Les sources

Le nouveau roman de Marie-Hélène Lafon, les Sources, a pour thème les violences conjugales. Cest un tout petit roman âpre et sec qui conte le mariage raté d’une femme dans les années 60, dans un trou du Cantal, avec un voisin, un homme pas si mal. Mais il se révèle très brutal au fil du récit, elle en prend pour son grade. Et puis, il lui fait gosse sur gosse, ses trois petits lui bouffent le temps, elle n’est pas toujours prête quand ils doivent partir déjeuner chez les parents le dimanche, et la rouste n’est pas loin. Les enfants se tiennent aussi à carreau car le père fait peur. Pourtant ce n’est pas un homme qui boit. Il s’est mis à détester sa femme quand elle a commencé à grossir, trois grossesses coup sur coup avec trois césariennes, ça n’aide pas à rester jeune et belle. C’est un homme qui fait bien le boulot et qui s’acquitte au mieux des tâches professionnelles, paysan et producteur de fromage, et plus tard, des pensions des enfants. Et il en est fier ou plutôt, il se lui viendrait pas à l’esprit de ne pas faire son devoir.
Mais il n’a pas d’état d’âme concernant sa famille. Il agit comme il le sent, point barre. Dans ces années-là, de toute façon, il n’était pas tellement question d’étaler ses histoires conjugales. Ça restait à la maison.
C’est dans la seconde partie du livre qu’on entend la voix de cet homme qui se pense honnête et ne regrette jamais ce qu’il fait. C’est un dur à l’ouvrage, un dur à cuire, un dur du cœur.
Les Sources n’est pas un livre psychologique, tout est factuel, à l’os comme on dit, et pourtant, on voit bien les choses, les gens, la ferme. Sec et concis, rugueux, sans aucun sentimentalisme.

Les Sources de Marie-Hélène Lafon, 2023 aux Editions Buchet Chastel. 120 pages, 16,50 €

Texte © dominique cozette

Les Fessebouqueries #599

Cette semaine, appelée semaine de la gifle, m’emmerde car j’avais fini par savoir écrire Quatennens que j’écrivais Quatremains avant — vous me direz que pour filer des baffes, quatre mains valent mieux que deux — et voilà que je n’aurai peut-être plus l’occasion de l’écrire, bref, tel qui roux vendredi…, les roux pètent chaud, le cinquième roux du carrosse, et autres jeux de mots ne sauront avoir cours dans cette rubrique de haute tenue que sont mes Fessebouqueries, je vous signale en passant qu’on en sera à la 600ème la semaine prochaine et que je ferai peut-être une téléfête avec un télépot en cet honneur. Sans jets privés dans mon jardin et gardes du corps disséminés dans mes fusains, le gouv’ pourra être heureux de voir comme on est sobre ! Pas de chasseurs conviés non plus, trop peur qu’ils nous dézinguent, nous prenant pour de sales gauchistes (que je suis, ça ne vous aura pas échappé) mais pas de niqab, burqini, cornettes et autres signes de soumission à une quelconque religion machiste s’il vous pléonasme. Le reste, bah oui, Poutine, Charles III que je n’inviterai pas non plus pour un problème de type grec, c’est du Godard qui ne disait pas que des conneries mais on ne comprenait pas tout… Donc voilà une semaine qui prend ses cliques et surtout ses claques alors qu’une autre se pointe qu’on espère plus allègre, un verre à la main, en tchin-tchinant avec le verre de la charmante personne à nos côté. Ou des charm…. etc.

– CC : Chez LFI, ils auraient dû prévoir un roux de secours !
– LE : On retiendra de cette affaire Quatennens que dire la vérité n’est pas une chose à faire en politique, mieux vaut nier les faits et se terrer dans le mensonge comme Darmanin, Abad, et tous les violeurs, pédophiles, agresseurs sexuels et harceleurs du parti RENAISSANCE.
– OR : Toutes ces affaires de harcèlement visant à discréditer l’élite de la gauche… Je me demande si on ne nous prépare pas le retour de DSK pour 2027.
– JPT : Le nouveau slogan de la NUPES : « T’ar ta gueule à l’Assemblée ! »
– DT : Adrien Quatennens et Bertrand Cantat ont apparemment comme groupe préféré Supertramp. Depuis Adrien a pris ses clics et ses claques.
– JNP : Adrien n´a donc pas supporté que sa femme ne soit pas soumise.
– PA : DEVINETTE : Pourquoi on ne prend pas Charles III au sérieux ? Parce que ça fait trop longtemps que Charles attend.
– TL : Aujourd’hui c’est l’ouverture officielle du tir au cycliste / jogger, dans l’espace public forestier. Profitez bien !
– NMB : Je ne dis pas que ça s’est rafraîchi, je dis juste que je viens de croiser un moustique avec un col roulé.
– CEMT : L’enterrement d’Elizabeth II. Temps réel : 4 heures. Temps ressenti : Environ 4 fois son règne.
– OR : À l’issue de la cérémonie des obsèques, Charles III a déclaré avec satisfaction: “C’était encore mieux que pour Diana.”
– FDV : N’empêche, Emmanuel Macron est le seul mec que je connaisse à mettre des lunettes de soleil à Londres, évidemment très connue pour son soleil éclatant.
– JFJ :  — Les pub lumineuses?  « C’est rien en mégawatt » — Les jets privés?  « A côté de la plaque » — La rénovation des logements ? On fait déjà notre possible » — La 5G ?  « On n’est pas des Amish ».  A un moment il va falloir nous expliquer où le gouvernement va les trouver ses économies d’énergie.
– MED : Agnès Pannier-Runacher : « Si votre frigo est vide à la fin du mois, autant le débrancher pour faire des économies d’énergie. »
– MED : Christophe Béchu : « En respirant une fois sur deux, on pourrait diminuer par deux les émissions de CO2. »
– HU : Le gouvernement s’apprête à interdire le célibat durant l’hiver pour réduire la consommation énergétique : « Dépêchez-vous de trouver un.e partenaire, sans quoi l’ademe vous en affectera un.e, sur la base de critères géographiques », annonce Elisabeth Borne.
– JM : On peut quand même souligner le savoir-vivre de Vladimir Poutine qui a attendu la fin des obsèques de la reine pour nous dire qu’il allait tous nous terminer à l’ogive nucléaire.
– FR (Ruffin) : Pour la solidarité nationale, Bernard Arnault coupe plus vite le chauffage qu’il ne paye ses impôts en France. Mais Bruno Le Maire a autre chose à faire que d’aller chercher les évadés fiscaux, il doit faire le tour des thermostats des boutiques de luxe sur les Champs Élysées.
– EB : Rappelons que Nestlé ne fabrique pas de l’eau. Il vous vend des bouteilles plastique dans lesquelles il fout de la flotte qu’il chourave par ailleurs.
– GB : L’un des grands mystères modernes restera la façon dont le Quai d’Orsay accepte de voir ses efforts diplomatiques régulièrement ridiculisés par un illuminé en costume de laine peignée et chemise amidonnée, tiraillé entre encombrer les soldats qu’il suit et préserver ses mocassins.*
– TV : C’est aujourd’hui la Journée Mondiale de la Surdité. J’en profite donc pour souhaiter une bonne fête à nos différents ministres de l’Éducation Nationale.
– SF : Quand je vois la légèreté avec laquelle celles et ceux qui votent nos lois minimisent les violences conjugales, je me dis qu’on a pas fini de prendre des raclées.
– MP : Donc une gifle, ok. Mais du coup : deux, ç’aurait pas été ok ? Trois ? Y a un nombre ? Une fréquence ? Faut que ce soit tous les mois ? Tous les trois jours ? Dites-nous franchement en fait : à quel niveau c’est ok pour vous de cogner sa femme ? Qu’on se mette à jour, hein.
– PA : L’humain ne court pas à sa perte. Il y va en voiture.
– ZA : « Quelle est la question dont l’humanité n’a pas encore la réponse que vous aimeriez bien qu’elle l’ait de votre vivant ? » L’explication de la cote de popularité d’Édouard Philippe.
– NMB : Automne : saison où le moustique croise le virus du Covid en lui faisant un petit geste de la main façon motard.
– OK : Le président iranien refuse l’interview d’une journaliste non voilée. Il a eu peur d’avoir des érections incontrôlées ? Pauv’ pépère.
– NMB : Le paradoxe de Schrödinger, c’est d’être à la fois mort et vivant. Le paradoxe de Chronopost, c’est d’être à la fois présent à la maison pour attendre un colis et absent sur l’avis de passage.
– PE : Même morte, la mère de Charles III, dont elle connaissait l’engagement écologique, continue de lui pourrir la vie en lui léguant le pire bilan carbone jamais produit en une journée dans tout le Commonwealth.
– OR : «Une gifle n’est pas égale à un homme qui bat sa femme tous les jours. » (Manuel Bompard). Mais faut bien commencer et arrêter de procrastiner.
– PC : Si Eddy Mitchell se crève un œil avec le coin d’un dictionnaire, il se transforme en cyclope, Eddy ?

* BHL pour ceux qui ne suivent pas tout.

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RAPPEL : Je collecte au long de la semaine les posts FB et les twitts d’actu qui m’ont fait rire. Les initiales sont celles des auteurs, ou les premières lettres de leur pseudo. Illustration ou montage d’après photo web © dominique cozette. On peut liker, on peut partager, on peut s’abonner, on peut commenter, on peut faire un tour sur mon site, mon blog, mon Insta. Merci d’avance.

Mais qui est le sale bourge ?

Sale bourge est le premier roman de Nicolas Rodier. Le titre peut égarer, on peut penser que la racaille fait du mal au garçon bien propre sur lui de la couverture, mais on se trompe. C’est le bourge, qui est sale, parce qu’il est violent, parce que son milieu est pourri et que les valeurs inculquées sont de pures virtualités.
Dès l’intro, on apprend que Pierre est condamné à quatre mois avec sursis, mise à l’épreuve et injonction de soins pour violences conjugales. Il a 33 ans. Il va alors dérouler sa vie, mais de façon factuelle. Que des scènes isolées sans introspection, ni analyse, ni explication ce qui fait la force du livre. Le trait est incisif, les chapitres courts et denses et, selon le bon vieil adage de la royauté britannique « never complain, never explain »; on n’est pas ici dans une tentative de réhabilitation, d’indulgence ou de confession complaisante. Pas du tout. Le narrateur n’essaie jamais de nous entraîner sur ce terrain. S’il y a une chose que l’on peut déduire de sa violence, c’est qu’elle serait déterminée par celle de son éducation. Mais sans s’appesantir sur cette hypothèse.
Le premier chapitre de l’enfance, terrible, plante le problème : sa mère l’oblige à avaler ses carottes râpées, trop acides pour lui, il ne peut pas, il n’y arrive pas. Ses frères et sœurs, ses cousins et cousines sont tous à la plage, mais lui décide qu’il ne cédera pas, sous le regard cruel et froid de sa mère. Et la scène s’étirera jusqu’à ce que tous les jeunes reviennent, il est dix-huit heures, alors vite, pour qu’on ne se moque pas de lui, il avale tout. Sa mère « tu vois, quand tu veux ». Le soir, elle ira l’embrasser dans son lit en lui disant qu’elle l’aime.
Ils sont d’un milieu haut de gamme, bourgeoisie catho versaillaise, les écoles privées, puis les prépas et grands écoles, les domaines et propriétés familiales où ce petit monde se retrouve à chaque fête, ou événement ou rite, et aussi les interdits, notamment le nom du frère du mari décédé de bonne-maman, secret de famille qui pèse. Il y a l’obligation de réussite, d’être le premier de la classe. Il y a aussi les coups de cravaches, les coups de gueule du père qui, ne se mêlant de rien quand l’enfant est petit, devient tyrannique quand il flanche durant son adolescence. Il y a aussi le qu’en dira-t-on, les pressions de la famille pour que rien ne sorte, rien de mal, entre gens bien élevés, rien ne doit filtrer.
Pierre va se révolter, un jour. Drogue, alcool et sexe seront son ordinaire quelques temps, puis la philo et le retour, un peu obligé, dans le droit chemin.
La femme qui va le faire craquer, c’est Maud, belle, étudiante douée en médecine, facile à vivre. Et pourtant, parfois, il s’énerve d’un rien. Il doit se contenir. Il voit même un psy après un premier faux-pas. Mais il se sent parfois envahi par la violence, il a un mal fou à se maîtriser. Il ne se comprend pas, se prend pour un moins que rien. Jusqu’à ce que quelques récidives et que Maud ait atteint son seuil de tolérance. Alors le procès et la condamnation.
Au départ, on a l’impression de lire un « petit » roman mais au fur et à mesure, on est pris dans l’engrenage de ce que subit Pierre et on se laisse envahir par son mal-être qui, sans être développé dans le détail (comme dans les livres de Lionel Duroy), nous atteint profondément. D’après ce que j’ai lu sur l’auteur, ce n’est pas du tout autobiographique. Ce n’est pas non plus une compile de clichés sur cette bourgeoisie fière, tête haute toujours, méprisante pour le reste du peuple, c’est beaucoup plus subtil. Un très bon premier roman.

Sale bourge de Nicolas Rodier, 2020 aux éditions Flammarion. 218 pages, 17 €.

Texte © dominique cozette

Violence conjugale dans ma rue

Non, en fait, pas dans ma rue. Pour changer, j’ai pris le petit chemin qui sent la noisette, où un terrain est laissé en friche pour les fleurs, les papillons, les oiseaux. Des petits immeubles sympas. Quelques personnes qui circulent.
Et soudain, une femme qui hurle. En langue étrangère. Il y a de quoi. Un type l’a attrapée par derrière et l’étrangle. Il relâche, elle lui crie dessus, il la serre, il l’emmerde, il la poursuit. Arrivée à leur hauteur, je lui demande, à la fille, si tout va bien. Le type me lance un regard assassin, un regard qui fait peur. Les gens ralentissent. Le type se rapproche de la fille. La fille me répond : ça va, on s’amuse. Et ils se mettent ensemble, genre complices, et me voilà comme une conne, à m’occuper des affaires des autres.
Quelques secondes plus tard, même cirque : il la brutalise, elle hurle, les gens regardent, ne sachant trop quoi faire. Je parle avec une autre très  jeune femme qui confirme qu’ils ne s’amusent pas. Tant qu’il y a des gens qui circulent, je me dis bon…en restant vigilante.
Le petit chemin débouche sur une rue, je suis en avance sur eux. Elle se remet à hurler, il la serre, ils s’injurient, elle essaie de lui échapper et manque de se faire écraser. Un passant m’interroge, je le mets au courant. Il est OK pour intervenir avec moi. Alors, même jeu. Le type revient vers la fille, lui prend la main et ils disent qu’ils s’amusent.
Alors on leur fait la morale. Je dis qu’un homme n’a pas à brutaliser une femme, qu’une femme n’a pas à hurler dans la rue si c’est juste pour s’amuser. On ne joue pas à ça. Mon comparse ajoute que ça risque de mal tourner et que des gens peuvent appeler la police.
Ils nous écoutent poliment et repartent devant moi en se tenant la main. Le type fait quelques gestes tendres qu’elle fait mine d’apprécier. Il se retourne pour voir si je suis là. Puis arrive une voiture de police qui apparemment les recherche et stoppe à leur niveau. Les flics alignent le type contre un mur. Lui prennent ses papiers. Et puis comme je ne vais rester plantée, je repars.
Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que ça me touche. C’est le genre de violence ordinaire que subissent beaucoup de femmes. C’est le type d’homme habité d’une telle rage qu’elles ont peur des représailles et font tout pour qu’il ne soit pas inquiété. Parce qu’elles savent qu’un jour ou l’autre, elles vont le payer. A moins que quelqu’un s’en mêle, je ne sais pas.
C’est banal, c’est courant. C’est intolérable.

Texte et dessin © dominique cozette

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