Le chat

Mon mec et moi, on ne s’entend pas. Depuis le début. Ce n’est pas une histoire de désamour — bien sûr, il y aurait à épiloguer —  juste un problème de communication. Mon mari articule mal et parle bas : je l’entends mais ne comprends rien. Moi-même articule peu et manque de conviction : il ne m’écoute pas. Il y a deux mois, j’en ai eu marre de prêcher dans le désert et lui ai annoncé que je le quittais. Que je prendrais mes biens un peu plus tard. Et qu’il n’y voie rien de personnel.
Son mutisme m’a manqué terriblement, étant remaquée avec un jacasseur. Mais le mal était fait. Au bout d’un mois, téléphone. C’était lui. Il voulait savoir si je ne voyais pas d’inconvénient à ce qu’il passe à la maison prendre ses affaires.
– Tes affaires ?
– Oui, mes affaires, mes livres, mon mixer-batteur, enfin mes trucs, quoi !
– Mais… je ne suis plus à la maison. Et justement, je comptais t’appeler pour en faire autant !
– TU N’ES PLUS À LA MAISON ????
– Depuis un mois. Bah et toi ?
– Pareil.
et en choeur : Merde ! Doherty !
Nous sommes arrivés ensemble devant la maison, nous empressant d’ouvrir au plus vite la putain de porte (j’écris comme un amerlock, maintenant) et criant : Doherty ! Doherty ! Comme d’hab, il ne s’est pas précipité vers nous mais nous l’avons découvert dans la cuisine, momifié, avec plusieurs boîtes de Ronron autour de lui dont une entre les pattes. Toutes avaient été griffées et mordues, et leurs étiquettes dévorées. Pauvre Doherty ! Quelle fin atroce !
Nous sommes tombés en pleurs dans les bras l’un de l’autre. Avons enterré Doherty dans le jardin de la maison abandonnée. Avons mis un peu d’ordre, vidé la poubelle qui puait, changé les draps et les serviettes, téléphoné à nos nouveaux compagnons pour leur signifier que c’était la fin de l’histoire.
Puis nous avons entamé une croisade (lettres diverses, ouvertes ou non, dépôt de statuts d’association, groupe sur facebook…) pour inciter les professionnels de l’alimentation animale à repenser le packaging de tous leurs produits afin que nos bêtes puissent les ouvrir en cas d’urgence. Enfin, nous avons décidé de communiquer entre nous via Internet et nos écrans. Doherty ne sera pas mort pour rien.

Texte et dessin © dominiquecozette

Fessebouqueries # 3

La moisson de la semaine :

– Les poules pleines de poussins, 
les bouches de dents, 
et ce qui chut tonne fort. CPR
– Croiser Ophelie Winter au Cabanon Bleu et décider que jamais de chirurgie esthétique quoiqu’il arrive. CA
– Des fois je trouve que les vacances devrait s’appeller ennuiement GARENTIT !! : p –‘ . MDS (une fillette)
– Quand j’entends Sarko parler des problèmes de sécurité j’ai l’impression qu’il veut devenir President de la Republique pour enfin régler tout ça. AB
– Le marathon c’est très pénible à courir mais c’est pénible aussi à regarder à la télé! Pffiou! AB
– Moi je me suis claqué une mandibule en baillant. Trop dur! AB
– Je suis tellement parisien que j’habite au numéro 75 de ma rue! AB
– ils partent en vacances comme des voleurs….PK
– PE signifie à la personne qui a insulté son mur que celui-ci porte plinthe.
– FG va faire un street safari , dans la jungle des poètes des rues , là ou la liberté d’expression prends le gauche ^^
– AM va voir ce qu’est devenu son tronc d’arbre
– JL a passé 10 minutes toute seule en réunion ; du coup, peut-on vraiment appeler ça une réunion ?
– Ya des jours ou je dort , car elle ment nuit. FG
– Plus le dimanche est bon, plus le lundi est long. FM
– Les Gay Games commencent cette semaine à Cologne. Les gays, comme les handicapés, ont leurs propres jeux réservés. C’est vrai, quoi, on ne peut quand même pas exiger d’un homo qu’il concoure à égalité avec un hétéro…JPT
– ah oui mais non parce qu’à mon bureau de Poste en fait, ils ne vendent pas de timbres, ben non ! AR
– Il y a vraiment des jours où je me le rappelle clairement, je suis mariée. OVH
– Si t’es pas dans Paris Match quand t’es liftée et botoxée, c’est que t’as raté ta soirée. OVH
– GG travaille les pieds sur la table et le cerveau dans la poubelle.
– DCP a d’autres chats à caresser
– Le ciel de Montréal fait une gastro. AP
– Quand un aigle a très chaud, c’est l’effet de serre. OVH
– Non d’une cacahuète salée ! Je viens d’avoir l’idée d’un thriller hyper sulfureux et émouvant ! Hâte de pitcher et de synopsiser !!!!!! MM
-CPR a lu sur une pub: wanted la femme idéale, sportive, spontanée, affectueuse. 
Tout le portrait de mes chiens. Et elle aussi, elle ramène la baballe ?
– Je ne sais pas si vous avez remarqué mais ici on ne sert plus jamais du point virgule autrement que pour faire ;). Pauvre point virgule! AB
– il s’en passe de drôles sur FB: ce matin un jeune mec a demandé à être mon ami, un brun tout frisé. Mais qu’est-ce qu’ils ont à draguer les septuagénaires, jm’appelle pas Liliane! FJTG
– comment ça, le guide du routard encourage la politique présidentielle en mettant gratuitement ses applis iphone à disposition de tous ceux qui quittent la France??? PE

Dessin © dominiquecozette

De l’orge, de l’ADN et des WC…

J’étais tranquillement au petit coin en train de lire « comment faire l’amour à une femme » (le livre que je venais de lui offrir), il était 6 du mat’ et vla t’il pas qu’il déboule devant la porte que je n’avais pas fermée à clé. Il l’entrouvre — sa spécialité — pour me causer.
– Arrête, j’y dis, tu vas être déçu par les effluves…
– j’ai juste un truc trop cool à te dire, sinon je vais oublier…
– Si t’oublies, c’est que c’est nase !
– Non, c’est d’une extrême importance. C’est ce truc que je lis sur les  généticiens qui bossent dans l’agro-alimentaire !
– je rêêêêve !
– Figure-toi qu’il ont été vexés comme des poux, tu sais pourquoi ? Parce que  l’orge a deux fois plus de gènes que nous. T’as capté ?
– Ah, t’es chiant ! Oui, j’ai capté, comment tu veux que je fasse autrement !
– Tous ces types, ils pensaient que nous les humains, comme nous sommes les plus intelligents, c’était nous qui avions forcément le plus de gènes… (je le sens sourire comme quand on sait qu’un amant va sortir du placard)
– Et  manque de pot, l’encouragé-je…
– Manque de pot : l’orge a deux fois plus d’ADN que nous. Et c’est une plante !!! Et alors là ils sont très embêtés parce que, comme il y a une partie immense de cet ADN de l’orge qu’ils ne comprennent pas, tu sais comment ils l’ont appelé, cet ADN ?
– heu… Grégory, Valentin, j’sais pas…
– ils l’ont appelé « junk ADN » : ADN de merde. Pour eux, c’est de l’ADN qui ne sert à rien. Non mais avoue le niveau de connerie !
– J’avoue, j’avoue. Allez, tu me laisses ? j’ai moi-même une p’tite junk commission à faire.
Il se retira, heureux d’avoir pu encore m’épater avec ses histoires végétales. Finalement, je trouvai « comment faire l’amour à une femme’ totalement erroné et regrettais de ne pas avoir choisi « le traité de la pomme de terre ».

Dessin et texte© dominiquecozette d’après Claude Bourguignon, ingénieur agronome et docteur ès sciences de la microbiologie des sols in Solutions locales pour désordre global, le livre de Coline Serreau chez Actes Sud

Andy Warhol pas mort.

VIES D’ANDY. Olivia van Hoegarden nous parle du nouveau roman de Philippe Lafitte.

Quand Andy Warhol joue à cache cache, va t-il  droit dans le mur ?

Andy Warhol est mort à New York le 22 février 1987. Mais qui s’en soucie puisque son œuvre l’a immortalisé?  Warhol, lui-même peut-être et Philippe Lafitte qui, avec Vies d’Andy, exhume le génial albinos pour lui offrir un nouveau moment de célébrité. L’auteur dont c’est le 4e roman, révèle que Warhol est bien là où on ne l’attend pas : non pas de l’autre côté du miroir mais de l’autre côté du mur.

Disparu avant la chute du mur de Berlin, Warhol n’aura pas connu la libération des pays de l’Est dont sa famille était originaire . Disparu, oui mais mort ? En est-on bien certain ? Philippe Lafitte avance que le roi du pop art se serait  tout simplement dépouillé de son enveloppe androgyne pour adopter une apparence résolument féminine. Une transformation que n’aurait pas reniée Mary Shelley tant Vies d’Andy conte l’histoire d’une créature de Frankenstein qui aurait bénéficié de toutes les techniques modernes que permet l’argent (une fortune de cinq cent millions de dollars, quand même) pour devenir Sandy Vazhoda.

Si elle modifie l’aspect d’Andy, la chirurgie et les hormones sont impuissantes à résoudre les angoisses existentielles de Sandy qui noie ses incertitudes dans le Valium et les alcools forts. Elle entame un périple qui la mène dans les plus grands musées du monde, sans se douter qu’elle est suivie par Valérie, une gauchiste revancharde qui avait déjà attenté à ses jours vingt ans plus tôt. Jusqu’au jour où dans une galerie parisienne, Sandy découvre un tableau et la réponse à sa quête. Ce n’est pas « en bas » que quelque chose lui manque désormais, c’est à gauche où se situe le cœur exactement ou plutôt l’âme de sa mère tchèque. Dès lors, Sandy n’aura de cesse de retrouver le berceau familial ; que lui importe le Rideau de fer, au travers d’une gueule de bois permanente, elle n’a qu’à dire : « Je veux ».  A Paris, à New York, à Berlin-Est, des « ombres » se démènent et négocient sur le fil,  la réalisation de cette lubie extravagante, somme toute très warholienne. Pour Sandy rien n’est trop cher, rien n’est impossible.

Toute l’aventure est du même tabac. Sandy, toujours imprévisible,  se laisse transporter sans aucun sens du danger afin de retourner dans les contrées ruthènes où jadis sa maman….On ne va tout de même pas tout vous raconter. Mais soyez sûrs que vous ne regarderez plus jamais de la même façon, une boîte de soupe Campbell sérigraphiée…

Avec son style, façon polar drôlatique, Philippe Lafitte nous livre les détails insensés de cette haletante course aux étoiles sur fond de poussière de rêve. Extrêmement bien documenté, l’auteur nous restitue l’exacte ambiance de la fin de la guerre froide  en anecdotes cocasses et situations loufoques. Pour son 4e roman, Lafitte qui édite cette fois chez le Serpent à plumes invente un genre nouveau : l’Eastern, sorte de conquête de l’Est qui inspire à sa plume  cette exploration en warholie sur un mode caustique et drôlatique

A mettre entre toutes les mains, Vies d’Andy se lit d’une traite comme un thriller. Probablement le meilleur opus de Lafitte. Alors Andy ? Dites-lui « Oui ».

© Olivia van Hoegarden

Vies d’Andy de Philippe Lafitte, 17,50 euro
Chez le Serpent à plumes.
Sortie le 26 aout.

Brèves d’expos (de Catrin)

Tableau de François Catrin

Ayant apprécié ses oeuvres, je suis allée sur le site de François Catrin (lien ci-dessous) dans lequel il note les commentaires du public à ses expos. Extraits :
– Ils prennent bien la lumière
– C’est du contemporain ? Ben oui, l’artiste, il est là
– Faut regarder de près et de loin; au plus on regarde de loin, au plus c’est joli
– Faut qu’ça plaise ! Les goûts de chacun y sont pas les mêmes
– Chacun peut s’y retrouver, c’est doux, c’est poétique; chacun peut se faire son histoire
– Très, très bizarre
– C’est du journal qu’est peint
– C’est du tissu ?
– Ça laisse pas sans réaction !!
– On se demande ce que c’est comme matière
– J’mettrais pas ça dans mes chiottes
– Ça veut dire quoi ?
– C’est collé ?
– Vous rangez ça dans quelle école ? Cubiste ? Abstrait ?
– C’est pas mal fait
– Qu’est ce que c’est que ça ?
– Vous devriez donner des cours, notre prof y nous apprends pas à faire des truc originaux
– C’est spécial !
– Ça irait pas chez nous comme couleur
– Maman, regarde ! Il est tout déchiré celui-la !
– C’est quoi, votre source d’inspiration ? !
– Nice ! very nice !
– L’Art, c’est subjectif !
– J’aime bien ce que vous faites
– On n’a aucune idée de la technique
– C’est beau !
– Ça ressemble à rien
– C’est spécial, quand même.
– Ah ! c’est très intéressant !
– J’aime bien votre travail
– Oh ! c’est merveilleux !
– On a déjà vu, maman ! Avance !
– Qu’est ce que ça veux dire ?
– Très beau, ça nous plaît, on repassera
– Moi, j’ai un copain qui peint sur des photos.
– Ça change de ce qu’on a l’habitude de voir
– Ça c’est original !!
– Marrant, ça !
– Ça fait comme du marbre
– C’est comme quelqu’un qui sort à travers du parchemin
– Oh la la ! qu’c’est oppressant !
– C’est la plus belle expo depuis que cette galerie est ouverte
– Ah j’adore ! c’est du collage ?
– C’est particulier, c’est le moins qu’on puisse dire !
– C’est plein de sensibilité
– C’est une recherche très personnelle
– C’est bien; je vais essayer d’amener mon mari
– Je trouve ça très, très joli
– Pourquoi vous en faites pas avec de la couleur ?
– Ça a de l’allure !
– Il y a toujours une ouverture par laquelle on peut s’évader
– C’est rare de trouver des artistes qui font… moderne, quoi !
– c’est bien de près, et aussi de loin
– C’est un boulot qui demande de la contemplation
– Qu’est-ce qu’il doit être triste, le mec qui fait ça !
– C’est très surprenant
– Pour du contemporain, c’est bien parce qu’on comprend
– Ça s’ouvre toujours sur quelque chose de merveilleux
– C’est original, ça ! J’aime bien
– c’est curieux, c’est géométrique et plein de fantaisie
– Ça, ça sort de l’ordinaire !
– c’est beau, ça crée un monde, un univers très personnel et plein de charme
– On aime ou on aime pas … moi, j’aime pas
– Y’a des trucs artistiques
– Quand je vois ça j’aimerais avoir des sous
– Ça c’est… contemporain !… Oui, c’est cela, contemporain
– Ça irait pas du tout avec la couleur de notre canapé
– Les autres tableaux, c’est du travail d’artiste… mais celui-là c’est une oeuvre!!

Texte : les visiteurs des expos de François Catrin. Peinture © François Catrin. Expo superbe actuellement à Valaurie (près de Grignan) en Drôme Provençale, à la Maison de la Tour. Si vous passez par là, faites-moi signe ! Le village aussi est sublime !
Voir le site de François Catrin ici.

L’oeil de… vu dans…ils y étaient…

On intrigue, on trame, on ourdit, on fait des pieds et des mains, voire plus. Puis on reçoit la prestigieuse invitation. On se pomponne, se bichonne, se ravale… Le soir S du jour J, on ruse pour rester le plus possible devant l’objectif du célèbrissime Henri Tullio de Paris-Match. Puis ça paraît. Las ! La photo est abominable avec, au choix ou ensemble, luisances, yeux fermés, de lapin, d’ivrogne, exorbités, poches, rides de décolleté, carnation rubiconde, air niais, attitude grotesque, geste saugrenu, dentition incertaine avec trous ou plombages apparents, triple mentonnade, bedonnite aigüe, exposition de bourrelets, désordre de vêtements et de chairs… le tout tellement minuscule qu’on n’a aucune chance d’être reconnu, coincé derrière le fringant clou de la soirée, l’immarcescible paire d’homos mondains ou l’incontournable vieille pute. Agathe Godard n’a même pas cru bon de mentionner notre nom dans le commentaire. Scandalisé, on tente de joindre Arnaud (Lagardère) qui devrait nous arranger ça vite fait : rectification, erratum, droit de réponse, précision, dommages et intérêts, bref quelque chose quoi, merde, faudrait pas non plus se foutre de la gueule des gens !

Texte et peinture © dominiquecozette

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