Séparer l'homme de l'artiste ?

On dit séparons l’homme de l’artiste
on dit qu’il a violé qu’il a tué qu’il a mal fait
et on dit oh oui mais qu’est qu’il écrit bien
qu’est-ce qu’il filme bien, qu’est-ce qu’il réfléchit bien
qu’est-ce-ce qu’il fait bien la messe
on dit ne nous privons pas de ce talent si merveilleux
de cette œuvre irremplaçable
qui réjouit tant notre tête et nos sens
alors je m’avance et je dis
mais la fille mais le petit garçon
brisés liquidés torturés anéantis
gisant dans leur fracas dans leur néant
qu’auraient-ils créé
eux aussi
de beau d’irremplaçable
si on leur avait laissé le temps et la vie et le souffle
si on n’avait pas étouffé leur feu
de quoi étaient-ils féconds
si on n’avait pas dissocié l’objet sexuel
de la personne qu’ils étaient
ou allaient devenir
si un pervers habile créatif consensuel admirable
n’avait pas brisé leur élan
qui sait de quoi une toute jeune fille ou un petit garçon
auraient pu accoucher en mots en musique en danse en autre chose
qui sait ce que le viol le crime la violence le harcèlement
ont éteint ont brisé ont cramé
qui en parle de ces œuvres empêchées empêtrées mort-nées
dans les corps si fragiles
et devenus stériles arides et désertiques
ou morts décomposés
des victimes qui ont été meurtries à jamais
ruinées et saccagées dilapidées et dépecées
et je ne parle pas de celles muettes compagnes
dont on a volé pendant des siècles
les lauriers de leur science de leurs recherches de leur fougue
alors toutes ces victimes à jamais bâillonnées
aux œuvres calcinées
pensez-y avant de vous scandaliser
quand des femmes se lèvent et s’en vont
quand des femmes metoo-isent et racontent
quand des femmes défendent simplement ce qui doit l’être
le droit à réaliser leur vie leurs rêves
ou tout autre œuvre pouvant germer
des entrailles de la tête ou du corps
et qui nous manque terriblement
© dominique cozette le 8 mars 2020

Le Consentement de Vanessa Springora

Il faut du culot, du toupet, du courage, appelez ça comme vous voulez, pour raconter une telle histoire, son histoire, connue un peu de tous à une époque, mais inconnue dans le détail disséqué. Elle c’est Vanessa Springora, ancienne petite proie de GM (elle ne cite pas son nom). Il faut aussi affronter ceux qui questionnent, un chouïa accusateurs : mais pourquoi quarante ans après ? Quelle question !
Et alors ? Les écrivain.e.s s’interdisent-ils de raconter leur enfance, ou des épisodes passés d’une vie lointaine ? Pourquoi le prédateur aurait eu le droit de graver la vie de cette jeune fille dans plusieurs livres, avec son prénom et son initiale, avec les détails de sa vie, avec les lettres qu’elle lui a écrites… et qu’elle-même serait illégitime à l’évoquer au moment où elle s’y sent prête ?
Car la sortie de ce livre en soi n’est pas le sujet, quelles qu’en soient les qualités littéraires. Le sujet c’est : voici comment un prédateur sexuel connu de toute l’intelligentzia m’a volé mon innocence, m’a fait subir des pratiques interdites par la loi, comment il m’a amenée à vivre à l’hôtel avec lui, comment il a établi sa réputation, sa gloire, grâce à ses pratiques pédophiles sans que personne ne s’en émeuve. Et comment je suis restée aveugle au mécanisme de son emprise exercée sur moi. Et pourquoi ma mère a toléré tout ça ? Et mon père, même démissionnaire, qui, fou de colère lorsqu’il l’a appris, a dit qu’il allait porter plainte mais ne l’a pas fait ? Et comment un médecin, lorsque j’ai été hospitalisée pour une somatisation grave de mon mal être, lorsque je me suis confiée à lui, m’a t-il proposé de rompre mon hymen au bistouri car le sexe de l’homme ne rentrait pas, ce qui nous conduisait à une pratique dérivée ? Et oui, il a rompu l’hymen en me souhaitant une sexualité épanouie.
La question est comment se remettre de tout ça après que j’ai compris que je m’étais fait berner, alors que le prédateur continuait à me harceler pendant des années, comment il cherchait à me joindre, puis comment il ne cessait de m’envoyer des lettres ?
La question est encore : comment, quand le mal commence à s’atténuer, faire face à un nouveau déferlement de violence parce qu’un autre livre sur moi paraît, que tout ce petit monde de l’entre-soi (d’Apostrophe, entre autres mais pas que) s’en réjouit, trouve ça formidable. Comment cicatriser quand on apprend plus tard que l’éditeur n’aurait jamais dû accepter que mes lettres paraissent sans mon autorisation ? Et comment digérer le fait que « l’œuvre » du prédateur  (ma vie volée, quoi) soit à jamais sanctuarisée à l’IMEC, autrement dit le célèbre Institut Mémoire de la littérature contemporaine — à côté de Proust ou de Marguerite Duras — auquel il a fait don de tous ses manuscrits, écrits, correspondance ?
Et encore, quand elle apprend que des photos d’elle de l’époque sont sur le site du harceleur mais qu’on ne peut rien faire car ce site est géré en Asie, par un « inconnu » hors de toute législation française ?
Le livre, oui, Vanessa devait l’écrire, pour elle et contre lui, elle devait crever l’abcès, ses enfants arrivaient à l’âge qu’elle avait lorsque sa vie a basculé. Oui, elle devait expliquer pourquoi/comment une très jeune fille, sans père auprès d’elle, tombe facilement très amoureuse d’un homme mûr célèbre qui sait y mettre les formes, comment il sait l’isoler de son entourage, la couper de sa scolarité, comment il sait l’éblouir par sa culture, se l’attacher par ses flatteries permanentes et surtout, comment il est facile de la tromper.
L’innocence perdue de Vanessa Springora, comme de toutes les autres, les petits Philippins même pas pubères, des culs frais comme il l’écrit, qu’il allait sodomiser régulièrement méritait ce livre, ne serait-ce que pour que les enfants et les femmes agressés puissent parler sans honte.
Une anecdote : un jour, dévastée, elle se rend chez le vieux Cioran qu’elle connaît bien, pour lui demander de l’aide. Mais il la rabroue « gentiment », lui expliquant qu’elle doit être à la disposition de ce grand artiste et que c’est un honneur qu’il l’ait choisie.
Le ton de la narratrice n’est pas celui de la  colère ou de la violence, et aucun détail sordide sur leurs « ébats » n’est évoqué. C’est factuel, simple, sobre. Elle y narre les galères qu’elle a subies ensuite tant elle était en vrac, les dépressions, les crises psychotiques et le temps qu’il lui a fallu pour se reconstruire, même si les énormes failles sont tangibles et que le démon revient souvent la narguer. A lire pour bien comprendre la gravité de la prédation sexuelle sur les mineures (et les autres victimes).

Le Consentement par Vanessa Springora, 2020 aux éditions Grasset. 212 pages, 18 €

Texte © dominique cozette

 

 

Les Fessebouqueries #476

Alors oui, cette semaine dégouline, cette semaine ruisselle, cette semaine suinte, cette semaine sue, cette semaine exsude, cette semaine dégoutte. Et nous sommes grave dégoûtés. Comment ? Quoi ? Elisabeth Borne a pris l’avion et des vacances ? Comment ? Quoi ? Encore des grèves tout partout ! Comment ? Quoi ? Encore ces histoires de retraite ! Comment ? Quoi ? Heu… Mais oui, bien sûr, Pivot qui confond moralité et légalité, littérature et égrillarditude ! Comment ? Quoi ? Ben oui, le grand pédo de la fin d’année est démasqué, enfin non, il ne portait même pas de masque, il allait et venait en toute couillétude, couvé des yeux par ses pairs (j’allais écrire ses paires !), nan mais vraiment, quand c’est de l’art, c’est souvent du cochon, madame Ronchon. Sur ce, bonnes fêtes, bon vœux, bons vieux aussi, ne les oublions pas, et à deux mille vins, chères pompettes et goguettes, chers ivrognes et poivrots…
– RR : Mon Koh-Lanta du jour : Partir du 20ème et arriver en moins de 4 heures et 30 kilomètres au Bon Marché. On a les luttes qu’on peut
– OVH : Pour le dîner de Noël, mon mari avait acheté des oeufs de lump. Il vient de monter se coucher. Il est 21h53.
– OM : Concernant Matzneff, il me semble, qu’en son temps, il aurait surtout fallu séparer l’homme de sa bite.
– SD : JE DÉCLARE SOLENNELLEMENT QUE JE RENONCE À LA RETRAITE QUE JE N’AURAIS PAS TOUCHÉE DE TOUTE FAÇON.
– HS : Environnement. Le réchauffement climatique serait la cause principale de la disparition du second degré sur les réseaux sociaux.
– JC : On ne « convoque » pas une femme aussi admirable que Ségolène, on l’invite à un moment de convoquitude.
– GD : Mais dites moi, les autocars jupitériens n’étaient ils pas censés faire s’ébrouer ce pays dans des champs fleuris de bonheur capitaliste et d’allégresse circulatoire, sonnant le glas de ce vil cheval de fer incapable de répondre à tant de modernité échevelée ?
– OM : Et puis vous critiquez Elizabeth Borne parce qu’elle a pris l’avion mais dites vous bien que si il n’y avait pas eu cette grève, elle se serait rendue à Marrakech en RER…
– NP : Quand mon beau-père met tout le monde dehors de chez lui à 22h30 le soir de Noël parce que « c’est bien gentil tout ça mais je me suis levé tôt moi ce matin. »
– RP : A la rédaction de France Culture, si tu manifestes trop de joie pendant les fêtes, on te signale à la DRH puis on t’inscrit au fichier des personnes radicalisées.
– PA : Qu’est-ce qui arrive quand tu lances une gousse d’ail contre un mur ? Le retour du jet d’ail.
– LC : Je dis pas que je suis célibataire depuis trop longtemps, je dis juste que ce qui se rapproche le plus d’une expérience SM dans ma vie actuelle c’est de démêler les guirlandes lumineuses.
– CC : Pour celles et ceux qui ont passé cette soirée en repas familial, vous étiez dans quelle team ? Celle du « t’as besoin d’aide, tu veux que je fasse quelque chose ? » assis à table ou celle du « non tout va bien commencez sans moi ça va refroidir » debout dans la cuisine ?
– RR : « OUAIS BEN MOI J’PEUX FAIRE PAREIL C’EST NUL !! » Ginette… tout ce qu’on te demande c’est de ne pas hurler dans un musée, d’aller chez Casto acheter de la peinture pour repeindre ton garage et me laisser peinarde admirer Soulages…
– VA : Faute de train, les enfants sont partis en Colissimo, numéro de suivi: 6Q01929938642 Merci à la Poste qui fait le job, contrairement à la SNCF
– CC : —  Qu’est-ce qui vous a le plus blessé dans la vie ?  — Le couteau à huîtres.
– DA : Mes parents m’interdisent de vapoter chez eux parce que « ça laisse des particules en suspension qu’on a pas envie de respirer ici ». Sinon mon père a tué les chiottes au Air Wick, ma mère s’est aspergée 15mn de laque L’Oréal Elnett & une bougie parfumée trône au salon. Champions.
– TC : Je viens de déballer une poupée pour ma fille. Je pense que si on laissait les ingénieurs qui créent les attaches dans les boites de jouets faire les ceintures de sécurité des voitures y aurait plus aucun mort dans les collisions.
– CC : Un truc qu’il faut reconnaître à Macron, c’est qu’à la moitié de son mandat, il a appliqué la moitié de son programme : « ni de gauche »
– NP : Vous gueulez tous contre Elizabeth Borne qui est partie fêter Noël à Marrakech, mais ce n’est pas du tout de sa faute mais de celle des grévistes : au départ elle devait aller à Vesoul; mais elle a du changer de plan à la dernière minute quand son train a été annulé.
– CV : Municipales 2020 : afin de ne pas être en reste, après le désormais célèbre « Bezons de toutes nos forces » de la candidate LREM, le candidat R-Haine de Bezons a dévoilé son slogan. « Bezons. Comme des bêtes ». D’après nos renseignements, la société Marc Dorcel aurait installé ses nouveaux bureaux dans cette riante bourgade du Val d’Oise.
– AD :  — Tu fais pas grève ?!?  — Euh…non  — Vendu ! Mercenaire ! On sait où se trouve ta famille, tu vas morfler !  — Vous êtes de Daech ?  — Non CGT, pourquoi ?!?
– HT : Rappelons qu’à l’époque, chez les notaires et les curés, ça enculait allègrement du môme dans la discrétion et l’élégance, en servant la messe et en prenant le thé chez madame la baronne. Le certain milieu a bon dos.
–  MM : J’ai du mal à croire qu’il y a seulement 30 ans on plaçait la littérature avant la dénonciation de viols sur mineurs.
– BD : Bah , désolé d’être direct Mr Pivot , mais cela arrive à tout le monde de dire ou de faire de la merde. Le tout est de l’assumer , même trente ans après… La on parle de pédophilie , pas d’un quelconque vol de bonbons à l’épicerie du coin.
– GA : Nostalgie … Ah, la belle époque où les vieux schnoques pouvaient se taper de la chair fraîche sans risquer la taule…. genre des p’tites suédoises beaucoup plus marrantes que Greta Thunberg, n’est-ce pas, M. Pivot ?
– RT : Une erreur s’est glissée dans votre tweet, monsieur Pivot. On y lit « morale » au lieu de « pédophilie ». Merci de corriger.
– GA : Et pensez vous que c’est un recul littéraire ? Votre phrase le laisse penser. Et dans le même temps vs expulsiez Bukowoski. Je préfère un alcoolo à un pédophile, excusez moi.
– NP : Un argument de plus contre le départ à la retraite à l’âge Pivot : à cet âge là on n’a plus toute sa tête.
– BL : Dans les années 70 et 80, on pouvait donc se vanter de sodomiser des enfants de 13 ans sans que cela choquât Maître Pivot.
– DT : Ségolène Royal mise en cause dans son poste d’ambassadrice de la France en Arctique. Elle va devoir changer son fusil des Pôles…
– CC : Des parents formidables , des amis en or et un boulot de rêve : en plus de cela, je vais perdre deux kilos PENDANT les fêtes grâce à un cadeau inattendu, la gastro. J’espère que vous avez bien les boules.
– OVH :  Pierre Soulages 100 ans. Le noir conserve.
– FC : On rappelle aux gens qui donnent leur avis sur Matzneff, Cohn Bendit, Polanski (j’en passe et des plus vieux) que Brigitte 39 ans a flashé sur Emmanuel 15 ans. Ou c’est pas la peine ?
– RR : Si ça se trouve, à l’époque d’Emile Louis, le respect du code de la route passait avant la morale.
– OM : Pour moi l’affaire Matzneff sera vraiment terminée quand on aura condamné Matzneff, ses éditeurs, Bernard Pivot, les critiques littéraires, les journalistes, les libraires et tous ceux qui sont nés avant décembre 2019.
– CU : Et du côté de Barbarin ? Toujours pas de tweet de soutien à Matzneff ?
– CC : Affaire matzneff : si vous le voyez en train de jouer de l’accordéon, laissez-le tranquille, ce n’est pas Matzneff mais Giscard.

Et pour finir en souriant, ce poste pétillant qui ne sera pas anonymisé :
– Philippe Croizon : Ceux qui disent « le pauvre il n’a pas de bras » n’oubliez pas que je n’ai pas monté de meuble Ikea depuis 1997.


FESSEBOUQUERIES RAPPEL : Je collecte au long de la semaine les posts FB et les twitts d’actu qui m’ont fait rire. Les deux lettres sont les initiales des auteurs, ou les 2 premières lettres de leur pseudo. Illustration d’après photo web © dominique cozette. On peut liker, on peut partager, on peut s’abonner, on peut commenter, on peut faire un tour sur mon site ici. Merci d’avance.

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