L’écrivain vain

Il s’appelle Ursulo Crish, c’est un pseudo qu’il peaufine jusqu’à la trame, reniant la bourgognitude de ses parents qui lui ont donné leur modeste patronyme plus un prénom qu’ils jugeaient assez classe. Donc, il s’agit de Matthieu (avec deux t) Fournial, monté à Paris dans ses jeunes années pour y trouver la gloire. La gloire est une salope car elle se défile dès qu’il commence à flirter avec elle. Son terrain : l’écriture. Dit-il en remontant sa mèche alopétique d’un geste peu viril et compassé à la terrasse du Flore ou à la Closerie. Oui, c’est vrai qu’en vingt ans, il a réussi à infiltrer le gratin germano-pratin, il s’est même retrouvé sur une même femelle que Fred Beig comme il l’appelle (et qui lui a valu une mise à l’index définitive, mise à l’index que FB se devrait de détailler dans un futur roman afin que chacun puisse apprécier l’aspect physique de la sanction) à l’occasion d’une « partoche ». Il a emmené vers l’extase une flopée d’attachées de presse de maisons les plus respectables de l’édition haut de gamme, même s’il s’est aussi commis dans les basses-cours de XO, l’Harmattan ou Eyrolles parce que parce que parce que… Il porte son « bouquin » en lui comme une mère son petit et sait qu’un beau jour, il jaillira de ses entrailles, tout chaud, tout fumant et que le sous-titre en sera « écrit avec les tripes ». Il aime qu’on lui demande où il en est de son bouquin, ça le rend crédible aux yeux de l’assemblée du moment. C’est évidemment un bouffon qui fait partie sans le savoir du club des écrivains qui n’ont jamais écrit, qui se refuse à admettre que les retours de manuscrits lui font de plus en plus mal à l’ego, et qui devient agressif, les traîtant tous (tous ceux de l’édition s’entend, voire plus) d’enculés de première, de mecs qui n’ont rien compris à la Littérature majuscule et qui s’en mordront tous les doigts le jour où son bouquin écrit avec les tripes et auto-publié, sera à la Hune et dans d’autres vraies librairies, avec une bande rouge où il sera vivement conseillé. En attendant, il cherche sa première phrase d’où va découler le reste comme la tricoteuse le bout de laine qui va entraîner la pelote. Vous le trouverez errant dans le quartier, son Moleskine dégainé d’une main et le feutre à bille Mitsubihi Pencil 1.0 snx 210 black parce qu’après tests (des centaines de tests), il a trouvé que c’était celui qui glissait le plus vite sur la patinoire vierge de sa page blanche à la course-poursuite de l’idée échappée de son hyperfast brain (sic). Ne vous gaussez pas, c’est un homme très malheureux. Et insupportable itou.

Texte et dessin © dominiquecozette

Une réflexion sur « L’écrivain vain »

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