Le cerveau des hommes (serre-veau ?)

J’ai entendu bien souvent dire que l’homme est persuadé qu’il sait tout faire, au moins qu’il y arrivera, qu’il n’a surtout pas besoin de conseils, qu’il ne va pas se mettre en position d’infériorité (un ex à moi qui était médecin n’allait jamais chez un médecin pour cette raison), ni s’infliger le regard railleur de celui ou celle qui sait (alors que non, nous on aime juste rendre service. On n’appelle ça ni rendre sévice, ni rendre ses vices).
C’est ainsi que les hommes provoquent plus d’accidents graves parce qu’ils sont persuadés d’avoir leurs outils bien en mains, qu’ils n’ont pas besoin de respecter les distances de sécurité sur l’autoroute, les ralentissements (récemment, un type a failli m’emplafonner à la sortie d’un virage pour cause de travaux par ailleurs très bien indiqués, il s’est carrément mis en travers de la route, quel con), qu’ils peuvent envoyer des SMS en doublant un camion.
C’est ainsi aussi qu’ils préfèrent tourner et retourner dans les rues plutôt que de demander leur chemin.
c’est ainsi que le clito ou le point G, non je m’égare…

Ce matin, je faisais sécher mon linge dans un Lavomatic. Un type bien mis, masqué, d’une soixantaine bien entretenue, est entré, a posé son sac de linge, a commencé par tout examiner, machines et poste de paiement. Il allait de l’une à l’autre, perplexe, mais quoi, ça ne doit pas être si compliqué…
[trois minutes passent].
Mais quoi, bordel, je suis un homme, j’ai un cerveau, je ne vais pas m’abaisser à demander à cette bonne femme (moi, qui continuais à faire mon scrabble sur mon Iphone, faisant mine de l’ignorer)…
Pathétique.
D’habitude, je renseigne, mais cette fois, j’avais envie de savoir s’il s’en sortirait tout seul.
Ça a duré réellement dix minutes. Il a même changé son linge (une couette) de machine. IL A CHANGÉ SON LINGE DE MACHINE ! Pour le mettre dans la machine d’à côté, strictement la même. Puis se perdant de nouveau en conjectures muettes. Dix minutes à se demander si cette putain de poudre se déversait directement dans la machine ou autre possibilité.
Il a fini par me le demander, d’un air détaché. Manque de pot, je ne viens que sécher, alors la poudre…
Ce qui l’a probablement conforté dans sa position de monsieur-je-sais-tout-puisque-les-autres-ne-savent-rien.
Ce qui explique peut-être aussi la complexité des appareils ménagers à 150 programmes alors qu’on n’en utilise que deux. Et celle des modes d’emploi, par le fait.
Juste comme je sortais en lui souhaitant bonne journée, il m’a demandé si le chiffre affiché indiquait le temps mais a poursuivi immédiatement car les 30 s’étant changé en 29, il m’a dit : ah oui, bien sûr.
… Le cerveau des hommes ! Je comprends qu’ils ne comprennent rien aux femmes, ils n’en sont pas les fabricants et n’osent jamais nous demander.
(PS : l’image n’illustre absolument en rien la maigre relation que j’ai eu peine à entretenir avec le monsieur).

Avant, dans les années 10

Avant, dans les années 10 — c’est mon ancêtre qui m’a raconté — on se reproduisait en faisant des petits dans son ventre. Puis on les nourrissait avec le lait de son  sein (j’arrive pas à l’imaginer). Les hommes et les femmes avaient des rapports sexuels quand ils voulaient, mais avec l’espoir que la fécondation réussisse (!!!). Sinon, c’était pour se faire plaisir (!!!). Je ne vois pas bien. Plaisir ! Rien que ce mot, ça sent le moisi. Le ventre ? C’était une partie du corps. Quoi, le corps ?
Ecoutez, arrêtez de poser des questions, sinon, je n’y arriverai jamais. C’est vrai, c’est très difficile de penser qu’autour de nous — « nous »  s’appelait le cerveau—  il y avait le corps, un truc un peu grossier, qu’il fallait remplir tous les jours avec des trucs bizarres, chauds, froids, liquides, solides, colorés, odorants, mous etc… mais qu’il fallait aussi vider dans des endroits secrets. Il fallait le faire remuer, on s’en servait pour aller (quand on rencontrait un autre corps, on demandait si ça allait), il perdait des substances liquides, après il s’usait, c’était un merdier, comment ils ont pu vivre de cette façon aussi … primitive.
Avant, il y avait des endroits pour les corps, des maisons, qu’on remplissait de choses manufacturées par des gueux. Des trucs qui ne servaient à rien : des tablo, des biblo, de la déco, des gadgets… C’est bizarre de penser qu’ils s’encombraient ainsi. Et aussi, qu’ils rêvaient de posséder ces choses qui faisaient tellement envie à leurs amis, qu’on exposait dans des vitrines (voir ce mot dans le glossaire). Ah oui, parce qu’ils avaient aussi des amis en vrai, des corps en chair et en os qui venaient les voir (!!!), voir quoi ?, et parler.
Avant, on s’habillait. On couvrait son corps de substances de toutes sortes qu’il fallait changer non seulement tous les jours, mais encore toutes les saisons. Il fallait en acheter tout le temps pour avoir une bonne image (je n’ai pas bien compris le concept). Il y avait des saisons, régulièrement. Les corps partaient en vacances, ça veut dire qu’ils allaient tous ensemble dans les mêmes endroits pour … se reposer. Mais, disait mon ancêtre, il ne fallait surtout pas se reposer pour pouvoir se fabriquer des « souvenirs ». Une sorte d’historique qui se devait d’être conforme mais différent, plus criard en quelque sorte.
Et puis il y avait les distractions. Il ne fallait pas qu’on s’ennuie (???).  L’ennui c’est une sorte de vacuité, si j’ai bien compris. Donc on remplissait le vide avec des trucs qui gavaient, qui bougeaient, qui faisaient du bruit, qui enivraient…
Je ne sais pas si c’était mieux avant. Cette existence purement cérébrale à laquelle nous avons abouti représente un idéal au-delà duquel l’évolution n’est plus envisageable. A moins d’un imprévu, d’une surprise. Nous ne sommes pas à l’abri d’une mutation. Qui a dit « poil au morpion » ? Vraiment, on peut s’interroger sur le progrès de l’espèce humaine…

Texte et dessin très approximatif et assez vilain, j’en conviens © dominique cozette. Enfin, non, pas de copyright pour le dessin, qui voudrait piquer un truc pareil ???

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