La peau de l’ours

Dernier opus de Joy Sorman, la peau de l’ours est une fable. Elle y conte l’histoire d’un être hybride et sans nom dont la voix intérieure fera de lui le narrateur. Après sa découverte.
Tout commence dans un petit village avec l’adoration d’une jeune fille très belle, très gaie, par tous les hommes du coin. Autour rôdent quelques ours, respectueux d’un accord tacite pour la sauvegarde des villageois, parfois rompu par la mort d’un gamin suite au geste un peu brutal d’un plantigrade.
Suzanne mène un troupeau dans des alpages puis disparaît. On la cherche, le troupeau est là, intact, même pas trace de loup ou d’un autre prédateur. Rien.
En fait, l’ours, l’énorme ours, a eu un coup de foudre et l’a enlevée, entraînée dans sa grotte. Pendant trois ans, il l’a gardé là, derrière une énorme pierre qu’il roulait pour l’empêcher de sortir quand il s’absentait. Un jour, des chasseurs l’ont entendue, l’ont délivrée — évidemment, elle ne ressemblait plus à rien, la pauvre — et ont découvert horrifiés le fruit de leurs amours, un petit être mi-homme, mi-ours. La femme coupable est enfermée dans un ccouvent, on laisse le petit monstre traîner jusqu’à ce qu’un montreur d’ours l’achète. En grandissant, il prend du poil de la bête puisqu’il n’a plus rien d’humain, physiquement.
Commence alors pour lui , définitivement déraciné, une vie sans grandes joies, qui le conduit, de ventes en reventes, dans des petits cirques, dans des arènes où il doit jouer sa vie contre celle d’autres bêtes féroces, sur la mer où il voyage avec des tas d’autres bêtes exotiques capturées pour le plaisir de gens riches, et dont la moitié va crever, de traversées de déserts brûlants, puis dans un énorme cirque installé aux abords d’une grande ville où il se sent finalement bien. Pendant un certain temps. Au bout de ce temps, il est racheté puis exposé dans une fausse nature cimentée comme la fosse du zoo où il s’ennuie terriblement. Jusqu’à une drôle de rencontre, brève et intense, qui décidera de la fin de sa vie.
Avec ce livre, Joy Sorman continue de fouiller la frontière entre l’homme et la bête, et si cette bête-là n’en veut pas à l’homme de la traiter ainsi, elle est reconnaissante à la gent féminine de toujours sentir ce petit quelque chose qui fait de lui un être à part. Roman très original.

La peau de l’ours de Joy Sorman chez Gallimard. 2014. 160 p. 16,50 €.

Texte © dominique cozette

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