3 nanas c’est le titre, ça fait pas sérieux, on croit empoigner un roman d’été sur trois petites pouffes qui rigolent bêtement en voyant passer un garçon joufflu mais ce n’est pas ça du tout, et c’est même le contraire. Nathalie Piégay, l’autrice, s’est emballée pour deux très grandes artistes blessées, Niki de Saint Phalle pour commencer, à laquelle elle consacre plus de la moitié de l’ouvrage. Et insensiblement, elle se rapproche de Louise Bourgeois, toujours vieille sur les photos car elle a connu la consécration à un âge avancé, la soixantaine. Puis, encore par glissement, elle s’est intéressée à une artiste de la génération récente, Annette Messager. Ce n’est pas facile de classifier l’ouvrage car il s’agit un peu de leur histoire, du moins ce qu’elle a réussi à en tirer par quelques fils, et je ne dis pas ça à la légère puisque toutes trois ont utilisé généreusement ce matériau qui fait partie de la vie des « ménagères », mais aussi d’extensions poétiques ou lyriques, imaginaires, sur les épisodes cachés de leurs vies.
Toutes trois ont eu maille à partir avec le sexe dit fort, incestée pour l’une, et mal aimées, dominées pour les autres, mais ce qui les rapproche le plus, c’est qu’elle ont fait de leurs œuvres une sorte de biographie, disons qu’elles ont toutes trois projetées leurs failles, colères, blessures dans leurs créations, des créations qui ont dérangé violemment à leur sortie.
Il n’y a pas d’images dans ce livre sauf une œuvre de Messager sur la couverture, donc c’est plutôt avisé d’avoir un outil techno à portée de main pour visualiser les pièces évoquées dans le texte.
Ce livre m’a attrapée, j’apprécie fortement ces trois artistes, et de plus son style, sa façon d’aborder les sujets, ses hypothèses, ses tentatives pour les rencontrer ou retrouver leurs empreintes, et puis aussi ses pérégrinations qui l’emmènent dans les lieux emblématiques de ces trois femmes (parfois communs) avec descriptions plaisantes qui façonnent un petit bonheur de lecture.
3 nanas de Nathalie Piégay, 2023 aux éditions du Seuil. 302 pages, 20 €
Texte © dominique cozette