Je ne connaissais pas Ron Rash. Et soudain, dans une de mes deux librairies sétoises préférées, j’avise une petite somme de cette auteur et me dis tiens, un auteur américain que cette librairie semble aimer. Référence. Voyons voir. J’achète donc Un pied au paradis et je plonge dedans telle la louche en argent dans une soupière de caviar. Et j’en ramène quoi ? Une furieuse envie d’en acheter d’autres.
Un pied au paradis est une sorte de polar. Pas une enquête acharnée sur une mort d’homme mais l’histoire des personnages concernés par elle. Un polar red-neck qui se passe dans une vallée paumée du côté des Appalaches, où tout le monde connaît tout le monde, ils sont si peu, si dispersés sur les vastes terrains, mais fidèles aux retrouvailles dominicales du culte. Billy est un jeune homme courageux au travail, qui boîte un peu suite à une grave polyo et qui a involontairement conquis le cœur d’une très belle fille, Janice. Ils se marient, ils s’adorent, il cultive âprement des légumes pour l’hiver et du tabac pour le fric en attendant de mettre un bébé en route. Mais le bébé ne veut pas venir. Le malheur s’installe, c’est lui et ses spermatos handicapés les responsables. Loin là-haut vit une vieille, sorte de sorcière crainte et puissante chez qui ira Janice pour trouver un remède à la stérilité. Drôle de remède.
Dans la première ferme voisine vivent Holland (oui, c’est son nom) et sa veuve de mère. Lui est rentré décoré de la guerre de Corée, sorte de héros pénible qui fout un peu la merde dans les bars, mais on le comprend. C’est lui qui disparaît, c’est de chez Billy que venait le bruit d’un coup de feu, et c’est par là que vont aller fouiller le shérif et ses hommes. Il fait une telle chaleur qu’il est impossible que le cadavre soit laissé à l’abandon. Où peut-il bien être ? Cette quête s’amplifie, c’est assez original.
La réponse viendra en plusieurs fois car cinq personnes bâtissent le récit. Et à chacune d’elle, un pan de la vérité se fait jour. C’est très bien construit, c’est sombre, on entend les bêtes et la rivière qui coule, comme dans tout bon roman américain. Très bon livre, c’est le premier de cet auteur.
Un pied au paradis de Ron Rash en 2002. One foot in eden in english. Traduit par Isabelle Reinharez. Au livre de poche. 316 pages. 7,30 €
Texte © dominique cozette