Un célibataire, roman d’Emmanuel Bove datant de 1930, est ressorti sur les tables de nos libraires chéris. Je dis ça parce que oui, j’adore les libraires, les librairies, les rayonnages, les tables bien fournies de mes commerçants préférés. Je ne pourrais pas vivre loin d’elles, je peux visiter plusieurs librairies dans la même journée, j’ai des cartes de fidélité quand c’est possible, bref, je suis comme une gourmande devant un étal de pâtisseries luisantes, colorées, parfumées qui font saliver rien qu’à les regarder. Heureusement, les livres ne font pas grossir !
Donc je repère ce joli petit ouvrage très moderne, tout orange avec des petits personnages stylisés représentant quatre couples et un homme, alors, en souvenir des Bove que j’ai appréciés il y quelques temps, je me rue sur celui-ci que depuis, je retrouve partout.
Un célibataire n’est pas parmi ses écrits les plus connus mais il vaut le jus. Si on a apprécié Mes Amis, glauque certes, mais aux phrases courtes, on se délectera ici des longues phrases et périphrases expliquant le mental de ce bonhomme pas très sympatoche qui se prend pour qui. Il se prend pour un mec désirable auquel les femmes ne peuvent que succomber.
Ce monsieur a de la ressources, il s’est enrichi assez vite pour pouvoir couler des jours heureux dès la cinquantaine sur la Côte d’Azur. Précisément à Nice. Il refuse de se voir comme un vieux garçon malgré quelques manies et le refus de se réjouir des surprises de la vie. Il déteste qu’on sonne chez lui quand il n’attend personne. Il a une femme de chambre à qui il s’adresse sans douceur. Il s’est fait des amis, principalement des couples dont il courtise les épouses. Tout ceci respire la grande bourgeoisie avec ses codes, ses secrets, ses sous-entendus. Du chabrolien avant l’heure.
Alors qu’il courtise la première femme dans le livre, il croit saisir une sorte de complicité malsaine entre son mari et elle et, tout parano qu’il est, les quitte sèchement pour les punir. Et là, devant nos yeux ébahis, il élabore tout une théorie alambiquée sur les sentiments, et ce sera ainsi tout au long du livre pour notre plus grand plaisir.
Pour se venger, il va trouver une autre femme, pensant rendre la première jalouse, mais cette autre femme a eu vent de l’histoire et ne comprend pas du tout les récriminations de son hôte. Après, il en trouvera une autre, encore une façon de se venger, une très jolie femme (mariée) tellement gentille qu’il croit qu’elle se fiche de lui. Et il adoptera de nouveau un comportement de goujat incompréhensible. Cet homme haïssable n’est hélas pas un personnage du temps passé, on en rencontre comme ça souvent, genre les mâles blancs dominants bouffis d’orgueil et d’arrogance. C’est assez drôle de voir évoluer de tels olibrius. Sans compter que le style légèrement suranné de Bove se laisse apprécier comme un bon vieux cognac (hum, je n’en bois pas) dans un bon vieux fauteuil de cuir d’une bonne vieille bâtisse aux parquets cirés… En plus, ce petit livre est petit, léger, choupinet et pas cher. Pourquoi se priver de ce plaisir ?
Un célibataire d’Emmanuel Bove. 1930 avec une préface de Didier da Silva, bovophile. Aux éditions de l’arbre vengeur. 210 pages, 8€.
Texte © dominique cozette