Avant, dans les années 10 — c’est mon ancêtre qui m’a raconté — on se reproduisait en faisant des petits dans son ventre. Puis on les nourrissait avec le lait de son sein (j’arrive pas à l’imaginer). Les hommes et les femmes avaient des rapports sexuels quand ils voulaient, mais avec l’espoir que la fécondation réussisse (!!!). Sinon, c’était pour se faire plaisir (!!!). Je ne vois pas bien. Plaisir ! Rien que ce mot, ça sent le moisi. Le ventre ? C’était une partie du corps. Quoi, le corps ?
Ecoutez, arrêtez de poser des questions, sinon, je n’y arriverai jamais. C’est vrai, c’est très difficile de penser qu’autour de nous — « nous » s’appelait le cerveau— il y avait le corps, un truc un peu grossier, qu’il fallait remplir tous les jours avec des trucs bizarres, chauds, froids, liquides, solides, colorés, odorants, mous etc… mais qu’il fallait aussi vider dans des endroits secrets. Il fallait le faire remuer, on s’en servait pour aller (quand on rencontrait un autre corps, on demandait si ça allait), il perdait des substances liquides, après il s’usait, c’était un merdier, comment ils ont pu vivre de cette façon aussi … primitive.
Avant, il y avait des endroits pour les corps, des maisons, qu’on remplissait de choses manufacturées par des gueux. Des trucs qui ne servaient à rien : des tablo, des biblo, de la déco, des gadgets… C’est bizarre de penser qu’ils s’encombraient ainsi. Et aussi, qu’ils rêvaient de posséder ces choses qui faisaient tellement envie à leurs amis, qu’on exposait dans des vitrines (voir ce mot dans le glossaire). Ah oui, parce qu’ils avaient aussi des amis en vrai, des corps en chair et en os qui venaient les voir (!!!), voir quoi ?, et parler.
Avant, on s’habillait. On couvrait son corps de substances de toutes sortes qu’il fallait changer non seulement tous les jours, mais encore toutes les saisons. Il fallait en acheter tout le temps pour avoir une bonne image (je n’ai pas bien compris le concept). Il y avait des saisons, régulièrement. Les corps partaient en vacances, ça veut dire qu’ils allaient tous ensemble dans les mêmes endroits pour … se reposer. Mais, disait mon ancêtre, il ne fallait surtout pas se reposer pour pouvoir se fabriquer des « souvenirs ». Une sorte d’historique qui se devait d’être conforme mais différent, plus criard en quelque sorte.
Et puis il y avait les distractions. Il ne fallait pas qu’on s’ennuie (???). L’ennui c’est une sorte de vacuité, si j’ai bien compris. Donc on remplissait le vide avec des trucs qui gavaient, qui bougeaient, qui faisaient du bruit, qui enivraient…
Je ne sais pas si c’était mieux avant. Cette existence purement cérébrale à laquelle nous avons abouti représente un idéal au-delà duquel l’évolution n’est plus envisageable. A moins d’un imprévu, d’une surprise. Nous ne sommes pas à l’abri d’une mutation. Qui a dit « poil au morpion » ? Vraiment, on peut s’interroger sur le progrès de l’espèce humaine…
Texte et dessin très approximatif et assez vilain, j’en conviens © dominique cozette. Enfin, non, pas de copyright pour le dessin, qui voudrait piquer un truc pareil ???