Très gros voeux

Cher journal intime,

merci de m’avoir amenée à bon port à Saint-Domingue sur cette magnifique plage de sable blanc jonchée de beaux nordiques. Tu sais que mon voeu le plus cher est de rencontrer un très beau jeune homme pauvre qui me demanderait de l’épouser. Il me suffit de rester sur cette plage où beaucoup de jeunes hommes tropicaux (sic car je ne trouve pas le bon mot) passent. L’un d’eux vient de m’accoster et j’ai cru comprendre qu’il m’a donné ses tarifs pour une nuit avec lui. J’avoue que je n’avais pas pensé à cet aspect des choses : il me semblait plutôt que c’était moi le cadeau pour lui. Il faut que je réfléchisse à ça,  je ne vais quand même pas repartir d’ici sans avoir profité un peu ! J’ai encore six jours, j’ai le temps.
Mon deuxième voeu, cher journal, c’est de repartir, du moins fiancée, en tout cas très belle et très bronzée afin de faire la nique à toutes celles qui s’imaginent que ma vie n’est pas intéressante. Et toc, je voudrais bien voir leur gueule !
Mon troisième voeu, et non des moindres, est que mon avion de retour ne s’abîme pas en mer, premièrement, et que mes bagages ne soient pas partis sur un autre vol, avec les paréos que je viens d’acheter sur la plage à un très beau jeune homme qui va revenir cet après-midi avec des bracelets.
A suivre donc… et à la baille !

Texte et dessin photoshoppé © dominiquecozette

Salvayre : deux siècles d’aveuglement

« Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront sans maison et sans toit sur la terre que leurs parents ont conquise.
Devine qui l’écrit ? Thomas Jefferson, président des Etats-Unis. Devine quand ? En 1802, tu entends : 1802 ! Deux siècles d’aveuglement volontaire ! LA PASSION D’IGNORER. LA PASSION D’IGNORER. LA PASSION D’IGNORER. »

Texte de Lydie Salvayre.  (BW. Ed. Fiction & Cie 2009)
Photo © dominiquecozette

Dans ce bouquin, Lydie Salvayre prend la plume pour raconter l’histoire de son compagnon éditeur, BW, qui devient aveugle. Il évoque particulièrement une enfance humiliante car ils étaient pauvres et il ne pouvait pas le cacher, d’abord parce qu’il était le seul boursier. Sa mère lui fabriqua un blouson en skaï bleu, immettable, qu’il planquait avant d’arriver à l’école, mais il devait quand même garder le pull tricoté main marron à rayures vertes, car il n’avait rien en dessous,  et faire comme si c’était délibéré. Il avait des pantalons aux ourlets rallongés. Son père, hors une camionnette de service, n’avait qu’une mobylette avec un chariot dans lequel il emmenait parfois son fils, la honte totale. Je vous raconte tout ça parce que c’est un sentiment que j’ai pu aussi frôler, jeune, plus parce que mes parents n’avaient pas le souci du paraître et qu’ils étaient très occupés par leur boulot que par leur niveau de vie qui était convenable. A côté d’autres enfants toujours très bien « tenus », il y avait toujours un truc qui clochait. Mais j’aime bien avoir eu ça.

Risky business

Abortion #5
Abortion #5 ratée = naissance réussie

Il y a les conducteurs qui n’ont pas vu le stop
Il y a les conducteurs furieux après leur patron / femme / mari /autre (préciser)
Il y a les conducteurs victime d’une crise cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral
Il y a les conducteurs suicidaires
Il y a les conducteurs qui doublent sans visibilité
Il y a les conducteurs fous de vitesse et que leur importe de mourir…
Il y a les conducteurs bourrés, défoncés ou les deux
Il y a les conducteurs dont l’enfant fait coucou en lui mettant les mains sur les yeux dans un virage en épingle à cheveux
Il y a les conducteurs poursuivis par les flics
Il y a les conducteurs flics qui poursuivent une voiture louche
Il y a les conducteurs qui roulent sur une plaque de verglas ou une tache d’huile
Il y a les conducteurs absorbés par leur discussion téléphonique
Il y a les conducteurs qui regardent le match sur la télé de bord
Il y a les conducteurs sujets aux crises d’épilepsie suite à l’alternance ombre/lumière des platanes bordant la route
Il y a les conducteurs victimes d’une pulsion mortifère qu’ils sont incapables d’expliquer ensuite
Il y a les conducteurs qui se la jouent rallye de Monte-Carlo ou circuit d’Indianapolis
Il y a les conducteurs qui se font faire une douceur par la personne accompagnée
Il y a les conducteurs qui perdent le contrôle de leur véhicule
Il y a les conducteurs trop âgés pour avoir eu le bon réflexe
Il y a les conducteurs juste énervés parce que la voiture devant eux  n’avance pas
Il y a les conducteurs qui font la course entre eux ou avec le train
Il y a les conducteurs qui prennent les routes à contresens
Il y a les conducteurs qui n’ont pas une seconde à perdre pour une urgence
On peut mettre ces conducteurs au féminin, bien sûr.
Et il y a tous les impondérables trop longs à énumérer (chute de pierres, sanglier au milieu de la route…)
Et puis il y a nous qui – pour l’instant et jusqu’à quand – ne nous sommes pas trouvés sur leur chemin.
Sans parler des maladies, accidents divers, malformations fortuites, catastrophes naturelles, intempéries récurrentes, maléfices de putes.
Sans compter aussi la probabilité sur des milliards d’avoir été conçus puis d’être nés.
Alors oui, pourquoi ne pas tenter un petit loto, ne pas croire aux miracles, ne pas être fataliste. Et ne pas faire des voeux irréalisables ?
Tous mes voeux donc, et s’ils ne se réalisent pas, tant mieux, il en restera pour l’année prochaine !

Texte et photo © dominiquecozette

solo e miserabile

Cet homme rose, comme je l’appelle alors que c’est la maison qui est rose, est en train de tripoter cet appareil avec frénésie. Il ne le met jamais à l’oreille, ne parle jamais dedans, n’a pas de dispositif mains libres qui l’en dispenserait. Il ne veut pas parler parce qu’elle lui raccroche au nez. C’est pourquoi il envoie des chapelets de SMS qui racontent sa peine : Es-tu seule ce soir, est-ce que je te manque, les chaises de ton salon te semblent-elles vides ? On dit que la vie est une scène sur laquelle chacun joue son rôle. J’ai aimé l’acte 1, le coup de foudre, l’amour et tout ça, et c’était tellement bien joué. Mais je n’ai rien compris à l’acte 2, tu as tellement changé, tu m’as raconté tellement de bobards et tu ne m’as jamais dit pourquoi. Néanmoins (il apprécie ce mot désuet téléphoniquement parlant), je préfère la vie avec toi et tes mensonges que rien. Maintenant la scène est vide et le théâtre désert et si tu ne reviens pas, il vaut mieux baisser le rideau. FIN. Alors, l’homme rose éteint la lumière et sort du bâtiment. Puis se met à pleurer à torrent.*

Photo et texte © dominiquecozette d’après la chanson de Roy Turc et Lou Handman « Are you lonesome tonight » chantée par Elvis.
(*Expression made by Mroad)

Encore une mort injuste

Pâle imitation...
Pâle imitation...

C’était un des mecs les plus rebelles et les plus talentueux du monde. Il a fait scandale en dessinant des femmes, vieilles, jeunes, moches, en tout cas jamais magnifiées car il avait  crayon cruel et réaliste. Ses autoportraits n’échappe pas à cette noirceur. Les chairs sont blanchâtres, les organes sexuels rougeoyants, les corps pathétiques, les poses disgracieuses, on voit des poils et des origines du monde assez trash, et d’ailleurs il passera quelques jours en prison pour obscénité ou atteinte à la pudeur ou quelque chose de ce genre. Il s’était lié avec une femmes légère qu’il dessina sous toutes les coutures puis il épousa une gentille jeune femme. En 1915, il est mobilisé. Il continue son oeuvre et commence à être reconnu. En 1918, lors le l’expo de la Sécession Viennoise, le groupe qu’il a créé, il vend presque tout. Hélas, sa femme, enceinte de six mois, meurt brutalement de la grippe espagnole. Il la suivra trois jours plus tard. Et d’ailleurs, trois jours après, Apollinaire est foudroyé à son tour.

je le pleure encore et encore. Il n’avait que 28 ans, vous imaginez !!! Moi, j’imagine et je brandis mes poings menaçants vers le dieu qui n’existe pas et qui tue le talent. Salaud, j’y dis !!! Et comme il n’existe pas, je suis furieuse et alors je me console en me plongeant dans ses chères monographies.
A côté de ça, je me prends à tenter d’essayer de faire un petit dessin rapide, à la Egon, voilà, comme quand j’étais gosse et que je faisais Elvis de profil. Voilà ce que ça donne, ne m’en veuillez pas car je vous donne un lien avec plein de superbes dessins de cet artiste exceptionnel : lien
Si ça ne marche pas, vous tapez Egon Schiele sur Google, vous avez une palanquée de sites extrêmement nourris (comme nous ce soir, ouarf ouarf !).

Texte et « dessin » © dominiquecozette

Et joyeux Noël malgré tout…

Pourquoi tu n’es pas né ?

abortion # 4

A toi, le frère que je n’ai jamais eu car ma pauvre mère les perdait tous en route alors que les filles proliféraient, cette petite pensée une veille de nativité : tu te serais appelé Marc, tu aurais été probablement blond aux yeux bleus comme nous tous, le cheveu fin et les traits réguliers. Tu aurais peut-être fait Assas pour plaire à notre père et prendre sa succession, et tu serais  au bord de la retraite, aujourd’hui, profitant de ta fin de carrière pour réunir tes trois soeurs, leurs compagnons, tes quatre nièces et les enfants de celles-ci, bref, une grosse affaire de famille dans une belle propriété que tu aurais gagnée à la sueur de tes clients. Et puis ta femme nous aurait préparé de bonnes choses et tes enfants…???  Ou alors, tu aurais hérité de talents artistiques dont j’ai mal tiré parti et tu serais devenu le rival de Johnny, une sorte d’Higelin tom-waitsien, je t’aurais écrit des textes et ça aurait trop fort ! A l’heure actuelle, on serait tous en train de lever nos verres à ta tournée d’adieu. Mais voilà, mon Marco Cozette, tu n’es pas né, tu ne sais rien de notre famille et c’est drôlement con !

Texte et photo © dominiquecozette

La peau du ventre bien tendue

Merde ! On va encore se gaver des tas de saletés, je vais m’enfiler des coupes de champagne, puis des petits verres de sauternes, des montbazillac au dessert sur de la truffe au chocolat et des foies gras à peine cuits ou poêlés (4000 tonnes, cette année, ça fait combien de bêtes ?), des cous farcis, des chapons dodus dégoulinant de graisse, des dindes farcies aux marrons de l’Ardèche, des rôtis de biche bien sauceux, des magrets de canard, des pomerol, des moulis, des gaillac, des omelettes aux truffes, du pain et du beurre avec les coquillages, des bûches au moka, à la crème, aux chocolats blancs, noirs, des bouchées à la reine, des boîtes entières de chocolats belges, suisses et français, des marrons glacés, des saumons fumés, des queues de homard à la mayonnaise, des amuse-bouche de toutes sortes, des noix de cajou, des martin–gin, des mojitos, des manzanillas, des roquefort, des vacherins, du caviar, des oeufs de lumps rouges, des cuissots de chevreuil, en moyenne sept cents euros par ménage… Pourquoi passons-nous chaque fin d’année à nous dégoûter déjà de ce qui nous dégoûtera après, qui laissera notre organisme exsangue, notre portefeuille plat, qui nous fera grossir, nous filera le cafard mais que nous ferons quand même ? Parce que dans la Comédie Humaine, il est écrit que nous sommes obligés de subir cette épreuve afin de nous souvenir que le petit Jésus était tout nu dans de la paille avec juste le souffle de l’âne et du boeuf pour le réchauffer. Ah, bon, c’est pour ça ? On avait complètement oublié !

Texte et dessin © dominiquecozette

Les enfants de Copenhague

Ayu1W

Copenhague, donc, a échoué, OK, qu’est-ce que ça fait ? Vous avez des gosses vous ? Ils ont des gosses les divers dirigeants intervenant dans ce processus ? Oui ? Ah bon, alors c’est quand même de sales cons ! Franchement ! Car eux savent très bien que leurs enfants, les chairs de leur chair à qui ils ont donné des prénoms mignons, à qui ils ont appris à nager, dont ils ont filmé les premiers rots et dont ils trimballent la photo dans leur Iphone, savent très bien à quel destin sordide ils les condamnent en ne prenant pas leurs responsabilités. Incroyable !
Moi, j’sais pas, j’aurais des gosses, je serais intraitable avec leur avenir puisque c’est juste le but de la procréation. Mais Dieu merci, je n’ai pas eu la légèreté d’en faire, aussi puis-je continuer à me vautrer dans mon petit confort hypocrite, clim, avion, lumières qui clignotent, glaçons, spa, grosse bagnole, voyages, gadgets qu’on jettent, gaspillage en tout genre.  Le respect de la planète, pour moi, c’est du chinois, si je peux permettre. Après moi le déluge ! D’ailleurs la planète, elle se débrouillera très bien sans nous, bon débarras pour elle, on commençait à la burner sévèrement avec notre arrogance de petits maîtres du monde… Pauvre monde !

Texte et dessin © dominiquecozette

East side story…

Ma Ludi chérie, excuse-moi ma poule, je ne serai pas à notre mariage et il ne faut pas que tu sois triste. L’homme que tu devais épouser n’existe plus. Il s’appelait Lucien comme moi, était un peu timide, un peu intro, et même terriblement complexé. Mais depuis mardi, cet homme n’existe plus. Depuis cette fameuse nuit où j’ai enterré ma vie de garçon. Trop fort ! Tu ne peux même pas imaginer la dinguerie. Nico et Fred, après m’avoir fortement alcoolisé, voire plus, m’ont abandonné dans un endroit où il y avait je ne sais combien de canons. Je veux parler de femmes et tu peux voir sur la photo prise par je ne sais qui que je n’exagère rien. Des Russes, des Lituaniennes, des Bulgares, des Tchèques, des Slovaques, bref un cocktail de nanas de l’est qui n’ont froid ni aux yeux ni ailleurs. Et, même si je sais que ça va te fendre le coeur, elles m’ont fait découvrir un monde, un monde !!! dont je ne reviendrai jamais, ma pauvre Ludi. Je suppose que ce genre de fiesta a été inventée pour tester la motivation des futurs maris : eh bien j’ai flanché. Je ne suis plus du tout motivé à l’idée de passer mes soirée devant la télé en te caressant la cuisse et en espérant que tu n’auras pas trop mal à la tête pour accepter une petite toupie polonaise (un truc !!!!). De passer nos vacances à Carnac à t’oindre le dos d’huile solaire alors que alors que… bref il y a tellement de choses à faire avec de l’huile solaire. Maintenant, si tu acceptes d’épouser un tout autre homme, le voici : il s’appelle Lulu, il est marrant, il mate les filles, il est lubrique et décomplexé du gland, il a envie de te prendre comme jamais personne ne saura le faire et de passer avec toi des nuits d’enfer. Et peut-être pas qu’avec toi car il aime partager. Voilà, ma Ludi. Je pense que tu ne perdras pas au change. Je t’embrasse où tu ne sais pas encore et t’attends, fébrile, devant l’hôtel. Je veux dire l’autel.

Texte et photo © dominiquecozette

Souffre-Douleur and Ass.

J’aurais préféré que ce nom fût en anglais, mais je ne l’ai pas trouvé dans mon dictionnaire. Je me suis dit que pour me développer internationalement, le nom en français est difficile pour un anglo-saxon. Mais commençons par notre beau pays, la France. Souffre-Douleur and Ass., qu’est-ce ? C’est une association sans but lucratif mais où on peut se faire de la thune, comme la SACEM par exemple, avoir pognon sur rue et une belle hôtesse à l’accueil. L’idée de base c’est de louer des gens pour faire office de souffre-douleur dans une famille tellement stressée par le travail qu’ils se foutent sur la gueule tous les soirs. Enfin, pas physiquement (Ça sera mieux dit dans la brochure). Donc la personne a les clés de la maison et attend que le mari exténué ou la femme au bord de la crise de nerfs entre. Le Souffre-Douleur doit alors prendre un air énervant, c’est à dire con, mielleux, en posant une question idiote genre : ça s’est bien passé au boulot, chéri ? Et alors, l’autre, son sang ne fait qu’un tour. Et ça pleut comme à Gravelotte, et ça pleut, et ça pleut. Et puis à la fin, le Souffre-Douleur fournit une pile d’assiettes achetées au vide-grenier pour que la personne qui souffre puisse se défouler à donf. Sur option, la scène est filmée avec  une caméra sur pied, ou avec une équipe allant de deux personnes à vingt (chef-op, électros divers, gaffeur, perchman, maquilleuse, coiffeuse, etc… plus montage, post-production, plus ensuite mise sur daily motion). C’est en fonction des moyens de la personne. Un marché-test est prévu en région parisienne auprès d’employés de Pôle-Emploi.
Une section concernant des Souffre-Douleur à mettre à sa place dans  les manifestations est actuellement à l’étude. Ainsi que des souffre-douleur qui remplaceraient une députée européenne tellement stressée de faire ce boulot de con (7661 euros bruts mensuels plus les indemnités, la pauvre !)  qu’elle aurait peur de péter un câble et de ne pas finir son mandat.

Texte et peinture sur tôle © dominiquecozette

Texte et peinture sur tôle © dominiquecozette

Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial
Twitter