Est-ce ainsi que les hommes jugent ? est le troisième roman de Mathieu Ménégaux, le premier que je lis. C’est caillant. Ça commence par le chapitre des victimes : une fillette et son père adoré qui vont tous les samedi fleurir la tombe de la jeune mère. Ce samedi-là, le père est d’astreinte alors il se dépêche de faire les traditionnelles courses plus l’achat des fleurs au centre commercial. Pour gagner du temps, il envoie sa fillette devant, le temps qu’il paie. Mais elle a disparu, non, elle hurle dans les bras d’un homme qui essaie de l’enlever. Le sang du père ne fait qu’un tour : il aura ce salaud. Le salaud lâche la fillette et monte dans sa Mégane. Le père tente de l’empêcher de fuir, hélas, le salaud appuie sur l’accélérateur et tue le père devant sa fille. Deux vagues témoins, c’est tout.
Puis trois ans plus tard, un cadre sup, menant une vie tranquille entre une femme parfaite et ses deux fils, prépare la réunion qui va le propulser au sommet de sa carrière. C’est ce matin-là qu’une armada de flics fait irruption dans leur maison pour perquisitionner et l’arrêter. Il ne sait pas, ne comprend pas, on ne lui dit pas pourquoi. Il est persuadé qu’en une heure, les flics vont s’apercevoir qu’ils font erreur sur sa personne et le relâcheront à temps pour la réunion. Mais non. Il est embarqué en tenue peu valorisante sous le regard du voisinage et placé en garde à vue. Et maltraité psychologiquement car le flic en chef est enfin arrivé à honorer la promesse qu’il avait faite à la fillette : trouver l’assassin de son père, cet immonde salaud. Et là, tout concorde, il est sûr de lui, les présomptions de preuves en témoignent.
La narration de la garde à vue fait froid dans le dos. Surtout quand on l’amène complètement dépenaillé sur son lieu de travail pour perquisitionner dans son bureau. Peu à peu, le lecteur se demande si après tout ce n’est pas lui le coupable, tout l’accable et on le sait, nombre de coupables savent parfaitement jouer les innocents.
Cette sombre histoire va donner lieu à des rebondissements imprévus qui mettent en jeu les réseaux sociaux et leur propension à exercer leur justice populaire. Une force destructrice très bien racontée ici.
Ce roman est une sorte de polar avec un titre qui donne bien le ton de la narration. Et auquel on sait qu’on va répondre : oui, c’est comme ça, et ce n’est pas illégal.
Est-ce ainsi que les hommes jugent ? de Mathieu Ménégaux, 2018, aux éditions Grasset. 230 pages. 18 €
Benoîte Groult écrivait beaucoup, beaucoup. Une de ses filles, Blandine de Caunes (fille de Georges) a pris le temps de trier ses nombreux journaux pour faire un livre assez passionnant sur ses vacances en Irlande de 1977 à 2003. Journal d’Irlande donc. Avec son mari, Paul Guimard, écrivain et conseiller-ami de Mitterrand, ils décident de faire construire une maison en Irlande, dans un endroit magnifique entouré de mer, parce que Benoîte est une pêcheuse hors normes, elle adore ça, elle la pratique depuis son enfance, sous différentes formes : à pied, filets, nasses, casiers, etc. Elle pêche tout et l’intéressant, en Irlande, c’est qu’on ne mange pas de fruits de mer. Donc ça grouille de crabes, bouquets, crevettes, homards, coquillages. Et de poissons aussi, bien sûr.
Le problème de l’Irlande, c’est qu’on se pèle en plein été. Tout le temps. Mais ça ne rebute pas le couple qui passe, surtout elle, ses journées à ça, à poser ses casiers, remonter les casiers, démêler les bêtes des filets, vider celles qu’elle garde dans la saumure… c’est physique, c’est lourd, c’est mécanique aussi avec les fréquantes pannes, elle rentre toujours trempée, mais c’est une passion. Et c’est tellement bon.
Sauf que.
Elle n’aime plus son mari. Elle y est attachée mais c’est tout. Surtout qu’il ne fiche rien, qu’il va se laisser vieillir et décatir sans réagir.
Mais
elle a un amant, un Américain qui l’aime depuis 1945 mais dont elle n’a pas voulu alors. Il est lui-même marié à une femme riche et jalouse. Mais Benoîte et lui se ménagent des périodes où ils s’envoient en l’air à longueur de journée et de nuit, dans cette maison comme dans celle de Bretagne. Malheureusement, il est bête à manger du foin. Mais tellement amoureux qu’elle passe là-dessus. Ça lui fait tellement de bien.
Et pendant ces 25 ans, on suit les personnages du journal dans le temps toujours pourri de l’île, sa bouffe pourrie, ses maisons affreuses, on les voit vieillir, ce qui n’est pas réjouissant et recevoir des amis comme Mitterrand alors président, les Badinter, des voisins, Annie Chaplin, fille de, qui fait de la bouffe dégueulasse.
Peu à peu, Paul qui boit comme un trou, mais tout le monde ici, même l’autrice, ne supporte plus de consommer la pêche, ça devient pénible mais elle s’accroche. Sa façon de raconter est marrante parce qu’elle lance des piques à des tas de gens, elle est très cash dans ce qu’elle livre et c’est assez drôle même si je n’aimerais pas être à sa place. A la fin, ils décident de vendre la maison car elle a perdu ses forces, ça devient dangereux, tout se dégrade autour d’eux, il est souvent malade, un élevage de saumon pourrit la mer et ce perpétuel temps froid, pluvieux, venteux, finit par taper sur le système. Oui, bien sûr, il y a les paysages sublimes, mais elle s’est fait de vrais amis, elle y reviendra s’il le faut.
Vraiment intéressant, avec ce petit suspense sur cette double relation mari/amant. Que va-t-elle décider ?
Journal d’Irlande de Benoîte Groult aux Editions Grasset. 2018. 432 pages. 22 €.
J’avais adoré Le secret du mari (voir mon blog), de Liane Moriarty, écrivaine australienne très psy à suspense. Avec Petits secrets, grand mensonges, rebelote. Au début, j’ai eu un peu peur de m’être fourvoyée avec cette histoire de mamans et de gosses en maternelle qui font une choucroute d’une petite histoire de cour de récré. Et j’ai bien fait de poursuivre car cette diablesse d’autrice sait ajouter un par un les ingrédients qui vont pimenter le cours des choses. Il y a les mamans têtes à claques qui prennent leurs mômes pour des génies, les mamans serre-tête mères la morale, et les plus normales, les sympas. Il y a aussi les dessous des mariages, les fameuses unions parfaites qui cachent bien des saletés. Il y a aussi les histoires perfides de l’ex remarié avec une jeunette et qui devient l’homme idéal après avoir abandonné la première avec sa petite. Il y a la jeune mère célibataire dont la conception du gamin laisse un sale goût. Il y a les violences conjugales, les pardons, les menaces, les horreurs de la vie ordinaire quoi. Il y a le café au bord de l’eau où le bel homo sert de bien bonnes choses et réconforte les plus fragiles. Et il y a les petits mensonges des enfants pour embrouiller le tout.
Ça se passe dans une station balnéaire où ils vivent à l’année, ça sent l’iode, et les petits rituels anglo-saxons se succèdent, les bienvenues de rentrée des classes, les soirées de parents, les soirées quizz de bienfaisance. Et puis, le drame. Qui est réellement responsable ?
Un très bon livre d’été, ça se dévore comme un chouchou tombé dans le sable, ça grince sous les dents, quoi.
Petits secrets, grand mensonges de Liane Moriarty, 2014 pour la VO. Traduit par Béatrice Taupeau. Editions du Livre de poche. 576 pages, 8,20 €.
Une série en a été tirée : Big Little Lies, avec Nicole Kidman et Reese Witherspoon.
Martine ? Camillieri, bien sûr, avec son nouvel opus Tout en kmion qui complète le premier Jamais sans mon kmion. La lecture de ce livre joli, pratique, indispensable et appétissant rend gai. Fait pour les routards qui adorent aménager à leur façon leur petite roulotte personnelle pour tailler la route un peu partout dans le monde, échappant aux concentrations des campings et autres lieux pour gros véhicules tout faits. Détail important : Martine ne part jamais sans Bernd, son chauffeur, installateur, pêcheur, cueilleur etc etc. Il n’est pas à vendre.
Dans ce livre, Martine raconte de façon ludique la vie d’aventuriers au long cours et les astuces, aménagement, trucs, recettes pour voyager loin et bien, dans les endroits les plus sauvages de la planète. Que manger en pleine nature, comment faire son frichti pour trois francs six sous, comment être vraiment écolo et nature friendly ? Chaque couple explique ce qu’il est important de savoir, dévoile le plan de son véhicule, indique avec quels tutos il l’a perfectionné, comment on fait pour l’hygiène, les déchets, les choses de la vie, quelles cartes et quels sites sont indispensables…
Dans ce livre, une farandole de photos joyeuses et surtout une bonne centaine de recettes « de peu », les recettes de Martine à déguster au bord d’un fjord, d’un lac ou sur une plage grecque, les ingrédients à avoir absolument, surtout aromates, graines et provisions. Elle, c’est jamais sans mon presse-ail, son mini magic mixer. Elle donne la liste des indispensables. Vous n’oublierez rien si vous suivez ses conseils. Une tonne d’infos sur ce qu’il faut connaître des pays visités ou comment ne jamais galérer en cas de pépin.
Ce livre est formidable pour ses enseignements et surtout, il fait voyager immobile, avant même de partir (sans partir en ce qui me concerne) tellement il est accélérateur d’évasion. Je ne parle même pas des recettes fraîches, originales et détaillées qui font venir l’eau à la bouche ! Miam.
Tout en kmion par Martine Camillieri. Eté 2018 aux éditions de l’Epure. 300 pages, 20 €.
Ecrit par Négar Djavadi, ce livre est un pur moment d’enchantement. Mais un enchantement très bousculé : drames, meurtres, trahisons, amour, révolution… tout y est. La narratrice, tout comme l’autrice, est née en Iran puis a émigré clandestinement en France à 10 ans, avec sa mère et ses deux sœurs. A Paris, où s’était déjà planqué son père pour échapper aux rétorsions du shah dont il était un farouche opposant. Puis un aussi farouche opposant à Khomeini. Kimiâ est né le jour où Nour, la grand-mère adulée de sa grande famille, est morte. Elle est en quelque sorte sa réplique, une fille pas comme les autres, adorée de son père qui ne voulait pas d’enfant. On ne peut pas résumer ce livre qui nous raconte les trois générations d’Iraniens, les oncles Sadr appelés par leur numéro, l’arrière-grand-père qui possédait un important harem et ne voulait que des enfants aux yeux bleus.
Négar nous embarque dans l’immense fresque des régimes d’après Perse, les drames orientaux engendrés par les politiques, les Usa, le pétrole, la guerre Irak-Iran vu à travers le prisme de cette famille, zigzaguant très habilement entre présent et passé, retardant toujours le moment d’évoquer « l’événement », cet immense drame familial, puis leur installation à Paris. Au départ, elle n’aime pas le français — elle dépend d’ailleurs les Parisiens sous un jour peu flatteur, tels qu’ils sont, pénibles —, elle ne reconnaît plus ses sœurs et ses parents qui tous, ont été transformés par l’exil. Elle ne sait pas qui elle est, un garçon aux attributs féminins mais pas trop. C’est le spleen, elle se débrouille au lycée, s’emmerde royalement, jusqu’au jour où elle découvre U2. Tout s’éclaire pour elle, sa vie est là, dans cette musique. Elle entreprend une vie décousue, punk, marginale, s’autorise tous les excès, toutes les expériences. On sait, puisque c’est le début du livre (j’allais dire du film tellement on voit les images) qu’elle va se faire inséminer, que le père de l’enfant n’est pas son compagnon et qu’il est séropositif.
Son écriture est imagée, brillante, voire éblouissante. Les vies successives de l’héroïne y sont relatées avec humour et réalisme, les traits de caractère des intervenants sont tranchés, vifs et précis comme dans une bible de série (elle est scénariste et a réalisé), les péripéties sont inattendues et le style très personnel, nous prenant parfois à partie de façon cavalière.
Le moment le plus difficile est celui de la dernière page. Quoi ? C’est fini ? Et nous alors ? Hé oui, l’histoire est bouclée, avec un immense talent. Quel joie, ce livre ! Il a reçu vingt prix !
Désorientale de Négar Djavadi, 2016 aux éditions Liana Lévi. 356 pages. (prix occulté parce qu’on me l’a offert.)
Show devant pour traduire You gotta have balls, de Lilly Brett, bizarre, bizarre. Balls fait référence dans le charabia yiddish du pépé aux boulettes de viandes qu’affectionnent les Juifs, l’histoire se passe dans cette communauté, et qui feront parler d’elles à la fin du livre. La narratrice, Ruth, vit confortablement de son boulot d’écriture de lettres et de cartes, son mari aimé vient de partir pour 6 mois en Australie tandis que son père, veuf, rescapé des camps, quitte l’Australie pour la rejoindre à NY. Elle l’adore mais il est un peu encombrant. Elle le nomme responsable des stocks, il faut voir ce qu’il achète ! Ils partent un temps en Pologne, son pays, et là, ils rencontrent deux femmes dont une, au physique spectaculaire, vibrante, énergique qui s’éprend de lui. Au grand dam de Ruth. C’est juste les vacances. Mais plus tard, le père fera venir les deux femmes à NY et les installera chez lui. Cette intimité déplaît fortement à Ruth, la met mal à l’aise, d’autant plus c’est elle qui paie pour tout, alors que tout le monde, enfants de Ruth inclus, trouve formidable la nouvelle vie du patriarche. L’angoisse de Ruth ne cessera jamais de monter surtout quand le père (87 ans) lui annonce qu’ils vont monter un restaurant de balls, de boulettes délicieuses que même Ruth adore ! Mise à contribution financièrement, elle n’approuve pas le projet.
Petite comédie sympa pour les vacances avec des tas d’idées de boulettes et même, à la fin, de vraies recettes appétissantes.
Show devant(You gotta have balls) de Lilly Brett 2006. Chez 10/18 en 2016. Traduit par Bernard Cohen. 360 pages. prix poche.
David Wahl est comédien de théatre, et écrivain. Cet opuscule, le quatrième de la série, s’appelle le sale discours ou géographie des déchets pour tenter de distinguer au mieux ce qui est propre de ce qui ne l’est pas. En fait, c’est une causerie, un texte pour raconter sur scène comment, au fil des siècles, notre conception de la saleté a changé. C’est extrêmement drôle car très étonnant mais parfaitement historique. C’est succinct mais brillamment illustré par des croyances de médecins de l’époque mais au vu de ce qui se passe aujourd’hui sur ce qui est tolérable ou nom pour la santé de l’espèce humaine, rien ne nous étonne. Sauf qu’aujourd’hui on en sait beaucoup.
Je résume le début pour donner le ton : ça se passe au XIIème siècle, au temps où le saleté régnait dans Paris puisqu’on jetait tout dans la rue, y compros les déjections humaines, que les animaux y vivaient. Le roi énorme Louis le Gros avait un fils superbe, Philippe qu’il vénérait. Mais au cours d’une chasse, un gros porc buta dans les jambes du cheval de Philippe. Il tomba, le cheval affolé le piétina et il mourut. De rage et de chagrin, Louis le gros décréta que le porcus diabolicus était un terroriste de l’enfer. Il prit une mesure qui tient toujours : interdire aux porcs de circuler librement. Les cochons qui mangeaient leur propre merde dégoûtaient tout le monde. Mais on s’aperçût que la vie était encore plus putride sans les porcs car ceux-ci la nettoyaient en s’empiffrant d’immondices.
Autres pages surprenantes : quand l’eau était considérée comme un élément qui empoisonnait le corps, donc surtout, ne pas en boire, ne pas la toucher. Vous imaginer la crasse des gens ? C’était ça qui les protégeait. A une autre époque, les odeurs, toutes, étaient nocives. Il ne fallait plus respirer les fleurs, la campagne était bien plus dangereuse que la ville/
C’est tout petit livre joli écrit gros mais dense en informations. Et qui fait réfléchir. A l’heure où on se croit propre, on est vraiment des pourritures en produisant autant de déchets (dont nucléaires).
« Je suis bien peinée de le reconnaître, mais Platon s’est affreusement planté. L’homme n’a vraiment rien d’un porc. Le porc est sale et nettoie. L’homme est propre et salit. »
Ce texte est extra, ça donne envie de lire les trois premiers et surtout de voir David Wahl les raconter sur scène. Et aussi de l’offrir a des amis qui ont encore un peu d’esprit. Pour en savoir plus, son site ici.
Le sale discours ou géographie des déchets pour tenter de distinguer au mieux ce qui est propre de ce qui ne l’est pas de David Wahl aux éditions Premier Parallèle. 2018. 80 pages. 10 €
Plus de 800 pages, ajoutées aux presque 900 pages du tome 1 (le tome 1, c’est ici), c’est un très gros dossier le Dossier M que Grégoire Bouillier consacre à son amour perdu, M. Une voix le condamne à dix ans pour s’en guérir. Dix ans d’expiation sur lesquels rôdent le suicide pourri de Julien après que le narrateur a couché avec sa femme. A la fin du tome 1, je me demandais que ce que Grégoire Bouillier pouvait bien avoir encore à dire puisque tout est fini avec M. Définitivement puisqu’elle s’est mariée après qu’il ait raté le rendez-vous d’amour qu’elle lui avait donné et qui aurait pu tout changer. Une nuit entière pour conclure enfin. Car Grégoire Bouillier n’a jamais couché avec M. Près de 1800 pages pour une histoire mince comme le mode d’emploi d’une essoreuse à salade ! C’est qu’il va tout essorer de cette histoire !
Il va donc commencer par tâcher de remplir ce temps vide et vain qui s’ouvre devant lui. Ramasser des nacres sur la plage de Bretagne de son enfance à Plurien (!). Décrire cette tâche, la beauté des coquillages, la vacuité du village. Il n’a plus de vie sociale ou affective car il ne répond plus au téléphone, des fois que M appellerait et que la ligne soit occupée. Pourtant, juste avant le mariage qui a lieu en Californie, il va s’y rendre, il connaît Los Angeles, et saccager la cérémonie pour enlever la mariée. C’est décrit en détails. C’est tellement détaillé que je pense qu’il attige de pomper l’histoire du Lauréat. Mais c’est vraiment l’histoire du Lauréat. Il adore Ali Mac Graw, c’est la première qu’il a adorée. Ensuite, il évoque avec nostalgie Béatrice, la fille de sa classe qui les faisait tous baver, son premier baiser alors qu’à treize ans, son sexe n’était qu’un vermicelle. Lorsqu’il revient à la rentrée, Grégoire va lui montrer qu’il est devenu un homme pendant les vacances, qu’il peut bander, hélas, elle s’est évaporée de la région. Il va alors faire le rapprochement entre Béatrice (BM) et M (MB) qui est son exact contraire. Et amalgamer Ali Mac Graw avec elles. D’où la scène dans l’église.
Un an après, il va rencontrer Patricia qui est M plus tard, avec dix ans de plus, sans l’être. Il ne sait pas qu’elle est mariée quand il a le coup de foudre mais il Julien se pointe, ils ne s’entendent pas bien tous les deux. N’empêche, Grégoire donne une petite clé à Julien, pourquoi ? Mystère. Mais elle va compter. La semaine suivante, Patricia va s’offrir à Grégoire et celle d’après, Julien va se suicider en l’accusant d’avoir baisé sa femme. Passionnant.
Durant toutes ces années de rien, il va nous raconter des histoires dont une sous forme de feuilleton, un navigateur du tour du monde en solitaire qui s’est suicidé pour ne pas montrer qu’il a triché, l’histoire de Kokoschka, peintre autrichien, qui fit faire une poupée grandeur nature à l’effigie de sa maîtresse partie, la femme de Gustave Malher, il organise des nuits entières de poker dans son appartement, puis il décrit toutes (ou presque) les femmes qu’il a consommées, rencontrées, croisées depuis M, avec acharnement, clairvoyance, humour ou désespoir. C’est parfois très drôle, souvent étonnant, toujours palpitant. Des histoires de bar où il passe souvent ses soirées à se bourrer la gueule, à rencontrer des gens, surtout des femmes.
Il se donne des missions comme retrouver l’enregistrement du concert de Miles Davis un jour précis d’octobre 82, auquel il a assisté puisqu’il a encore le ticket du Théâtre de la Ville, pendant lequel tout s’est arrêté car les plombs ont sauté. Miles jouait électrique alors. Du coup, il s’est mis à jouer a capella, avec quelques éclairages de fortune, jusqu’à ce que l’électricité soit rétablie. Il a mis trois mois à trouver la bande car en 2005, il y avait moins de choses sur Internet. D’ailleurs, il a créé un site sur lequel il poste tous les liens ou les photos ou les textes se rapportant au dossier M, à chaque fois qu’il en ressent le besoin. L’enregistrement (très rare) s’y trouve. Il se donne d’autres missions, bizarres, impossibles. Il ne réussit pas forcément.
Ce livre est indescriptible. C’est une somme. C’est comme passer plein de temps avec un ami qui ne vous lâche pas la grappe sur son problème sentimental, qui se prend le chou pour analyser chaque détail qui l’en rapproche ou l’en éloigne ou l’enrichit, c’est obsessionnel, prise de tête permanente. Mais brillamment exprimé, écrit de telle façon à ce qu’on s’ennuie pas, car on peut sauter quelques redondances. Il écrit lui-même quand il s’attaque aux soirées poker qu’on peut sauter jusqu’à la page 311 si on n’est pas fan.
Une partie très forte du livre, c’est lorsqu’il évoque l’épisode du mail envoyé à Sophie Calle et la vengeance de cette dernière « une femme qu’on ne quitte pas », à savoir son énorme expo qui a marché du feu de dieu. Une humiliation qui va faire le tour du monde. Il accepte malgré tout de la revoir, mollement. Elle l’invite au vernissage qui a lieu à Venise puisque Sophie Calle y représente la France avec ce travail. Il n’ira pas. Il acceptera cependant d’aller la voir à Paris, après le clap de fin, en privé. Il a du mal à regarder ce que les 107 femmes ont fait de sa lettre, beaucoup sont des amies de Sophie, donc très malveillantes envers lui. Décortiquée ainsi, l’œuvre « prenez soin de vous » est à revoir si vous avez le livre. Beaucoup de choses prennent un autre sens vues de l’autre côté, ce n’est pas un scoop. Passionnant. L’écrivain aura bouclé la boucle avec l’histoire de Patricia et du suicide de Julien.
A la toute fin, il nous ramène à Picasso qui était là au début du tome 1 à propos du suicide de son ami. Cette fois, il s’agit de l’élaboration d’un tableau par le peintre, c’est passionnant à voir, il recouvre sans arrêt ce qu’il fait par autre chose, redéfait, refait, c’est dans le site (à voir ici) mais rébarbatif à lire sans l’image.On saura que sa peine est finie dans le dernier paragraphe…
Si vous aimez les vagabondages littéraires, foncez, mais prenez le au début au tome 1. C »est un peu du Proust moderne. Pourquoi pas ? Je le trouve formidable !
Grégoire Bouillier. Le dossier M. (Livre 2). 2018 aux éditions Flammarion. 868 pages, 24,50 €.
Quel livre, mais quel livre ! La couleur des sentiments est le premier (et le seul, pour l’instant) roman écrit par Kathryn Stockett. Pour ceux qui (comme moi) ont du mal à trouver un éditeur, sachez que ce livre formidable a été refusé par 60 agents littéraires pendant trois ans, puis, une fois édité, est vite grimpé à un million d’exemplaires aux E.U. Aujourd’hui, avec les éditions de poche (et peut-être le film qui en a été tiré), on en est à 7 millions dans le monde. Ce n’est pas non plus parce que c’est un best seller que c’est un bon livre. Peut-être. Mais il m’a énormément plu.
L’histoire se situe au début des années 60, à Jackson, Mississipi, là où la ségrégation raciale est la plus violente. Les trois héroïnes principales — elles se racontent à tour de rôle — sont deux bonnes noires et une femme blanche.
La première bonne adore élever les jeunes enfants de ses maîtres blancs, elle en a eu dix-sept, y compris dont elle a la charge actuellement, négligée par une mère sèche. Elle quitte toujours ses maîtres avant que « ses » enfants deviennent racistes, comme eux. Elle-même a perdu son propre fils étudiant qui promettait de faire de bonnes études et de s’en sortir. Il écrivait un journal sur la vie des Noirs.
La deuxième bonne, grande gueule, a quatre gosses et un mari alcoolique et violent. Elle fait avec, on ne quitte pas le père de ses enfants. Sa dernière maîtresse vient du bas de la société blanche, elle est givrée, mais elle aime sa bonne comme une amie (elle n’en a pas d’autres). Elle fait tellement de bêtises que sa bonne lui sert de garde-fou, secrètement, laissant le mari croire que sa femme est une super maîtresse de maison. Il n’est n’est pas dupe et tellement amoureux !
Quant à la femme blanche, elle veut absolument devenir écrivain et commence à rédiger, grâce à la première bonne qui lui apporte son aide, un livre où de nombreuses bonnes témoignent sur la façon dont elles sont traitées par les Blancs. Parfois très bien, souvent très mal. Elles font cela dans le plus grand secret car dans cette société bien-pensante, toutes trois se mettent terriblement en danger. D’autres intrigues passionnantes se nouent sur ce tronc principal.
Ce livre est construit de telle façon que chaque chapitre offre un suspens haletant, un vrai page-turner comme on dit en bon français. Ce récit nous attrape par les sentiments, l’urgence, l’envie que tout se passe bien… mais il est dense et gros, chaque événement devient une menace pour l’une ou l’autre des protagonistes qui redoutent de terribles rétorsions. Et c’est comme ça jusqu’à la toute fin. Un livre palpitant qu’on a du mal à lâcher.
La romancière sait de quoi elle parle. Elle a effectivement vécu à Jackson. Elle a eu une bonne aimante et c’est en son honneur qu’elle a décidé de faire ce livre. Elle a écrit une petite postface à ce sujet. La couleur des sentiments de Kathryn Stokett aux éditions Babel, 2009 aux USA (titre : the Help), 2010 chez Actes Sud. Traduit par Pierre Girard. 608 pages. 9,70 €
Sur un prélude sans come-back, la semaine commence péniblement avec l’envol de Maurane. Heureusement, les ami.e.s, que nous pouvons compter sur la fête à Macron pour nous apporter autant de joie qu’une déclaration de Trump ou une grève d’arrière-train sans Weinstein à Cannes. Sans Godard non plus. Heureusement encore qu’on a l’Eurovision avec l’espoir que Monsieur se comportera mieux avec Madame qu’à Koh Lanta. Pendant ce temps, Proutine et Merdevedev, amis de toujours et les Herbiers pas si chiants retournés chez les Chouans. On s’en remettra, de tout ça.
– DT : Après le fromage de Hollande, la feta Macron.
– PR : Recherche parti politique de gauche à vocation gouvernementale. Faire offre.
– HS : Face à l’ampleur sans précédent de la manifestation (38 900 personnes), un gouvernement fébrile annonce le retrait de l’ensemble des réformes. Emmanuel Macron se serait par ailleurs envolé en hélicoptère de Nouméa vers Baden-Baden, assure Le Media.
– MK: (la presse) « Le chômage baisse donc Pôle emploi va… licencier ». Comme il y aura alors plus de chômeurs, Pôle emploi va recruter de nouveau. Eh, eh, c’est qu’il y en a dans la tête des technocrates qui nous dirigent, hein !
– RU : Maurane : Elle avait donné un concert dimanche après deux ans d’absence et préparait un album hommage pour les quarante ans de la mort de Jacques Brel. Elle a poussé l’hommage un peu loin selon sa maison de disque.
– CC : Sur un prélude un peu trop tôt tout de même.
– YB : Cannes 2018 : palme d’honneur à Harvey Weinstein pour l’ensemble de son oeuvre
– LD : Mon voisin 85 ans a réussi à parcourir 12 km en contre sens sur l’autoroute . Après on dit que les vieux ne savent pas conduire.
– AB : Le 8 mai 1945, après avoir séché ses larmes, Jean-Marie Le Pen, 17 ans, se dit qu’il serait temps de s’inventer un passé de Résistant.
– HM : C’est curieux les guerres, d’abord on commet morts, puis plus tard on commémore.
– LB : Les parents qui font louper l’école à leurs enfants pour « partir en vacances » et de fait se moquent de la scolarité obligatoire, sont bien les mêmes qui viennent gueuler quand un instit est absent ou fait grève ?
– AB : Vu sa chute dans les sondages, le benêt du bullshit Wauquiez organisera sa propre FêteÀLolo privée avec ses derniers fidèles dans les toilettes du siège des LR.
– SE : C’est scandaleux ! Assise face à deux enfants dans le train, j’ai demandé à changer de place pour plus de tranquillité et on me l’a refusé, sous prétexte que c’étaient les miens ! SUPER, MERCI LA SNCF !
– JB : La seconde guerre mondiale a provoqué de nombreux jours fériés, qui ont fait du mal à l’économie. STOP LA GUERRE.
– JT : Bon les jeunes pour la FêteAMacron ne saccagez pas de McDo hein, je vous rappelle que l’ennemi c’est pas les frites mais le brocoli.
– HL : Plus jeune, j’étais admiratif devant mon prof de philosophie qui pouvait disserter sur la citation d’un auteur pendant 2 h. entières. Mais finalement, ce n’est rien face aux animateurs de l’Equipe TV qui peuvent analyser une phrase d’un obscur joueur de foot pendant plus de 48 h.
– AR : Celui qui a inventé – pour notre sécurité bien sûr – de faire couiner les camions qui reculent, mérite d’être condamné aux acouphènes à perpétuité
– RR : La légende raconte que Neymar s’est blessé uniquement pour ne pas affronter les Herbiers.
– CC : En tant que gaucho, je n’ai rien contre un peu de fermeté mais Macron m’inspire à peu près autant qu’un Balladur en string cuir.
– NP : Bref Medvedev a été renommé premier ministre par Poutine, qui a été son premier ministre quand il était président, juste après qu’il ait été premier ministre de Poutine quand il était président.
– BL : Les bouchons de sécurité des produits ménagers pour éviter les accidents c’est jusqu’à quel âge ? Non parce que je n’y arrive pas non plus et là j’ai 32 ans quand même.
– BN : Ma fille qui râle parce que je me suis un peu servi dans sa tirelire… Alors je lui ai dit : Tu sais que Jean Moulin a donné sa vie pour toi petite ingrate ? Tu crois que lui ou Guy Môquet aurait pleurniché pour 50€ ? Tu es une honte pour la France qui gagne.
– GD : Chaque jour, Emmanuel Macron repousse les limites du mépris envers les pauvres. Elles se trouvent actuellement au-dessus de l’Australie.
– AL : Je viens de donner un yaourt à mon petit neveu avec la technique de l’avion sauf qu’au dernier moment j’ai crié Allah Alkbar en lui enfonçant la cuillère dans le front. Ma mère n’a pas rigolé
– CC : y a des gens qui se promènent à cheval sous ma fenêtre, extrait : — quand même, le vélo, ça sent moins mauvais et ça va plus vite — oui, mais tu peux pas le caresser et lui raconter tes malheurs
– NA : Donald Trump « ça ne serait jamais arrivé si les joueurs des Herbiers avaient eu une arme »
– AB : Rappel : Jean-Luc Godard est en coma profond depuis la fin du montage de « Week-end » (1967). Toute pellicule signée de son nom depuis cette date est un fake.
– CC : Donc non Brigitte Macron ne commercialise pas une crème de beauté à 86€ qui vous fait rajeunir de 25 ans et utilisée par Carla Bruni et Michelle Obama. Et son mari n’est pas non plus de gauche.
– AO : Ce qui serait vraiment étonnant cette année au Festival de Cannes, c’est de ne pas voir accidentellement de bouts de seins sur le tapis rouge…
– NP : Je ne dis pas qu’être végan c’est mal, je fais juste remarquer que si Eve avait bouffé une entrecôte plutôt qu’une pomme on n’en serait pas là. C’est tout.
– MK : « Les députés votent une réduction de leur paie ». En marche ? Non, en Pologne !
– RR : J’en ai tellement marre d’entendre en boucle la chanson de l’Eurovision que je vais interdire à mes neveux et nièces de me dire merci pour tout et rien.
– JM : On vit dans un monde qui considère Finkielkraut comme philosophe et Edouard Baer comme humoriste alors que ça devrait être l’inverse.
– DP : Les gens qui font des cœurs avec les mains, vous je sais pas, moi ça me donne envie de devenir illuminati.
– JB : LE SAVIEZ-VOUS ? Avec la chanson Amsterdam, Jacques Brel lança le mouvement « balance ton port ».
– OK : Si ça se trouve, ils ont découvert que Dupont de Ligonnes était l’un des candidats de Koh Lanta. Alors ils ont préféré tout annuler.
– OM : Des visites scolaires dans les Apple Store… Je crois que ça y est, on a définitivement disrupté avec l’intelligence.
– RR : Il y a quand même des gens qui osent t’inviter au resto un soir d’Eurovision. Quel manque de savoir vivre:
– GB : — « Quand même. Ces élites coupées du peuple dans leurs petits palais parisien » — « Lamentable. Et après ça se plaint de l’abstention » — « Oh regarde. Hollande dédicace son livre dans un supermarché Leclerc dans un bled quelconque » — « Haha le con. Le plouc »
– AB : Les aventures de Mélenchon à Moscou mises en scène par Jean Yanne : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Vive le Goulag, la RDA et la STASI !
FESSEBOUQUERIES RAPPEL : Je collecte au long de la semaine les posts FB et les twitts d’actu qui m’ont fait rire. Les deux lettres sont les initiales des auteurs, ou les 2 premières lettres de leur pseudo.