La dernière balade de Billy, par William Burroughs Junior (73)

Le fiston du big Bill eut une vie brève hélas :  il clamse à 33 ans, le foie explosé par l’alcool, en 81. En fait non. Il avait bénéficié d’une transplantation quelques temps avant mais comme il continuait à picoler et surtout, qu’il arrêta ses médocs anti-rejet, ce fut vite plié.

Il se raconte dans ce bouquin, avec un style cash, désabusé, loin des romans « ateliers d’écriture terriblement efficaces d’aujourd’hui », on dirait un vieux qui te met en joue avec ses vérités alors qu’il n’a que 28 ans. Je le laisse parler de la fameuse scène qu’on connaît bien :

« A propos, qui suis-je ? Certains aimeraient peut-être en savoir un peu plus sur moi-même et ma famille. On me permettra donc une petite digression.
Son, lumière et brouhaha. Comme je vous le dis, docteur. Né le 21 juillet 1947 à Conroe, au Texas, à 4 heures 10 minutes du matin, sans qu’on m’ait demandé mon avis.
Ma mère était sans doute une femme extraordinaire. Durant mon existence fœtale, la quantité de benzédrine qu’elle consommait tous les jours aurait suffi à tuer Lester Madox du premier coup, tandis que Big Bill, mon père, ne voulant pas être en reste, carburait dans son style contemplato-végétatif à trois piquouses d’héro par jour. […]
Un soir de fiesta, où tout le monde était rond ou défoncé, maman a voulu jouer les Guillaume Tell. Elle s’est posé sur le crâne une pomme, un abricot, une grappe de raisin ou peut-être son fils et a défié mon père de tirer. Bill, pourtant très bon tireur, a brillamment raté son coup. Homicide involontaire. »

Bill junior a été confié à ses grands-parents paternels, dans le Missouri puis à Palm Beach en Floride, tandis que le père écrivait et continuait de se dissoudre dans la dope avec ses potes au Maroc. A 14 ans, le petit les rejoint mais l’éducation qu’il y reçoit est d’un drôle de style. Le style Tanger, quoi. Bref, il va commencer très jeune à se défoncer. De retour aux Etats-Unis, il est menacé de prison et d’une forte amende que mamie ne peut pas payer. William débarque et fait l’énorme effort de présenter beau, cravate, propre, pas craignos. Le fils sera autorisé à se désintoxiquer dans le centre-prison créé pour les anormaux, tordus, déviants de l’US society. C’est là le gros morceau du bouquin. On y apprend des tas de choses sur la dope, mais on y voit aussi ce jeune homme faire de son mieux pour s’en tirer. Il ne se plaint jamais d’ailleurs. Après un passage dans le centre de Miami, il va se rééduquer en Alaska, à la pêche crabes, dans des conditions plutôt épouvantables. Le drôle est sa compassion pour les poissons coincés dans les mailles du filet et sa pitié pour des crabes. Good guy.
Puis il revient à la vie normale — après une nuit de murge sanglante — c’est à dire qu’il se met à écrire, il a une femme dont il parle au moins pendant cinq lignes et il compense la dope par l’alcool. Après « la balade », il fera un troisième livre qui restera inachevé.
La préface du livre est rédigée par son père qui se sait indigne mais parle de son fils avec tendresse. Et la postface, non moins percutante, par le junkie writer Jerry Stahl dont je n’ai pas (encore) lu les Mémoires des Ténèbres.
Pour les nostalgiques de la beat generation, les amoureux de la littérature américaine « d’avant ». Et autres curieux. En revanche, les fanas de la bite génération risquent une légère déception.

William Burroughs junior. La dernière balade de Billy. 1973 (13ème note éditions,  2010)
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