixante-dix ans après. Incroyable. Mais parfois fastidieux.
Là je recopie un avis qui exprime ce que je veux dire : Étant pourtant une inconditionnelle de Philippe Jaenada, je dois cependant avouer que j’ai été à deux doigts de renoncer à ma lecture, tant les personnages étaient nombreux, les références à d’autres tout aussi nombreuses, et même le conseil de l’auteur nous invitant à ne pas s’embêter à retenir tous les noms ne m’a pas complètement convaincue. J’ai dû persévérer encore un peu et ne l’ai pas regretté tant, petit à petit, j’ai été captivée et émue par ce roman psycho-géographique, et me suis prise d’affection pour ces émouvants Moineaux et particulièrement pour cette magnifique Kaki représentée sur la très belle photo de couverture du roman.
Oui, un livre passionnant quand on apprécie ce genre et qu’on aime Philippe Jaenada, ce qui est mon cas.

La désinvolture est une bien belle chose de Philippe Jaenada, 2024 aux éditions Mialet-Barrault. 496 pages, 22 €

Texte © dominique cozette

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