La petite menteuse

Vous avez peut-être entendu parler de ce livre, La petite menteuse, écrit par Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire. Il conte le viol d’une gamine de quinze ans puis l’aveu, le fait que c’était un mensonge, pendant que l’homme, faussement accusé, passait trois ans en prison.
Pour une fois, je suis partagée sur mon ressenti. D’habitude, je vous parle uniquement des livres qui m’ont plu, un peu ou beaucoup car je ne vois pas l’intérêt de dézinguer des ouvrages qui ne rentrent pas dans mon nuancier de goûts personnels.
Ce livre, ce n’est pas qu’il m’ait déplu, c’est plutôt que je n’en saisis pas l’argument. Au moment du procès en appel, une avocate est choisie par le jeune-fille qui est devenue majeure au moment d’avouer son mensonge. Et elle suppose que cette femme saura mieux la comprendre (dans son déni) que l’homme, célèbre avocat qui l’avait défendue lors du premier procès. Au début, l’avocate n’est pas au courant du mensonge, cela viendra après l’étude du dossier et le début du procès.
Dès qu’elle saura, elle va dérouler toutes les raisons qui ont amené la gamine à inventer ce mensonge. Et les raisons sont nombreuses.
C’est habile, c’est défendable, bien sûr, on y apprend pas mal de chose sur le déroulé d’une affaire mais comme je l’ai vu écrit dans une critique, c’est assez politiquement incorrect dans notre société actuelle où l’on se bat pour que la parole des femmes soit écoutée et crue. Jusqu’à en excuser les débordements ? Je ne sais pas, je n’ai pas, finalement, adhéré à la cause, au soutien tellement manifeste de cette jeune-fille — par ailleurs assez maltraitée par les garçons de son collège car elle a eu trop tôt des gros seins qui les ont appelés à abuser de sa candide féminité — qu’il sous-entendait la condamnation de tous ceux et celles qui l’avaient … entendue et crue.
Cela et son contraire donnent au livre du grain à moudre et de bonnes raisons d’être lu et discuté. C’est un ouvrage très intéressant. Le fait qu’on a laissé tomber la piste du malheureux innocent qui a séjourné en prison pour rien  m’a chiffonnée… Mais ce n’est pas le sujet.
On comprendra mieux la démarche de l’autrice, pour ceux et celles que ça intéresse, en écoutant comment elle expose son livre (lien ici). Oui, c’est complexe.

La petite menteuse de Pascale Robert-Diard, 2022 à l’Iconoclaste. 230 pages, 20 €

Texte © dominique cozette

Impunité

Oui, Impunité c’est le titre du livre d’Hélène Devynck qui a été violée par PPDA, une journaliste qui a décidé de montrer comment le viol en entreprise est une institution systémique, protégé donc par le système (patriarcal of course) qui ferme si bien les yeux sur ce que subissent les femmes, ici, en tout cas. Car « à partir d’un certain niveau de célébrité, aucun Français n’a jamais été condamné pour des faits de délinquance sexuelle. Jamais. Aucun. » Classé sans suite.
(J’ouvre une parenthèse pour évoquer DSK, mais c’est en Amérique). Et de citer les femmes qui ont eu le courage de porter plainte contre ces personnes connues.  Rien. « Le harcèlement prospère parce qu’il est autorisé, parce qu’il indiffère ou qu’il amuse mais aussi, comme le résume […] Jacqueline Rose, parce que le harcèlement sexuel est la performance masculine par excellence, l’acte par lequel un homme vise à convaincre sa cible non seulement qu’il est l’unique détenteur du pouvoir (ce qui est vrai) mais aussi que son pouvoir et sa sexualité sont une seule et même chose. » Sûrement pour cela que PPDA n’a pas nié avoir eu ces relations. Il s’assure juste que la personne est libre (à toutes il demande si elle est en couple). Et qu’elle est disponible.
L’autrice a fouillé un peu partout pour montrer comment se construit et perdure cette violence sur les femmes, pourquoi la plupart ne peut pas se défendre, avec exemple à l’appui de l’effet de sidération, et la complaisance des deux secrétaires qui ne pouvaient vraiment pas ignorer ce qu’il se passait, en cinq minutes pas plus, dans le bureau du boss.
Hélène Devynck a réussi à entrer en contact avec une vingtaine de violées et classées sans suite pour qu’elles témoignent dans ce livre. Toutes racontent la même scène, un viol (sexe, doigts ou fellation pour les malheureuses anorexiques dans la bouche desquelles il éjacule, parfois sous le portrait de sa fille anorexique suicidée). Elle montre que la justice ne répare pas, les classements sans suite étant la règle la plus courante, dissuadant les autres victimes de porter plainte. Ces hommes qui violent, eux, ne le font pas dans l’angoisse, ils font ça tranquillement parce qu’ils le peuvent et qu’ils seront impunis. La journaliste raconte que dans son métier, elle a révélé des scandales de la Vème république et n’a jamais vu l’ombre d’une rétorsion. Ah mais ici, quand il s’agit de viol, les accusés attaquent à leur tour pour diffamation. Elle sait bien que ce livre peut en entraîner car comment prouver qu’elle et toutes les autres)ont été agressées. Aucune ne s’est précipitée chez un médecin ou n’a conservé le sperme (ce qu’avait fait la stagiaire de Clinton, souvenez-vous, mais on est aux Etats-Unis).
On apprend qu’en Australie, respectueuse de la parole des femmes, lorsque l’une d’elle porte plainte pour viol, il est interdit de fouiller son passé et sa vie privé, ce qui signifie qu’aucun comportement de femme ne légitime violence qu’on lui fait subir. Ce qui est très loin de ce qui se passe chez nous puisque la violée à très souvent eu un comportement qui bla bla bla, ce qui fait la part belle aux avocats de l’accusé.
Un fait bizarre aussi est rapporté aussi. Vous imaginez le nombre de lettres qu’a reçues PPDA durant sa carrière, des dizaines de milliers, peut-être plus, mais il a réussi a montrer au juge qui prenait sa déposition des mots, des cartes et des lettres des plaignantes (qui avaient eu besoin de son recours ou avaient dû se plier à des rituels de politesse durant leur collaboration avec lui), qu’il avaient gardées et classées, évidemment/ Mais qui fait ça ? Et pourquoi ? Et comment, dans cette avalanche de paperasse ? En pensant que ça lui servirait au cas où ? Va savoir.
Une dernière chose aussi : une femme, madame K., a réussi, après une bataille de vingt-deux ans, a faire qu’une femme accusée de diffamation peut elle aussi compter sur la présomption d’innocence (je résume, mais c’est extrêmement important pour les victimes).
Ce livre est très riche, prenant, écrit dans l’urgence et ça se ressent. Mais encore une brique ajoutée au mur de l’indifférence du système.

Impunité d’Hélène Devynck, 2022 aux éditions du Seuil. 272 pages, 19 €.

Texte © dominique cozette

Satire du satyre qui sature


(D’après une tirade d’Edmond Rouston)

Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel zob,
Il faudrait sur-le-champ que je trouve une connasse ! »
Amical : « Mais il doit traîner dans vos godasses
Pour marcher, faites-vous fabriquer des échasses  ! »
Descriptif : « C’est un chibre ! … c’est un pieu ! … c’est une gaule !
Que dis-je, c’est un sgueg ! … C’est un vrai piège à cul ! »
Curieux : « De quoi sert cette diverticule ?
De rambarde, monsieur, ou de porte-manteau ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiselles
Que gaillardement vous vous préoccupâtes
De tendre cette perche à leurs petites chattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, au moment de juter,
tout ce jaillissement vous sort-elle du zizi
Sans qu’un voisin se mette vite à l’abri de la pluie ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre buste entraîné
Par ce poids, de vous planter dans le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un bon étui pénien
des fois qu’un homme jaloux le brise entre ses mains ! »
Pédant : « L’animal seul, monsieur, que vos médias
Appellent priapicanthropithèque
Dut avoir sous le ventre tant de chair sans un os ! »
Cavalier : « Quoi, l’ami, ce zob est à la mode ?
Pour pendre son pébroque, c’est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, vit magistral,
l’amollir ou le rendre glacial ! »
Dramatique : « C’est le blizzard quand il jouit ! »
Admiratif : « Pour un épéiste, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce un dard, êtes-vous un frelon ? »
Naïf : « Cette obélisque, quand la visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignole sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un zob ? Nenni !
C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’concombre grossi ! »
Militaire : « Bandez cette arquebuse ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Sifredi roi du porno :
« Le voilà donc ce membre qui du pubis de son maître
apporta tant de gloire ! Il en rougit, le traître ! »

(Image tirée des Guignols de l’Info. Droits réservés)
Texte tiré de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand.
© dominique cozette

Séparer l'homme de l'artiste ?

On dit séparons l’homme de l’artiste
on dit qu’il a violé qu’il a tué qu’il a mal fait
et on dit oh oui mais qu’est qu’il écrit bien
qu’est-ce qu’il filme bien, qu’est-ce qu’il réfléchit bien
qu’est-ce-ce qu’il fait bien la messe
on dit ne nous privons pas de ce talent si merveilleux
de cette œuvre irremplaçable
qui réjouit tant notre tête et nos sens
alors je m’avance et je dis
mais la fille mais le petit garçon
brisés liquidés torturés anéantis
gisant dans leur fracas dans leur néant
qu’auraient-ils créé
eux aussi
de beau d’irremplaçable
si on leur avait laissé le temps et la vie et le souffle
si on n’avait pas étouffé leur feu
de quoi étaient-ils féconds
si on n’avait pas dissocié l’objet sexuel
de la personne qu’ils étaient
ou allaient devenir
si un pervers habile créatif consensuel admirable
n’avait pas brisé leur élan
qui sait de quoi une toute jeune fille ou un petit garçon
auraient pu accoucher en mots en musique en danse en autre chose
qui sait ce que le viol le crime la violence le harcèlement
ont éteint ont brisé ont cramé
qui en parle de ces œuvres empêchées empêtrées mort-nées
dans les corps si fragiles
et devenus stériles arides et désertiques
ou morts décomposés
des victimes qui ont été meurtries à jamais
ruinées et saccagées dilapidées et dépecées
et je ne parle pas de celles muettes compagnes
dont on a volé pendant des siècles
les lauriers de leur science de leurs recherches de leur fougue
alors toutes ces victimes à jamais bâillonnées
aux œuvres calcinées
pensez-y avant de vous scandaliser
quand des femmes se lèvent et s’en vont
quand des femmes metoo-isent et racontent
quand des femmes défendent simplement ce qui doit l’être
le droit à réaliser leur vie leurs rêves
ou tout autre œuvre pouvant germer
des entrailles de la tête ou du corps
et qui nous manque terriblement
© dominique cozette le 8 mars 2020

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