Vernon Subutex 2 : accro, oui.

Voici la suite attendue avec force trépignements comme un shoot bien chargé des (més)aventures du héros littéraire le plus en vogue : Vernon Subutex. Après le tome 1 dont je vous ai parlé (voir ici) avec un enthousiasme débordant, nous retrouvons Vernon se clodo-ifiant gaiment aux Buttes Chaumont. Son cerveau décolle parfois et même souvent, mais rien de grave, c’est ça le bonheur. On savait qu’il était recherché pour possession de documents explosifs, à savoir des confessions enregistrées que lui avait confiées son pote, l’icône du rock Alex Bleach juste avant de claquer d’OD. On ne sait toujours pas ce qu’elles révèlent au début du livre mais une journaliste, ou plutôt une pourrisseuse de réputation très active sur le Web, grassement payée pour ses talents et appelée la Hyène, a mis la main dessus, cachées sous le lit d’une copine de Vernon qui le recherche elle aussi pour trahison d’amitié.
Sans spoiler l’affaire, il se trouve que les enregistrements accusent un puissant d’avoir abusé puis achevé une femme. Une hardeuse junkie. Il se trouve aussi que la Hyène, au lieu de filer ces bandes à ce client, préfère réunir tous les intéressés par l’affaire. Dont Vernon. Il se trouve que la fille de la morte, élevée tendrement et librement par son père mais devenue pieuse sous foulard, poussée par d’autres vengeresses, décide de faire payer chèrement le bonhomme. Il se trouve tout un tas d’événements qui font qu’une bande improbable de personnages pas faits pour s’entendre a priori se regroupent autour de Vernon Subutex, au Rosa Bonheur où il se remet aux platines et réinvente des moments de grâce, planants, ensorcelants.
Il y aura la mort de l’un d’eux, facho sur les bords, assassiné par des brutes, pour redonner du lien et du sens à cette bande naissante, des buts de regroupement dans des endroits secrets, sans réseau et pleins d’empathie où chaque personnage trouve un rôle à sa mesure : trouver le lieu, organiser la fête, décorer l’endroit etc.
Le plaisir principal que je retire de ces livres réside dans la dissection de la vie des gens, ce qui s’est tramé dans leur tête, ce qui fait qu’ils s’acceptent ou se détruisent, ce qui les a modelés ou flingués. C’est l’immense talent de l’écrivaine qui sait créer des personnages sans une once de vide, des gens vrais, denses, dont les méandres psychologiques sont passés au crible de son humanisme et qui fourmillent page après page pour notre plus grande curiosité. Mais surtout qui reflètent l’instant T de notre société avec ses violences et ses frustrations. Cerise on the cake :  Virginie Despentes a pris soin d’inclure au tout début du livre un bref résumé des personnages pour éviter qu’on galère en se demandant mais qui c’est déjà celui-là. Grand merci Virginie.

Vernon Subutex 2 par Virginie Despentes, 2015 aux éditions Grasset. 384 pages, 19,90 €. Le mien est dédicacé pour le même prix !

Mon article sur Teen spirit
Texte © dominique cozette

Vernon Subutex, drogue dure !

Formidable, ce livre de la Despentes, un bijou. Qui coupe, qui brûle, qui gratte, qui dérange. Mais un bijou de littérature. Vernon Subutex est le nom du héros mais aussi du livre (éponyme dirait-on) dont c’est le premier tome. Chouette, il y en aura deux autres tout bientôt.
Ah que la vie était belle quand était jeune, beau, crétin et musicos dans les 80’s ! Ah que l’avenir nous faisait du gringue comme une sale pute à dentier et faux seins. Car une fois à poil, devant toi, 25 ans après, l’avenir est un  vrai cauchemar qu’il faut te farcir. Comment Vernon, le fana du musique que tout les frappadingues venaient visiter dans son magasin de disques, comment  aurait-il pu imaginer que le disque se dématérialiserait et qu’il n’aurait plus que du vent dans ses bacs ? Alors, il ferme, pas de chômage à la clé, il vend ses précieuses galettes sur ebay, ses rarissimes affiches et réussit à tenir quelques temps.
Ses anciens potes — il a énormément d’amis, de fans et de copines — lui prêtent volontiers de la thune mais un jour ça s’arrête. Le proprio le vire sur le champ, sans même lui laisser un peu de temps pour trier ses trésors. Le seul ami devenu une icône vient de claquer d’une OD en lui ayant confié juste avant des enregistrements qu’il avait faits, des trucs qu’il racontait, mais personne ne sait quoi, même Vernon qui ne les pas écoutés et les a lui-même confiés à une nana.
Cette histoire fait le buzz dans le monde de la musique et de l’édition car tout le monde veut cette précieuse manne pour écrire THE livre sur Alex Bleach. Commence une vaste chasse à l’homme dont Vernon ne sait rien puisqu’il n’a plus accès à Internet.
Il est seul avec sa valoche, son charme et ses beaux yeux bleus, et est obligé de ruser pour squatter. Il invente, ment et parfois vole ce qui est totalement contraire à son éthique. Le plus fort du livre, c’est le portrait quasi sociologique, au scalpel, de  tous ces gens qu’il voit ou revoit, croquis de vies passionnants, et c’est un plaisir intense que d’entrer en relation avec ces quadras et quinquagénaires, leur parcours, leurs amertumes souvent, leurs penchants politiques variés, leurs dadas. Même ceux qui ont réussi, les bourges, les cinéastes, d’autres, ne sont pas enviables. Soit ils sont pourris à cause de leur réussite, soit ils ont mal vieilli, soit ils mènent une vie tragiquement banale. Et certains ont changé de sexe.
On se régale à toutes les pages. Despentes est un dico ambulant des musiques hyper pointues de l’époque. A part Chico Buarque et Edith Nylon, les centaines de noms droppés ne m’ont rien évoqué, je n’y connais rien de ces années. Mais on s’en fiche.
Et puis Paris est exploré dans les grandes largeurs, les lieux, les bistrots, les quartiers, et puis vu du sol vers la fin, quand notre malheureux héros se retrouve à terre, mendiant pour acheter sa bière dans le quartier Répu/Belleville.
J’ai adoré ce premier tome ultra noir, crade, désabusé. Pas d’eau de rose chez la Despentes (pas douce) !

Vernon Subutex tome 1 de Virginie Despentes aux éditions Grasset, 2015. 396 pages. 19,90 €.

Texte © dominique cozette

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