Violence conjugale dans ma rue

Non, en fait, pas dans ma rue. Pour changer, j’ai pris le petit chemin qui sent la noisette, où un terrain est laissé en friche pour les fleurs, les papillons, les oiseaux. Des petits immeubles sympas. Quelques personnes qui circulent.
Et soudain, une femme qui hurle. En langue étrangère. Il y a de quoi. Un type l’a attrapée par derrière et l’étrangle. Il relâche, elle lui crie dessus, il la serre, il l’emmerde, il la poursuit. Arrivée à leur hauteur, je lui demande, à la fille, si tout va bien. Le type me lance un regard assassin, un regard qui fait peur. Les gens ralentissent. Le type se rapproche de la fille. La fille me répond : ça va, on s’amuse. Et ils se mettent ensemble, genre complices, et me voilà comme une conne, à m’occuper des affaires des autres.
Quelques secondes plus tard, même cirque : il la brutalise, elle hurle, les gens regardent, ne sachant trop quoi faire. Je parle avec une autre très  jeune femme qui confirme qu’ils ne s’amusent pas. Tant qu’il y a des gens qui circulent, je me dis bon…en restant vigilante.
Le petit chemin débouche sur une rue, je suis en avance sur eux. Elle se remet à hurler, il la serre, ils s’injurient, elle essaie de lui échapper et manque de se faire écraser. Un passant m’interroge, je le mets au courant. Il est OK pour intervenir avec moi. Alors, même jeu. Le type revient vers la fille, lui prend la main et ils disent qu’ils s’amusent.
Alors on leur fait la morale. Je dis qu’un homme n’a pas à brutaliser une femme, qu’une femme n’a pas à hurler dans la rue si c’est juste pour s’amuser. On ne joue pas à ça. Mon comparse ajoute que ça risque de mal tourner et que des gens peuvent appeler la police.
Ils nous écoutent poliment et repartent devant moi en se tenant la main. Le type fait quelques gestes tendres qu’elle fait mine d’apprécier. Il se retourne pour voir si je suis là. Puis arrive une voiture de police qui apparemment les recherche et stoppe à leur niveau. Les flics alignent le type contre un mur. Lui prennent ses papiers. Et puis comme je ne vais rester plantée, je repars.
Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que ça me touche. C’est le genre de violence ordinaire que subissent beaucoup de femmes. C’est le type d’homme habité d’une telle rage qu’elles ont peur des représailles et font tout pour qu’il ne soit pas inquiété. Parce qu’elles savent qu’un jour ou l’autre, elles vont le payer. A moins que quelqu’un s’en mêle, je ne sais pas.
C’est banal, c’est courant. C’est intolérable.

Texte et dessin © dominique cozette

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