Neuf parfaits étrangers

De Liane Moriarty, j’avais beaucoup aimé deux romans antérieurs, Secret du mari et Petits secrets, grands mensonges. Des romans psychologiques où tout commence toujours dans la joie et la bonne humeur avant que se fissure la cuirasse de ces belles vies et que les machinations les plus viles aillent bon train. J’ai trouvé ton dernier livre au Monoprix pendant le confinement, et c’est assez rare qu’il y ait une très bonne littérature dans ce magasin. Mais il y en a.
Les Neuf parfaits étrangers vont se connaître dans un centre de remise en forme idéal, un sublime endroit perdu au cœur de l’Australie. Y viennent pour des raisons diverses une écrivaine seule, la cinquantaine, rejetée par son éditeur pour son dernier ouvrage en même temps que plaquée par un bel escroc aux femmes seules et riches. Un très jeune couple en Lamborghini, lui simple et amoureux de sa… voiture et de sa jeune femme malgré toutes les opérations plastiques qu’elle a subies pour être encore plus belle, ce qu’il déplore. Un type baraqué, un peu rond,  pas très sympa de prime abord, que la romancière associe à un serial killer, ronchon. Une autre femme seule, mère de quatre filles, que le mari a quittée pour une jolie et charmante jeune femme avec laquelle il fait un voyage de trois semaine en Europe, avec les filles. Un très beau mâle, conscient de son attractivité, sorte de super héros qui aime faire chasse aux vilains maris  pour venger leurs victimes. Et une famille composée d’un couple d’une quarantaine d’années et de leur fille qui va fêter ses vingt ans au centre et ceux de son jumeau suicidé il y a quelques temps.
Cette cure de renouveau et de pureté est fondée sur un règlement drastique. Interdit d’emporter des boissons ou de la nourriture, les livres ne sont pas conseillés et il n’y a pas de télé. Mobiles et écrans divers sont confisqués et la cure commence par plusieurs jours de silence total. Il est évidemment impossible de communiquer avec  l’extérieur. Le régime alimentaire est très strict et commence, comme le silence, par un long jeûne. Le corps est massé, assoupli, oint, etc. On y apprend à méditer, à prendre sur soi, à sortir ses failles. Mais il y aura des « activités » beaucoup plus stressantes et inattendues.
La maîtresse des lieux est une sublime femme très grande, très belle, qui a fui la Russie et dont la passion, semble-t-il, est d’offrir une transformation totale à chacun, à l’issue de ces dix jours. Mais qui est-elle ? Une perverse ? Une folle ? Une thérapeute réellement sincère ? En tout cas, rien ne peut l’atteindre ni assouplir sa discipline.
C’est un pavé assez passionnant car Liane s’y entend pour composer des portraits de personnages dont en a envie de savoir ce qu’il leur est arrivé. Elle s’y connaît aussi en ressort psychologique et en coups de théâtre, si on peut dire. Chaque chapitre s’arrête au bord de la falaise et c’est difficile de résister à la curiosité.
Malgré tout, il y a un passage assez longuet où le récit, comme les neuf curistes, ne sait se maîtriser. En fait, ce n’est pas très grave car ce qu’il se passe est bizarre, incroyable, je pourrais même dire non crédible. Mais nous sommes dans une fiction. L’histoire poursuivra son chemin un peu mieux balisé pour que, finalement, on se dise que c’est un très bon roman.

Neuf parfaits étrangers de Liane Moriarty, 2018. Traduit par Béatrice Taupeau. 2020 aux éditions Albin Michel. 510 pages, 22,90 €.

Texte © dominique cozette

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