Où est passée la mère de Rose ?

Les secrets de ma mère est le troisième roman de Jessie Burton, autrice britannique populaire experte en tricotage de grand romanesque. Et ce n’est pas peu dire. On est pris très vite dans cette quête désespérée de Rose, jeune femme abandonnée par sa mère tout bébé. Sa mère qui a disparu sans laisser aucune trace mais dont certains indices laissent à penser qu’elle ne s’est pas suicidée. Un des côtés plaisants de ce livre est de nous balancer de l’année 1982 à l’année 2017, un coup à Los Angeles, l’autre coup à Londres. Et d’y dessiner le parallèle des vies de deux femmes qui se sont si peu connues.
Ça commence, en 1982 à Londres, avec Elise, 23 ans, plutôt effacée, qui tombe sous le charme de Constance Holden, alias Connie, une écrivaine déjà connue sauf d’Elise. Elise, dont on peut penser qu’elle n’est pas vraiment homosexuelle, se laisse porter par cette vague d’amour que lui prodige cette femme sûre d’elle, élégante, séduisante. Elle vient vivre chez elle jusqu’à ce qu’on apprenne à Connie que son premier roman va être adapté par une grosse production d’Hollywood, avec un casting d’enfer. Et qu’on lui offre de venir s’y installer le temps du tournage. Ni une ni deux, elle saute dans l’avion avec sa jeune amie, ravie de la tournure que prend sa vie. Et là, dans la magnifique villa avec piscine qu’on leur a prêtée, c’est la fiesta, le défilé des people, le bling-bling tonitruant. Qu’est loin d’apprécier Elise, timide, jalouse, voyant son amoureuse s’éprendre de cette vie clinquante et surtout de la magnifique actrice qui joue le premier rôle.
Alors, pour faire diversion, elle pose pour une artiste, qu’elle aime beaucoup, amie de Connie, et dont le mari, Matt, ne fait pas grand chose d’autre que du surf. Elle va donc apprendre aussi le surf avec lui. Elle aimerait pourtant tellement rentrer à Londres avec Connie ! Comme celle-ci ne semble pas s’y préparer, Elise va commettre un acte qui va changer le cours de la vie de toutes ces personnes.
En 2017, Rose s’apprête à quitter son père Matt, qui l’a élevée seul après la disparition d’Elise et qui vit maintenant en couple. Ils se sont installés en Bretagne, elle doit retourner à Londres. Le dernier jour, Matt lui donne deux vieux livres, en fait ce sont les deux seuls romans écrits par Constance, puis lui apprend que cette femme a bien connu sa mère. Sauf qu’il ne veut pas en dire plus, il se refuse à parler de leur histoire, trop pénible, jamais digérée. A partir de cette information, Rose se met en quête de rencontrer Connie, femme âgée maintenant, plus ou moins recluse, refusant le contact. Cependant, suite à un subterfuge hasardeux, Rose sera engagée chez elle sous un faux nom, comme femme de compagnie, dactylo, aide diverse. Elle vit alors avec un type sympa vaguement hippy qui ne réalise jamais son projet un peu stupide de food-truck tandis que son camion rouille. Rien ne se construit entre eux deux, elle gagne un peu d’argent en tenant un bar de copains et lui écrit quelques scenarios. Plus le temps passe, plus les deux femmes s’apprécient — Rose s’installe chez Connie —  mais moins Rose trouve le cran de l’interroger sur sa mère, subodorant par quelques vagues apartés que Connie ne supportera pas cette intrusion.
On voit donc d’un côté se développer la genèse de toute l’affaire, les relations entre Connie, Elise, Matt et sa femme, puis la petite graine du bébé, et de l’autre, c’est une enquête à la première personne où l’on accède juste par la vision de Rose. A la fin, on apprendra pourquoi et comment ces amours et amitiés ont explosé. La fin est impressionnante. C’est palpitant, c’est foisonnant, c’est un bain d’émotions que nous offre ce livre magnifiquement romanesque.

Les secrets de ma mère de Jessie Burton, (The confession 2019), 2020 pour la traduction de Laura Derajinski, aux éditions Gallimard. 508 pages, 23 €.

Texte © dominique cozette

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