l’amer qu’on voit ses dents…

Aujourd’hui, tout a été fait, dit, inventé, c’est dingue ! L’autre jour, j’écris une sublime chanson sur ma mère. Ma mère, c’est une petite dame toute grisonnante avec un coeur comme ça, j’ai voulu lui rendre un hommage pour tout le bonheur qu’elle nous a donné, à mes sept frères et moi-même. Moins mes soeurs, parce que c’est normal qu’elle leur ait demandé de les aider, du coup elles sont moins ressenti le bonheur.
Ma chanson, ça commençait comme ça : « ma mère qu’on voit danser le long des golfs verts (elle fait des ménages dans le clubhouse d’un dix-huit trous) a des reflets d’argent, ma mère, des reflets changeants sous la pluie. »
Encouragé par le sentiment d’inaltérabilité de cette poésie, j’enchaîne : Ma mère au ciel d’éte confond ses blancs moutons avec les anges si purs (elle perd un peu la tête, ma p’tite maman) ma mère bergère d’azur infinie (ça, je ne sais pas à quoi ça se réfère mais ça sonne bien).
Le troisième couplet était un peu foireux, avec des étangs et des maisons rouillées, à retravailler. Et le dernier, très lyrique : Ma mère nous a bercés le long des golfs verts et d’une chanson d’amour ma mère a bercé mon coeur pour la viiiiiiiiiiieeeeeeeeee (violons qui s’envolent etc.).
Quand je suis allé à la SACEM déposer mes paroles, le mec les a lues et m’a demandé si je me foutais de sa gueule. Quel intérêt j’aurais ? lui demandai-je. Il alla montrer mon texte à ses collègues et tous, ils se sont mis à se marrer en me regardant. C’était très pénible. Il m’a alors dit : mon petit gars, faudrait réviser vos classiques. N’allez pas me dire que vous ne connaissez pas Trénet. Trénet ? Qui connaît Trénet ?
Alors, je l’ai lue à la mère de mon ex qui s’y connaît en chansons, elle aussi a éclaté de rire. Vous êtes impayable, m’a-t-elle déclaré. Et là-dessus, elle m’a joué le CD du fameux Trenet qui est mort et enterré !!! Putain, il m’avait piqué ma chanson !!! Parfaitement, je l’ai inventée AUSSI cette chanson, non, je ne l’ai jamais, jamais, jamais  entendue… Alors, qu’est-ce que je fais maintenant ? J’écris  sur mon chagrin quand mon ex m’a quitté et que j’ai entendu le train siffler et que j’ai pensé « que c’est triste un train qui siffle dans le soir » ? Puis je me suicide quand on m’annonce que ça a déjà été dit ?

Texte  © charles trenet & dominiquecozette / dessin © dominiquecozette

Une réflexion sur « l’amer qu’on voit ses dents… »

  1. Ya de quoi se flinguer ma brave dame. De tout coeur avec vous, j’ai vécu le même problème quand j’ai voulu rendre hommage à mon père qui était boulanger, comme il se levait tôt, j’ai écrit; Il est 5 heures Paris s’éveille et les boulangers font des bâtards. Ma mère m’est tombée dessus, en me disant que je savais quelque chose sur la vie de noceur vicieux de mon père et qu’elle voulait connaître les noms, adresse de sa maîtresse ainsi que les noms des enfants nés hors mariage, fruits honteux du stupre où mon père se vautrait. Elle a même ajouté : « Tant qu’à faire, ses bâtards, ton père n’a qu’à les prendre comme mitrons ». La boulangerie avait Jacques Lanzmann comme client. Ils nous a entendu nous chamailler et moi siffloter ma chanson. Il m’a demandé s’il pouvait s’en inspirer et il a ajouté : « je vais prendre aussi deux religieuses au chocolat, un kougloff et deux baguettes pas trop cuites. » On a entendu la chanson, chantée par Dutronc. C’est sûr, c’est une belle chanson. C’était il y a 42 ans. Dutronc, il est toujours vivant ou bien?

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